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Charlie Hebdo. Le carnage contre la Liberté

Qu’ajouter encore à l’horreur et à la sauvagerie ? Bien sûr, exprimer une solidarité de base, humaine, qui manque parfois tellement dans ce monde déboussolé. S’en prendre – par la mort – à la liberté de penser, d’exprimer, de s’opposer, de respirer, de rire, d’aimer, de vivre quoi, c’est choisir l’abject, la violence meurtrière, l’abomination en même temps que la négation de sa propre humanité. Et pourtant, s'« ils » en sont, de cette humanité, comment ne pas en douter ?

Evoquer ce drame peut aussi, pour ma génération, renvoyer à ces années de lutte à la loyale où, malgré tout et en démocratie même imparfaite, le délit de presse ne se réglait pas à la mitraillette. Une interdiction suffisait et, certes, c’était déjà intolérable. C’est dire à quel point les mots sont faibles aujourd’hui pour qualifier… l’inqualifiable.

Je pense à Hara-Kiri hebdo et à sa métamorphose forcée en l’actuel Charlie Hebdo, lorsque des ayatollahs d’opérette politicienne, en quelque sorte et avec le recul du temps, en avait prononcé l’arrêt de mort – n’empêche ! – pour cause de « bal tragique » à la mort de de Gaulle (1970).

Je pense aussi, par ce retour au passé, à l’interdiction qui frappa la revue Sexpol que je dirigeais et qui nous valut cette belle solidarité notamment manifestée alors par Libération et par la bande de Charlie, en tête de laquelle : Choron, Gébé, Cavanna (morts), Wolinski et Cabu, qui viennent d’être atrocement abattus avec leurs autres camarades.

Toutes proportions gardées, car à une autre échelle, je ne peux m'empêcher de penser aux attentats du 11 septembre 2001. Ne sommes-nous pas là sur un même registre, celui qui pousse des cerveaux très atteints (atteints par quoi ?, là est la vraie et vaste question) à établir des plans d'organisation d'un tel carnage ? Si l'inspiration s'avère d'ordre "divin", comme c'est probable, hélas ! elle ne fera qu'ajouter à la diabolique confusion qui secoue le monde.

Lire aussi : La première des religions pour Charlie-Hebdo : la Liberté, par Daniel Chaize

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

12 réflexions sur “Charlie Hebdo. Le carnage contre la Liberté

  • faber

    Poser une tasse de café sur un des­sin de Cabu, ou d’autres de ses potes, évi­dem­ment, vla un truc qui va man­quer grave. Jour de deuil, jour d’encre noire. Le vent se lève, il faut ten­ter de vivre.

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  • Joël

    Grande grande tris­tesse ! Pas de place encore pour le reste.

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  • faber

    Autre truc. Oui, tu as rai­son, Gérard, c’est un 11 sep­tembre qui nous pète à la tronche. Il y a de ça. C’est aus­si, tan­dis que montent les inté­grismes pour par­ler propre, c’est aus­si une mémoire fran­chouille et anar et tou­jours paci­fiste qui se barre. Qui est assa­si­née. Cabu et Wolinski, c’é­tait la France, Monsieur. Anti tout sauf bon­heur de vivre avec gali­pettes, camem­bert, pinard et grande gueule. Ah merde on attend la relève. D’autant que les jour­naux qui publient des des­sins sont un peu morts eux aussi.

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  • faber

    oui, encore, il pleure dans mon cœur ce jour, ce soir, ce tou­jours, il pleure des traits, des taches d’encre.
    Comme il est bon de chia­ler par­fois, un grand coup.
    Comme un coup de crayon, tiens. Mais pas de haine, non, non ! Ce serait faire plai­sir aux méchants. Je me dis que j’ai choi­si le bon métier, tu vois. C’est pas un truc d’as­sis, on y risque sa peau. Tu te croyais assis sur ton gros cul, pei­nard à obser­ver le monde ? Le monde t’ob­ser­vait aus­si. Le monde t’a­vait dans le viseur.Bam, Bam. Mort d’a­voir des­si­né. Dessiner comme quand on est petit, qu’on sait pas encore par­ler. Cabu et d’autres sont tom­bés sous les balles. Cabu pour moi, c’é­tait au moins une fois pas semaine, un devoir conju­gal. Que tu poses ta tasse de café des­sus le des­sin et que t’en causes avec les potes. Que vont deve­nir nos flics, nos mili­taires et nos curés sans Cabu ? Que vont deve­nir les petites bai­seuses sans Wolinski ? Que va t’on deve­nir ? Penser très fort à un truc, se lais­ser aller. Et hop, vla le crayon qui se lève. Créer c’est résister.

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  • Pour moi, il s’a­git d’un véri­table acte de guerre : celle menée par des ploucs contre le bon vivre sans souf­france. Cette guerre est menée avec opi­niâ­tre­té, par des malades affec­tifs qui jus­ti­fient leurs actes sur des vieille­ries qui cor­ro­borent leur mal-être. La socié­té n’a pas vou­lu com­prendre, pour des rai­sons de main­tien de l’Ordre lié à la struc­ture sociale de l’or­ga­ni­sa­tion des tâches et de la répar­ti­tion des biens pro­duits, la réa­li­té et la nature de cette guerre, pen­sant qu’il s’a­git ici d’un « détail » de liber­té pos­sible, alors que cette guerre est une tue­rie de cette liber­té possible.

