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«Pschitt !» Comment le magicien Chirac a hypnotisé juges et journalistes

Mais que fait donc la presse ?! Ma note du 22 mars 2005, « Ils font vraiment "pschiit !", les billets d’avion de la famille Chirac ! », reprenait un remarquable article du Monde [20/03/05]. Hervé Gattegno et Fabrice Lhomme y dénonçait ce déni de justice ou plutôt, et pire encore, ce déni démocratique par lequel Jacques Chirac, ci-devant président de la République, a vu ses poursuites pénales abandonnées dans l’affaire des billets d’avion à usage privé, personnel et familial, payés en argent liquide sur des fonds plus que suspects.

Un professeur agrégé de droit à l’université de Versailles, Thomas Clay revient sur l’affaire dans Libération [12/04/05] avec un article de la page Rebonds titré: « Chirac rend la justice coite » et sur-titré: « Le nom du Président a disparu des deux dossiers les plus compromettants le concernant ».

J’en profite à mon tour pour m’étonner, ou plutôt m’indigner que ce fait gravissime ait été quasiment passé sous silence. Ignoré, il l’a été, bien sûr, par la quasi totalité des citoyens – et pour cause, nos amis les journalistes de masse *, à part les deux cités, ne l’ayant pas repris. Et là encore, dans Libé, c’est un expert qui fait le boulot d’informateur en s’exprimant dans des pages « spéciales » devenues des sortes de déversoirs extérieurs au métier d’informer, pour ne pas dire une caution qui dédouanerait les journalistes du devoir d’information. A ma connaissance, je n’ai vu ni lu d’articles – hors celui du Monde, donc – sur ce tour de passe-passe indigne d’une démocratie.

Cela devant être dit, j’en reviens à l’affaire des marchés publics d’Ile-de-France que vient littéralement d’enterrer le juge Riberolles. « C’est en effet au détour de cette affaire, précise Thomas Clay, que l’on apprit que, entre décembre 1992 et mars 1995, M. Chirac avait versé plus de 3 millions de francs en espèces à une agence de voyages de Neuilly-sur-Seine pour des déplacements privés. L’origine de ces sommes méritait d’être éclaircie. Ce ne sera pas le cas.

« La question fut pourtant posée au Président qui put donner toute la mesure de son talent de prestidigitateur. Par un magique «Abracadabrantesque !», le débat fut clos. Les journalistes, destinataires de cette réponse, en restèrent cois. Les juges aussi désormais.

« […] L’intéressé s’était contenté de répondre un théâtral «Pschitt !» aux journalistes qui l’interrogeaient à ce sujet en juillet 2001, lesquels avaient d’ailleurs trouvé là une réponse suffisante à étancher leur soif d’investigation. On pensait que ce type d’exclamation n’était de nature qu’à contenter des journalistes de télévision, mais il faut croire que certains juges peuvent aussi s’en satisfaire.

« «Pschitt !»; «abracadabrantesque !», voilà donc les réponses que les historiens devront analyser afin de comprendre comment les juges ont pu s’en satisfaire, car les juristes sont démunis pour expliquer ce phénomène. Quelles que soient les questions que les juges voulaient poser, et les raisons qu’ils avaient de convoquer, ces exclamations ont suffi à mettre fin à toute enquête concernant Chirac. C’est en effet sans entendre le Président, puisqu’il n’a même pas répondu aux convocations dont il était l’objet, que le juge Riberolles abandonne le cas Chirac. Même si elle est difficile à croire, telle est la réalité judiciaire de ces dossiers.

« Le plus fort est que personne, ou presque, ne s’en est rendu compte. Une telle cécité est tout de même rare dans un pays démocratique. Le président de la République a, par magie, disparu de ces affaires judiciaires, il s’est volatilisé, évaporé, évadé même, et personne n’a donné l’alerte. »

* Par "journalistes de masse" je désigne les journalistes des médias de masse – à la différence des autres…
Chapodor_3

–> Chapô d’or aux journalistes du Monde à titre rétroactif, puisque ça n’avait pas été fait en son temps. Voilà au moins une injustice réparée !

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