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Mammuth, un film qui laisse passer la lumière

Mammuth, un grand film sur les « petites gens ». Ceux qu’un Pierre Sansot avait dénommés Gens de peu, en leur consacrant un beau bouquin chaleureux sous le regard du sociologue. Jean Guenot, lui a écrit Gens de rien, un roman. Et qui donc avait dit « Ils ont de petites vies mais de grands rêves » ? Peut-être bien Prévert, ou alors Brecht. Ici, attention, cinéma hors les rails ! comme il y a des vies hors les murs – quand on peut s’échapper. Justement, il s’agit bien d’une escapade, chevauchée dans le fantasque surgi de l’ordinaire, prétexte à « départementale movie » en pays charentais – puisque ça se passe là, autant dire dans l’Univers, tout au moins hexagonal, bardé de vignobles et de supermarchés.

Mammuth- Pilardosse -Depardieu prend sa retraite, celle qu’on lui concède après dix années d’abattoir porcin précédées d’une bonne trentaine d’autres, aux quatre coins d’une existence éparse. Scène géniale du pot de départ, style « Strip tease » à la télé, pour dire vite. On lui offre un puzzle en boîte avec ses 2000 pièces. « I’ se sont pas foutus de toi ! » commente sobrement la dame Pilardosse (Yolande Moreau, inimitable). Terrible questionnement devant l’immensité de la tâche, comme de devoir réemboîter les pièces de toute une vie. Un coup à laisser tomber, à se barrer au loin. La moto d’époque fera l’affaire, une vieille toute belle, même pas ridée, une « Munch-Mammuth » pour les affidés du deux-roues ; une sorte de Rossinante quasi neuve pour un Sancho Pança qu’aurait supplanté Quichote – je me comprends… D’ailleurs, pour ce qui est du scénar et de la fiche technique du film, y a plein d’endroits à visiter comme ici et avec des critiques et tout.

Je veux juste dire – « c’est pour dire », pas vrai ? – à quel point un tel film est rare. Car c’est un film de cinéma, oui : qui a du grain, pas du virtuel sauce holywwod. Tout a du grain dans Mammuth, depuis la pelloche (du super 8, même qu’on dirait un bouquin d’avant Gutenberg) jusqu’à toute l’histoire bien graineuse et surtout les personnages qui, tous, ont un grain. Un vrai grain de bonne folie, de ces « fêlés bienheureux, car ils laissent passer la lumière ».

Depardieu illumine de son entière présence. Acteur totalement lâché à lui-même dans un rôle taillé pour lui, tandis qu’il est taillé pour le film. C’est Obélix jouant Falstaff, pas dans du Shakespeare, ou alors en version ras du quotidien, celui des gens de peu, justement, de ceux qu’ont pas les mots qu’i faut, surtout pour parler aux boîtes vocales et autres robots téléphoniques qui nous prennent pour des brèmes. Mammuth c’est aussi l’anti-frime, grosse moto peut-être mais pour rouler à vitesse humaine, poussé par un gros-cul, doublé par un sauvage court-la-mort. Mammuth et sa madame, caissière de supermarché, c’est aussi des mots d’amour comme on n’en dit jamais au ciné – sauf là, dans ce débordement d’humanité.

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4 réflexions sur “Mammuth, un film qui laisse passer la lumière

  • Assez d’accord avec ce que vous écrivez là.
    Je rajoute ceci :
    Un sorte de film “déchiens” dans sa version pathétique.
    Beau comme l’antique.
    On touche au mythique.
    Un Depardieu en monstre désacralisé et en gros sacrément monstrueux.
    On y rigole, mais uniquement parce que cela relaxe. Pas pour se moquer.
    La profondeur des humbles, des moches, des fous, des cons…
    Le dérisoire et l’essentiel.
    Du sang, du sperme et de la sueur… mais pas juste pour faire joli… parce que la vie est comme cela. Et qu’il y a pas mal de beauté dans ces “petites” choses.
    J’ai beaucoup aimé … elle, non. Sans doute pas la meilleure recette pour se remonter le moral.
    Filmé en super 8.

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  • Dans Mammuth, j’ai retrouvé avec plaisir le Gérard Depardieu de ses débuts, mais c’est surtout le thème du film qui m’a séduit. Dans l’actualité actuelle, avec la mascarade des négociations sur l’équilibre financier des régimes de retraite, ce film en dit beaucoup plus. Rares sont les personnes qui ont ou auront un parcours sans maladie, sans chômage, sans emplois au rabais, sans magouilles de déclarations à l’Urssaf,…

    Les femmes en sont les premières victimes, car on leur demande 25 ans de salaires réguliers sans tenir vraiment compte de leurs conditions de mère au foyer. Bientôt ce seront nos enfants qui pâtiront de leurs longues études pour obtenir un emploi, souvent mal rémunéré.
    Bien sûr, on rit des mésaventures de Mammuth, surtout au début du film, mais après réflexions, je me dis que trop peu de cinéastes français osent aborder les faits de société pour en dénoncer les dérives.

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    • Gérard Ponthieu

      On fait sa pub comme on peut… c’est le cas ici avec ce site qui vend du Super 8. Pourquoi pas, quand s’est fait habilement et avec discrétion…

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