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Le salto arrière du robot Atlas : un grand pas en avant ?

Étrange monde que le nôtre ! Nous y redoutons ce que nous vénérons. Comme l’a si bien prêché l’Aigle de Meaux, évêque de son état, un certain Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les conséquences dont ils chéris­sent les caus­es »[ref]Cita­tion attribuée à Bossuet, évêque de Meaux (avant Copé), prédi­ca­teur, 1627–1704. Notons en passant que pour le même Bossuet, “le rire est la corde du diable”…. Dieu ne doit donc pas se marrer tous les jours.[/ref]  Je voulais donc en venir aux hommes – nous autres, pauvres humains – depuis si longtemps frappés par la malédiction (divine ou diabolique ?) nous condamnant à l’aliénation. c’est-à-dire à ce qui nous déshumaniserait, à ces forces obscures ou bien très matériellement capitalistiques par lesquelles nous deviendrions des ROBOTS ! Horreur en effet !

Le fait est que l’homo sapiens, quand il se montre digne de sa lignée, résiste à sa négation. Ce qui énerve une catégorie d’impatients, nostalgiques de l’erectus, moins prétentieux, donc plus docile. Voilà pourquoi ils se vouent désormais à une tâche bien plus prometteuse : humaniser les robots. Voyez ces vidéos époustouflantes ! Ce robot humanoïde, dénommé Atlas[ref]Création de la société états-unienne Boston Dynamics. Dans la mythologie grecque, Atlas se voit condamné par Zeus à porter pour l’éternité la voûte céleste sur ses épaules.[/ref], réussit un spectaculaire salto arrière. Il marche dans la neige, trébuche sur la glace mais se rétablit – bientôt il va se lancer dans le patinage artistique. Plus sûrement, il remplacera à court terme le magasinier, le soldat anti-terroriste, le flic anti-manifestant. Sa docilité n’a de limite que celle de sa batterie. Quand on le feinte, il ne se démonte nullement. On le fait chuter, il se relève tout seul, comme un grand, sans se fâcher.

© 2017 Boston Dynamics

Pas plus que les joujoux de la chansonnette[ref]La Révolte des joujoux, chanson populaire de Pingault et Webel, 1936.[/ref] ces robots ne se révoltent. Ils sont d’ores et déjà à l’ouvrage, parcourant les entrepôts, soudant les carrosseries des autos – avant de les conduire –, faisant sous peu atterrir les pizzas dans nos assiettes, sondant nos cœurs et nos reins pour assurer notre soumission algorithmique, via nos désirs médiatiques et spectaculaires.

Peaufinant une future et proche collaboration entre deux espèces enfin unifiées – au rancart, Le Meilleur des mondes, 1984, Fahrenheit 451, Sa Majesté des mouches et tant d’autres dystopies[ref]Une dystopie est un récit de fiction dépeignant une société organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur.[/ref]– voici qu’accourt le transhumanisme qui nous promet (enfin !) une augmentation… Mais pas celle de nos moyens d’existence, de notre joie de vivre ! L’homme augmenté le sera surtout par ses capacités d’adaptation docile, c’est-à-dire de soumission – il doit d’abord être connecté, branché (c’est en bonne voie…). Quelle marge lui restera-t-il pour la révolte et la résistance ? Où seront les maquis de notre futur ? Où ne viendront pas nous débusquer ces sacrés robots ? – “sacrés”, du moins si nous consentons à les sacraliser… ce à quoi pousse notre époque profane par leur mise en spectacle.

Je rejoins ici les propos du philosophe des sciences Michel Serres, déclarant dans La Voix du Nord[ref] Entretien avec Yannick Boucher, 17/11/2017[/ref]: « Il faut être humaniste avant de penser à être transhumaniste. Le transhumanisme est une erreur. C’est au contraire l’homme diminué qui fait l’homme. Nous pouvons en effet nous déprogrammer pour mieux nous adapter à l’imprévu. Après tout, la question de l’homme augmenté et des robots est vieille comme l’antique mythologie. Souvenons-nous de l’histoire de Vulcain racontée par Homère. Sous l’Etna, le dieu des forgerons travaillait dans une chambre magmatique à façonner des « statues mobiles qui le servaient ». Des robots, dirait-on aujourd’hui ! On en a eu longtemps peur, d’eux et des créatures façonnées par l’homme, bien avant Frankenstein et bien avant que l’après seconde guerre mondiale ne vienne offrir une vision plus positive du robot, c’était le début de la science-fiction. »

Une vision plus positive ? Vraiment ? Serait-il déjà trop tard ?[ref]Lire aussi : Le futur « transhumaniste », selon le neurobiologiste Jean-Didier Vincent Cet article de 2015 est illustré par une vidéo de la même société Boston Dynamics ; on y voit un de leurs derniers robots, impressionnant mais rustre comme un bœuf… En seulement deux ans, on mesure la vitesse du progrès technologique qui sépare les deux modèles de robot…[/ref]

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

4 réflexions sur “Le salto arrière du robot Atlas : un grand pas en avant ?

  • Faber

    Et la mort de la mort dans tout cela ? L’homme augmenté – s’il voit le jour – fusion entre chair, mécanique et informatique, sera tout d’abord un homme augmenté du portefeuille. Une éternité (même courte) sera réservée aux plus riches. Mais, tout le monde n’a pas envie de finir en aspirateur capable de salto arrière… D’ici là, savourons la vraie vie, ce qu’il en reste.

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  • N’oublions pas Isaac Asimov :

    1 -un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger ;
    2 – un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ;
    3 – un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.

    (Cercle vicieux – Runaround, 1942)

    Bon, maintenant, si il y en a un pour faire le ménage et surtout, surtout mettre la housse de couette je suis preneur même s’il ne fait pas le salto arrière!!!

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  • graille bernadette

    Le petit robot Cozmo
    Il est là sur les étals des magasins de jouets de Noël.
    sacrément intelligent, au caractère bien trempé, toujours prêt à défier qui veut jouer avec lui, il ne cesse de surprendre.il explore son environnement, apprend à vous connaître. Sa technologie de pointe lui permet d’explorer le monde , de prendre des décisions selon son humeur.
    Cozmo est en vente pour Noël et fera le bonheur de quelques enfants pour la somme de 350 euros.
    Les enfants nés maintenant ne se souviendront plus de la vie sans robot. Ils remplaceront les nounous, feront les devoirs, sortiront du frigo le goûter, prépareront le bain et peut être plus encore.
    Alors devons nous avoir peur de cette intelligence artificielle?
    Je pense que l’homme augmenté, augmentera ses propres capacités mentales car nous ne sommes qu’au début des découvertes de notre cerveau .
    les robots seront toujours dominés parce que crées par l’homme.
    Bien sûr il faut rester vigilant et résistants à la folie des hommes qui pourront en faire des armes .
    quelques scientifiques nous affolent déjà en ce sens. l’homme sensuel, sensible, spirituel, aimant, avec son intelligence émotionnelle sera toujours supérieur et dominera l’intelligence artificielle. je l’espère.

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