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Dans les Trésors engloutis d’Égypte

J’aime tellement ce mot de Jules Renard : « Il faut voyager pour agrandir la vie ». Notez le “pour”. Car on peut aussi bien faire du sur place ou se rétrécir en parcourant beaucoup de kilomètres, en usant des tonnes de kérosène. Voyager pour découvrir d’autres mondes, d’autres univers, d’autres êtres surtout. Comme Ulysse, revenir autre, les yeux aveuglés de mille lumières. Dangereux ? Ah peut-être, comme la vie, maladie mortelle.

[dropcap]Ça[/dropcap] c’est le voyage physique dans l’espace, et de manière indirecte dans le temps. Voyager dans l’Histoire aussi c’est agrandir la vie puisque, là encore, on va faire des rencontres, réaliser qu’on n’est pas les premiers sur terre, loin s’en faut. Et que plus on remonte dans le temps, plus on creuse (l’archéologie, la paléontologie), plus on plonge (leurs variantes sous-marines), plus on s’engouffre dans les abîmes de la Connaissance. La grande Ivresse.

J’en étais là l’autre samedi matin, ayant échappé aux grandes affluences parisiennes, pour me faufiler avec le fiston dans les « Trésors engloutis d’Égypte ». Une plongée, certes marchandisée comme le reste de nos sociétés modernes, sous la nef rénovée du Grand palais et dans le port antique d’Alexandrie, ses quartiers royaux, la cité perdue d’Héracléion dans la baie d’Aboukir et Canope Est.

On ne compte plus trop les siècles accumulés ni les mélanges de commerce, de science, de culture et de religion – tout un métissage de Mésopotamie et de pharaons, de Grèce et de Rome. Comme un souk savant et précieux, d’or et de poterie, intact ou seulement poli par des caresses marines, presque à l’abri du temps, englouti lors d’un séisme et ressurgi par les grâces du savoir, des techniques et du bizness. Pas de quoi s’en plaindre.

 Voilà, j’ai donc aussi promené mon œil, ma caméra-stylo qui brave les « interdit de photographier » – et au nom de quoi, non mais ? Au nom de quoi, il y a deux ou trois millénaires, un sculpteur et un potier de génie auraient produit de tels chefs d’œuvres pour que des découvreurs s’arrogent sur eux des droits de propriétaires artistiques ?!

Notons que les musées du monde sont pleins d’œuvres ainsi littéralement volées à leurs pays d’appartenance. A commencer par le fameux musée des « arts premiers » du quai Branly qui font ensuite boutique de la moindre pointe de flèche néolithique reproduite en carte postale ou en boucles d’oreille.

C’est ainsi que les expos, et celle-ci des Trésors engloutis bien entendu, se terminent en supermarché avec ses « têtes de gondole », ses colifichets et ses monceaux de bouquins en promo.

 

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

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