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Face au péché de monopole, le patron d’«Ouest-France» se pose en Sauveur

Dans une interview à Libération [24/02/05], le patron d’Ouest-France s’explique sur le rachat de trois quotidiens concurrents, Presse-Océan, le Maine libre et le Courrier de l’Ouest. Pour lui, cette opération est d’abord altruiste.

« Des centaines de milliers de lecteurs, déclare François-Régis Hutin, pourraient être privés de journaux issus de la Résistance, auxquels ils ont fait confiance pendant longtemps. Nous ne pouvons pas y rester indifférents. Si ces journaux disparaissent, ce n’est bon ni pour l’information, ni pour nous, ni pour l’ensemble de la presse française. »Unefoisdanslouest

Altruiste, peut-être, mais tout de même pas charitable. Par exemple, côté licenciements éventuels, le propos s’emberlificote : […] « on prendra les mesures qu’il faut. Si ça passe par des diminutions d’emploi, et si c’est absolument nécessaire, ce sera douloureux et triste, mais ce ne sera pas de notre fait, ce sera du fait d’une situation dont on aura hérité. »

Le coup de l’héritage ne sert donc pas qu’en politique. De même pour l’image du Sauveur dont se pare volontiers ce très catholique père-la-Vertu quand il parle du péché de monopole. Car si monopole il y a «ça veut dire que les autres journaux ont disparu. Est-ce de notre faute ? Faut-il qu’on disparaisse aussi pour qu’il n’y ait pas de monopole ?»

Mais au fait, se reprend le vieux capitaine roué (75 ans, dont quarante à la barre du même Ouest-France) : « […] c’est invraisemblable de parler de monopole sur cette zone : que faites-vous des 200.000 exemplaires du Télégramme ? »

Il est bien vrai que la qualité générale des journaux de Bretagne doit beaucoup à l’impulsion originelle donnée par Ouest-France. Lequel, par ses « valeurs chrétiennes et humanistes » transcrites en éthique journalistique, a su élever la concurrence au-dessus des seules données commerciales. Ce qui, probablement, fait encore dire à François-Régis Hutin : « Ce qui nous motive, c’est le développement de l’information dans l’Ouest et le pluralisme de l’information dans notre démocratie. Les journaux que nous achetons vont conserver leur autonomie et leur ligne éditoriale. »

Mais maintenant qu’Ouest-France ne peut plus se dissimuler en tant que groupe à tentation hégémonique, son patron devient plus compréhensif à l’égard des ses «collègues» : « Je me garde de critiquer M. Lagardère ou M. Dassault. Que je sache, les journaux de M. Lagardère ne sont pas plus mauvais que d’autres. M. Dassault a racheté des journaux qui étaient à vendre. Ce que je critique, c’est le système français qui fait que la presse écrite est concurrencée de manière anormale par les collectivités et certains services publics. L’audiovisuel public capte de la publicité alors qu’il bénéficie de la redevance. Les bulletins municipaux, financés avec de l’argent public, prennent de la publicité à la presse quotidienne régionale. C’est là entre autres qu’est le mal, pas chez M. Dassault. »

Dont acte. J’avais cependant cru comprendre que la concentration des médias – au sujet de laquelle le premier ministre a même créé une commission ad hoc –, était une conséquence de la financiarisation générale de l’économie, frappant notamment les entreprises de presse… Le « mal » ne serait dont pas – ou plus – là, selon M. Hutin, mais seulement dans une déréglementation des médias de service public ?

La structure financière du groupe Ouest-France (source : ESJ de Lille).

→ Voir aussi, dans le Figaro du jour [24/02/05], les excellents résultats « à deux chiffres » du groupe Spir communication, filiale d’Ouest-France qui détient, entre autres, 50% de 20 minutes.

→ Dans un genre plus bandit, au sens western, voir aussi La Lettre à Lulu, “le sale gosse de la presse nantaise”.

L’image : La conquête de l’Ouest a toujours inspiré des combats épiques.

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Une réflexion sur “Face au péché de monopole, le patron d’«Ouest-France» se pose en Sauveur

  • PaysanPerverti

    le président du conseil général de seine-maritime s’est offert cette année une page de Paris-Normandie environ 12000 Euros ( leader local, propriétaires de “droite”, rédaction cgt-ps-lcr-lo… )pour présenter ses voeux 2005. Le problème de la captation de la pub. par les médias publics est réel et peut être élargi à d’autres médias qu’il s’agit de chouchouter. L’Huma. n’a-t-elle jamais reçu de subsides de la droite ?

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