    La loi qui a été édi­fiée, il y a un temps, sur le mélange des genre entre le racisme et l’an­ti­clé­ri­ca­lisme, spé­cia­le­ment édi­fiée pour « pro­té­ger » le peuple juif (qui mène la confu­sion entre sécu­laire et reli­gieux pour mieux assoir UN pou­voir sur autrui), a pro­fi­té à une reli­gion pire encore, non seule­ment aus­si cas­tra­trice (cir­con­ci­sion-exci­sion), mais qui n’a de goût de la liber­té que morte.

    Le peu de vaillance pour la pro­tec­tion de cette liber­té ne pro­vient pas seule­ment d’un désir de ne pas bous­cu­ler un élec­to­rat, mais sur­tout d’as­soir une répres­sion sup­plé­men­taire sous-jacente, dans notre réa­li­té. Lorsque j’en­tends un poli­tique par­ler de racisme anti-reli­gieux et que les chiens applau­dissent, je sais que nous allons vers du pire : et nous y sommes. Car le moindre gogo qui n’est pas content y trouve une base solide et sociale, sur laquelle il peut bâtir sa désap­pro­ba­tion exclu­sive de tout res­pect d’au­trui, alors qu’i­ni­tia­le­ment, ces dis­po­si­tions étaient en faveur du res­pect de l’autre : à savoir COMMENT ! et que les moyens mis en œuvres ne cor­res­pon­daient pas à ce respect. 

    L’erreur a été de vou­loir res­pec­ter une ou des reli­gions, alors qu’il s’a­gis­sait de per­sonnes, de simples per­sonnes et de perdre la lumière qui dis­tingue une idéo­lo­gie d’une cri­tique de l’être vivant. Et de la même manière qu’on ne peut deman­der à notre temps embour­bé dans ses ambu­guï­tés inté­res­sées de résoudre cor­rec­te­ment une chose aus­si simple, de la même manière nous voyons dans ce mas­sacre idiot, à peine propre à satis­faire des égos d’i­diots, le poids qui chape ce res­pect des personnes.

    Il s’a­gis­sait du DERNIER jour­nal sati­rique, atta­ché à l’é­co­lo­gie, vio­lem­ment anti-tra­vail, volon­tai­re­ment contre les monenk­la­tu­ras, ardem­ment anti­clé­ri­cal quelque soit la reli­gion, qui don­nait à la liber­té son ton de liber­té, sa vigueur de liber­té, sa tolé­rance de liber­té, et même si on ne le lisait pas, on savait que c’é­tait là, pré­sent et irré­vo­cable. Ça a dis­pa­ru. C’est en cela que le pou­voir a gain de cause, car c’est irrémédiable.

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    • Merci, je te rejoins et suis pré­ci­sé­ment en train d’é­crire sur ce thème et sous cet angle, enfin de manière assez proche, je pense ; on devrait en repar­ler. Gérard

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  • Gian

    « … cette belle soli­da­ri­té mani­fes­tée alors (…) par la bande de Charlie, en tête de laquelle : Choron,… » : ????? Ce que je me rap­pelle, moi, c’est que juste après avoir expo­sé notre décon­fi­ture de sex­po­liens cen­su­rés, le pro­fes­seur Choron nous a copieu­se­ment insul­tés, nous asse­nant quelque chose comme « c’est bien fait pour votre gueule ! ». Certes, il était bour­ré, et Gébé et Cavanna ne le sui­virent pas dans son odieux délire. N’empêche, j’a­vais caché mon amère décon­ven­nue, et ne m’é­tais pas sen­ti sou­te­nu : c’é­tait le chef, Choron. Tu as omis le sou­tien bien plus effi­cace du « Monde », qui nous valut d’être convo­qués place Beauvau, où nous négo­ciâmes avec le direc­teur de cabi­net de Marcellin, alors ministre de l’in­té­rieur, la levée de l’in­ter­dic­tion de Sexpol (au prix de l’ex­ci­sion de la page incriminée).
    Cela dit, si ce JE SUIS CHARLIE en ce début de guerre civile fait se res­sai­sir ceux qui fai­saient l’au­truche en croi­sant les doigts, j’adhère !
    D’autre part, je te ver­rai bien reprendre du ser­vice actif, à Charlie Hebdo jus­te­ment : ils manquent de bonnes plumes ! Et les fonds vont affluer, quoique tu puisses oeu­vrer bénévolement.

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    • J’ai zap­pé ce que tu rap­portes de Choron ! Ne vou­lant sans doute gar­der que le posi­tif glo­bal du moment. Pas omis « le monde » mais n’é­tant pas le sujet… Tu dis « Marcellin », c’é­tait Poniatowski ! 1 à 1… Me faire enrô­ler chez Charlie, tu four­nis le gilet PB ou tu veux ma mort ?!

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      • Gian

        Mdr,c’est vrai, c’é­tait Ponia. La rai­son de ma confu­sion ? Mon trau­ma de 68, de l’im­mé­diat après-Mai. Pour l’en­rô­led­ment chez CH, tu peux faire comme Willem, contri­buer à distance…

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  • J’essaie de lire (et com­prendre « ? ») un maxi­mum d’ar­ticles (fran­çais et étran­gers « fran­co­phones ») concer­nant les der­niers mas­sacres, mais ce sont les con men­taires (relents de la vraie vie) qui sont les plus hor­ribles. 2015 jours noirs me semblent à venir.
    auxdieuxCharlie

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