Afrique(s)Reportages

D’ Alger, l’Étranger comme chez lui… (1)

Je vous écris « des îles ». Ne cherchez pas trop, c’est là, de l’autre côté de la Grande Bleue : El-Djazaïr, Algérie. J’ignorais la métaphore insulaire – quelles « îles », au juste ? Et je ne savais rien non plus, ou si peu, de l’ancienne et dernière grande colonie de l’empire français. Septième jour ici, à Alger, avec des Algérois et des Algériens. Grande sympathie réciproque, professionnelle et émotionnelle. Et moi comme un martien, ou presque, bardé de quelques clichés à la peau dure. C’est-à-dire : ancienne colonie à la dérive, probablement sous-développée, voire attardée, larguée et empêtrée dans ses dérives islamistes – tirons le rideau !

Septième jour et je demeure «sur le cul», secoué du dedans : tant de notions à re-voir, de complexité à intégrer, d’élans à partager. De quoi clouer le bec à plus d’un blogueur, enfin de l’espèce «surfeur» et touristique. D’où cette semaine de silence, comme un recueillement.

De vrai, je n’ai qu’entrevu Alger, et rien qu’Alger. J’ouvre toutes grandes mirettes et esgourdes, et boîte aux questions. Moi, l’Étranger… Pourquoi tant de distance «lointaine», sinon hautaine ? Pourquoi, surtout, si peu de contacts vrais ? Tant de méfiance, même. Pourquoi aussi n’avoir jamais rendu visite à nos voisins ?, ces Africains du Nord, non : plutôt même, ces Méditerranéens, nos semblables à tant d’égards ; et si différents aussi dans leur altérité.

On le voit bien : j’ai tant de mal à m’y mettre ! Par quel bout prendre l’affaire ? Heureusement qu’un blog permet ça, ce ton de questionnement intérieur qui peut avoir son charme. Agacer aussi. Hue !, j’y vais pour un blog-notes algérois.

1alger300106.thumbnailJe parcours les rues en bagnole. Rien à faire, pas de dépaysement, sentiment de connu, de familier. L’Étranger, oui, se sent comme chez lui. Barbès-Marseille. L’ancienne Goutte-d’Or, le Panier et la Casbah. L’architecture, les enseignes d’avant et d’aujourd’hui, les bagnoles de Sochaux ou de Flins, frottées aux japonaises, comme là-haut, dis ! Et la parlure, hein, parlons-en, écoutons-la, toute en verve et en verdeur quasi-franchouilles ! Ou à pleins canards, de vrais beaux canards avec de bons articles bien teigneux aussi, parfois, chez les plus offensifs. Et pas de la gnognotte confidentielle, hein, mais des livraisons à deux, trois cent milles exemplaires. Bon, à relativiser si on s’en tien à l’addition totale : 700.000 quotidiens vendus – pour plus de 30 millions d’habitants…

3alger310106.thumbnailTandis que les paraboles… Ah ! la parabole des paraboles… Pas une fenêtre, pas un balcon qui n’en fasse pousser, tendues par milliers vers l’espérance du ciel. Cet irrépressible besoin d’air frais vers toutes les chaînes du monde, avec des préférences vers celles de l’autre patrie, la françaoui, matinée d’amour et de haine, selon…

J’embraye sur ma marotte : une quarantaine de titres, des quotidiens ; une bonne dizaine rien qu’à Alger (je tâcherai d’être plus précis). Au petit matin, à l’hôtel, juste avant le café, des mains attentionnées m’en glissent deux, parfois trois sous la porte. Le régal. Bah oui, cette odeur de combat à continuer, tout à bâtir encore, ou presque.

Combat, ou plutôt résistance. La guerre de libération semble loin, voire menacée d’amnésie – heureux que quelques députés aussi hexagonaux que lourdingues aient ravivé ici la question coloniale sur l’air de la positive attitude ! Du coup, sous ma porte, El Watan [La Nation] de ce lundi [30/01/06] s’est empressé de m’allonger la facture : 1.300 milliards de dollars au nom des victimes civiles de la guerre. Vingt dieux ! Il faut dire que l’addition remonte à 1830, date de l’invasion française. Un sacré arriéré. Tout y passe, dans les moindres détails (estimés) de la spoliation. Un inventaire d’huissier – moins les « frais d’investissements » de l’envahisseur qui, je le sens bien, vont ressurgir sans tarder.

Bref, les marchands de tapis des deux bords vont y aller du « monzami » et ça va batailler sec autour du « bienfait positif » qui a tellement défrisé les Algériens – ce qu’on comprend, surtout si on sait que l’affaire a été montée ici par des voix très intéressées. Occasion trop belle de faire diversion sur une situation intérieure tendue, voire explosive. Une façon de raviver la «vieille» guerre pour faire oublier l’autre, toujours en cours après tout, entachée des pires atrocités islamistes.

Or la question demeure. Elle n’a été qu’un peu déplacée, légèrement colmatée. Et, au fait, voilà bien ce qui trouble au plus haut point ma présence sur les terres de la si belle Algérie.

Mais il se fait tard ce soir… A bientôt ici même – inch’Allah !

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Une réflexion sur “D’ Alger, l’Étranger comme chez lui… (1)

  • Faber

    C’est vrai que c’est à côté, encore plus à côté de chez toi que de chez moi dont je n’ai qu’une vision des années 80 !
    Pays en construction ou en déconstruction telle était la question à voir ces murs minables qui hésitaient à monter ou descendre !
    Je te félicite et décidément, le voyage te va bien, les ailleurs te portent !
    Quel magnifique texte tandis que Chichi nous offre une journée contre l’esclavage, hein !
    Mais bordel, comme notre nombril est pâle, comme nous ressemblons à des saucisses !
    Et comme la vie est belle quand on a envie d’y goûter un peu !
    Continue, c’est du bon, tes textes ont la saveur du thé qui ne se tait pas !
    Ici, rien !
    amitiés,

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