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Mauritanie : condamné à mort pour apostasie – “avoir parlé avec légèreté du prophète Mahomet”

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Moha­med Cheikh Ould Moha­med, détenu depuis le 2 jan­vier 2014, condamné à mort pour apostasie

Un jeune Mauritanien jugé pour apostasie après un écrit considéré comme blasphé–matoire a été condamné à mort mercredi soir (24/12/14) par un tribunal de Nouadhibou, port à l’extrême nord-ouest du pays.

Mohamed Cheikh Ould Mohamed, détenu depuis le 2 janvier 2014, avait plaidé non coupable mardi 23 décembre à l’ouverture de son procès, le premier du genre en Mauritanie. La peine de mort n’est pas abolie dans le pays où, selon Amnesty International, la dernière exécution date de 1987.

Le prévenu, proche de la trentaine, s’est évanoui à l’énoncé du verdict par la Cour criminelle de Nouadhibou avant d’être ranimé et conduit en prison. L’annonce du jugement a été suivie de bruyantes scènes de joie dans la salle d’audience et à travers la ville de Nouadhibou avec des rassemblements ponctués de concerts de klaxon.

A l’audience, un juge a rappelé à l’accusé qu’il a été inculpé d’apostasie “pour avoir parlé avec légèreté du prophète Mahomet” dans un article publié brièvement sur des sites internet mauritaniens, dans lequel il contestait des décisions prises par le prophète Mahomet et ses compagnons durant les guerres saintes.

Mohamed Cheikh Ould Mohamed avait expliqué que “son intention n’était pas de porter atteinte au prophète, (…) mais de défendre une couche de la population mal considérée et maltraitée, les forgerons“, dont il est issu. Il a ensuite déclaré : “Si on peut comprendre (à travers mon texte) ce pour quoi je suis inculpé, je le nie complètement et m’en repens ouvertement.”

Mercredi soir, les deux avocats commis d’office pour la défense ont insisté sur le repentir exprimé par l’accusé et estimé que cela devrait être pris en compte en sa faveur.

Plus tôt dans la journée, le procureur de la République de Nouadhibou avait requis la peine de mort à son encontre.

En rendant sa décision, la cour a indiqué que le prévenu tombait sous le coup d’un article du code pénal mauritanien prévoyant la peine de mort pour “tout musulman, homme ou femme, ayant renoncé à l’islam, explicitement ou à travers des actes ou paroles en tenant lieu”.

mauritanieEn février, un célèbre avocat mauritanien, Me Mohameden Ould Icheddou, qui avait été sollicité par la famille de l’accusé, avait annoncé qu’il renonçait à le défendre après des manifestations hostiles contre le jeune homme ainsi que lui-même et ses proches.

Dans son article controversé, Mohamed Cheikh Ould Mohamed accusait la société mauritanienne de perpétuer un “ordre social inique hérité” de cette époque.

Plusieurs manifestations de colère avaient eu lieu à Nouadhibou et à Nouakchott, certains protestataires allant jusqu’à réclamer sa mise à mort, le qualifiant de “blasphémateur”.

Selon des organisations islamiques locales, c’est la première fois qu’un texte critique de l’islam et du prophète est publié en Mauritanie, République islamique où la charia (loi islamique) est en vigueur mais dont les sentences extrêmes comme les peines de mort et de flagellations ne sont plus appliquées depuis les années 1980.

[Avec AFP et lefigaro.fr]

Commentaire de Bernard Nantet, journaliste et africaniste, spécialiste du Sahara (auteur de Le Sahara. Histoire, guerres et conquêtes , éd. Tallandier).

Il y a quand même quelques chances que la “sentence” ne soit pas exécutée si les pressions internationales sont suffisantes, d’autant plus que la Mauritanie est partenaire dans la lutte contre les islamistes. Toutefois, c’est justement en raison de cette ” rigueur ” religieuse que la Mauritanie est relativement écartée de l’action des islamistes (un peu comme l’Arabie saoudite !!!) qui leur donne moins de grain à moudre. L’embêtant, c’est que ça se passe à Nouadhibou, loin de la “médiatisation ” qu’il peut y avoir à Nouakchott.

Apparemment, il semble que le jeune homme en question, de par la raison qu’il donne de son geste qu’on ne connaît pas encore avec précision, serait issu de la caste des forgerons, méprisée comme il se doit, partout au Sahara, y compris chez les Touareg, où la tradition fait des forgerons des Juifs islamisés. Mépris ambigu cependant comme tout ce qui concerne les artisans, car on a besoin d’eux pour faire les menus objets usuels en métal (sa femme est généralement potière et c’est elle qui fait les coussins).

Cette histoire-là est à rapprocher de la condamnation (je ne sais pas si c’était à la peine de mort) d’un Noir maure qui avait brûlé des pages d’un traité juridique traditionnel (pas du Coran, il n’était pas fou à ce point-là) justifiant l’esclavage. Il faut savoir que l’islam mauritanien se reconnaît de l’école malékite comme l’islam saharien et celui d’Afrique du Nord qui se basent sur la loi coranique (charia) pour régler tous les problèmes d’ici-bas (et ceux de là-haut aussi probablement). Ces traités juridiques concernant la vie nomades (pâturages, captifs, mariage, vie quotidienne), ce sont les fameux manuscrits qui constituent les bibliothèques ambulantes nomades.

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

3 réflexions sur “Mauritanie : condamné à mort pour apostasie – “avoir parlé avec légèreté du prophète Mahomet”

  • faber

    C’est pas Noël pour tout le monde. Être horrifié ne suffit pas. Signer un truc est faible aussi. Cliquer sur le clavier pour arrêter la guerre… Que faire ? Se souvenir qu’il faut crier la liberté partout, être acteur.

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  • Gian

    Que faire ? Eternelle question renvoyant à la relativité de notre impuissance, et son inverse. Si l’on n’a pas les moyens d’un commando de délivrance pour Mohamed C. O. Mohamed, il reste, encore et toujours, tout ce nous pouvons dénoncer dans les réligions, en en parlant autour de nous, par nos écrits, et autre non publiable.
    NB : merci pour la carte de la Mauritanie qui indique un Sahara Occidental non annexé arbitrairement par le narco-état marocain…

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