ActualitéAfrique(s)C de coeur, C de gueule

À Michel Germaneau, mort au nom de l’Homme, victime du fanatisme

Ni un tou­riste, ni un jour­na­liste ou un « huma­ni­taire » au sens paten­té. Un huma­niste sans doute. Un homme avant tout. Michel Germaneau a fini sa vie dans le désert nigé­rien, vic­time de fana­tiques reli­gieux et assas­sins – ça va si sou­vent de pair. Ancien ingé­nieur élec­tri­cien, il avait 78 ans et souf­frait du cœur. Une mala­die et des élans pour un même homme, debout, qui a su don­ner du sens à sa vie, jusqu’à la fin. Un homme, comme on aime en rencontrer.

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Il était d’abord venu dans cette région si déshé­ri­tée du Sahel pour y admi­rer le ciel à l’occasion d’une éclipse. Il aurait pu res­ter tou­riste émer­veillé, mais le cœur en a déci­dé autre­ment. Il s’entiche de ses amis de ren­contre, s’engage à les aider, et revien­dra de mul­tiples fois à In-Abangharet, un vil­lage à 280 km au nord-ouest d’Agadez où il avait aidé à mon­ter une école.

Agadez, une ville et une région dou­ble­ment désta­bi­li­sés : une pre­mière fois lors de la grande séche­resse des années 70 qui pro­vo­qua un exode mas­sif des Touaregs vers Agadez même et vers Niamey, la capi­tale nigé­rienne, où ils furent des plus mal accueillis, c’est peu dire. Une seconde fois avec la décou­verte et la mise en exploi­ta­tion du gise­ment d’uranium d’Arlite, deve­nu un enjeu poli­ti­co-éco­no­mique entre l’état nigé­rien et la France d’Areva, dont les popu­la­tions locales ne rece­vaient que des miettes tout en étant exclues des prises de déci­sions les concer­nant. Un bon ter­reau pour les extrémistes.

Qu’il s’agisse de la forêt ou du cacao, du pétrole, des dia­mants, du cuivre, du col­tan et plus encore de l’uranium, les richesses de l’Afrique n’ont pour ain­si dire jamais pro­fi­té à leurs popu­la­tions. Voyez la Côte d’ivoire, le Congo, les pays des Grands lacs, le Darfour et le Tchad, l’Algérie. Et que dire de l’Afrique du Sud, au delà du mon­dial de foot ? Car l’Afrique, c’est le règne de la pré­da­tion, d’une éco­no­mie entiè­re­ment détour­née vers les inté­rêts privés.

Alors un Michel Germaneau là-dedans, bah, tout juste une pièce de gibier pour fous d’Allah ! Ils lui ont donc volé la vie, ses élans et ses illu­sions, au pro­fit des leurs, si ter­ribles et démentes, infes­tées des pires pul­sions mor­bides et mortifères.

Michel Germaneau ne sera pas mort dans un hos­pice, ce qui est déjà beau. Il ne se sera pas rési­gné à la petite vie de retrai­té pépère,ce qui est aus­si remar­quable. Le pire serait tout de même qu’il mou­rût comme un chien dans une meute de hyènes. Ce qui est hélas probable.

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4 réflexions sur “À Michel Germaneau, mort au nom de l’Homme, victime du fanatisme

  • faber

    Tandis que cer­tains se goinfrent de pognon, d’hon­neur, de médailles, de voyages orga­ni­sés pour retrai­té, voi­la un brave homme, Gérard Germaneau qui laisse sa vie à vou­loir aider celle des autres. C’est cher payé pour ce vieux Monsieur qui allonge la triste liste des vic­times du fanatisme.

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  • Hubert Ledoux

    Merci Gérard, pour ce « coup de gueule » bien ciblé.
    Tu es proche du Niger, je le suis du Mali.
    On fait ce que l’on pense devoir faire, tout comme l’a fait Michel Germaneau.
    Sûr que beau­coup de choses nous dépassent et que les inté­rêts des puis­sants ne recouvrent pas ceux des popu­la­tions locales.
    Mais tant qu’il y aura des Michel Germaneau, l’es­poir subsistera.
    Très ami­cales poi­gnées de mains.
    Hubert Ledoux

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  • François PECQUEUR

    Le fana­tisme sera tou­jours condamnable ;
    il fau­dra néan­moins, pour être juste, prendre en consi­dé­ra­tion la défiance, voire la haine indif­fé­ren­ciée envers tout ce qui est « blanc » dans les pays jadis colo­ni­sés, puis éco­no­mi­que­ment pillés avec l’ac­cord des dic­ta­teurs cor­rom­pus par d’autres « blancs ».
    Certes, cha­cun se doit de faire la part des choses et faire la dif­fé­rence entre un col blanc d »Areva et un huma­niste en mission.
    Le manque de dis­cer­ne­ment est par­fois favo­ri­sé par la colère légitime.
    J’ai pour ma part ren­con­tré plus d’un huma­ni­taire ONG se refu­sant à admettre que l’o­ri­gine des fonds qui per­mettent leurs actions et la même que ceux qui financent les armes per­met­tant aux popu­la­tions de s’entretuer.

    Ce triste épi­sode nous parle mal­heu­reu­se­ment plus du chaos semé par­tout par l’oc­ci­dent que d’une enième démons­tra­tion de l’in­té­grisme haineux.

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  • D’accord avec Pecqueur …

    La mort de ce vieux mon­sieur est bien triste et injuste (mais d’ailleurs p.ê. bien acci­den­telle, il man­quait de médocs),mais comme tu le dis fort bien toi-même, l’Occident a pillé et conti­nue de piller à gogo les richesses afri­caines (et autres) … Moi, ce qui m’a tjrs éton­né quand je voyage « au sud », c’est qu’on nous y accueille si gen­ti­ment, et pas à coups de fusil. Humanitaires ou pas !

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