ActualitéPresse-Médias

La presse algérienne, bête noire du pouvoir

par Daniel Attias

1rsf_algerie

Le pouvoir algérien n’a de cesse d’étrangler la presse du pays qui, depuis 1989, était devenue l’une des plus libres, des plus insolentes, des plus courageuses du monde.

El Harrach n’est pas un aérodrome militaire où un président de la République viendrait accueillir des journalistes persécutés… Non, ce n’est pas Villacoublay, mais une localité connue pour sa prison et son tribunal. En mars 2004, celui-ci a condamné à deux ans de prison Mohamed Benchicou, directeur du quotidien algérois, Le Matin, fermé à la suite d’une ponction fiscale particulièrement violente, sans que cela émeuve outre mesure ou suscite des embrassades présidentielles.
https://c-pour-dire.com//www/c-pour-dire/wp-content/uploads/2005/06/1dilem_1-300×262.jpg
1dilem_1Le caricaturiste du quotidien Liberté, Ali Dilem, que les spectateurs de TV5 connaissent bien, devrait d’ailleurs bientôt aller lui tenir compagnie, car il vient d’écoper de six mois de prison ferme. Il devra activer sa planche à dessin car les juges lui ont également infligé une amende de 250.000 dinars (2.700 euros).

Ce dessinateur est en réalité un repris de justice incorrigible, puisqu’il est un familier des tribunaux qui l’ont déjà condamné maintes fois aussi bien à la prison qu’à de lourdes amendes sans venir à bout de son goût de l’irrespect vis à vis des plus hautes autorités militaires et civiles de son pays ni de son dégoût pour les barbus sanglants. Seuls les mauvais esprits subversifs y verront de l’acharnement judiciaire contre un homme dont le talent n’a rien à envier à celui de Plantu ou de ses meilleurs collègues du Canard enchaîné.

Dilem n’a même pas pu invoquer l’influence aliénante et foudroyante du colonisateur. Daumier ne venait-il pas d’être condamné tout juste deux ans après la Prise d’Alger à six mois de séjour à Sainte-Pélagie, pour la publication d’une caricature représentant Louis-Philippe en Gargantua?

Pas de circonstances atténuantes ni de prescription pour les impudents! C’est ainsi que la justice a prononcé un autre verdict de six mois de prison ferme contre le directeur du quotidien Le Soir d’Algérie, Fouad Boughanem. Le journaliste Kamel Amarni, travaillant pour le même journal, a été condamné à deux mois de prison ferme et 250.000 dinars d’amende. Le journal doit également payer une amende de 2,5 millions de dinars (27.000 euros).

Les réjouissances ne s’arrêtent pas là, car une fantasia étincelante attend deux autres journaux, El Watan convoqué pour ce 28 juin et El Khabar en septembre.

Mais en attendant, les Algériens gardent la tête haute. Le 14 juin, ils étaient rassemblés à la Maison de la presse Tahar-Djaout (poète, romancier assassiné par les intégristes en 1993) à l’appel du Comité national pour la sauvegarde des libertés. Ils ont déposé une gerbe de fleurs à la mémoire de Nedjma Fadila et d’Adel Zerrouk, deux journalistes tués pendant une manifestation en juin 2001.

Un message du directeur du journal Le Matin emprisonné depuis un an a été lu à la foule: «Rien en moi n’est altéré. Je ne renie aucun de mes engagements, je ne regrette rien de ce que j’ai écrit et pensé. J’en suis toujours fier et je n’ai à demander pardon de rien, ni à personne.»

A ceux qui «refusent de baisser le front», Benchicou dit encore : «Restez la voix de ceux qui n’en ont pas […] Qu’importent leurs prisons, dans cette Algérie où l’on meurt pour dire. […] Nos enfants méritent de vivre dans la lumière.»

→ Contact : Khaled Mahrez au CALP, Maison de la Presse Tahar-Djaout, 1, rue Bachir Attar, Alger, Algérie, tél/fax: +213 61 594 108, courriel: calp_2005@yahoo.fr

→ Daniel Attias est l’auteur du blog « débloc-notes ».

→ Images. Affiche de RSF. Les journalistes algériens ont le choix: Cirer les pompes du pouvoir… ou devenir cireur de chaussures. Caricature d’Ali Dilem, du journal Liberté.

>> RSF vient d’annoncer la libération, après 11 mois d’emprisonnement, d’Ahmed Benaoum, directeur du groupe de presse Er-raï El Aam; il a été acquitté par le tribunal d’Oran le 19 juin 2005. Il avait été condamné à deux ans de prison ferme à la suite d’une plainte de la direction des impôts.

Partager

Une réflexion sur “La presse algérienne, bête noire du pouvoir

  • Guendil

    les journalistes sont vraiment interesannt surtout qui écrivent la vérité de cequ’il passeà un endroit et qui n’imagine pas un article merci à tous les journalistes qui nous des informations sur notre pays et meme ailleurs

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Translate »