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Assassinat du juge Borrel. Mon témoignage sur l’affaire qui dérange les intérêts bien compris franco-djiboutiens

par Gérard Ponthieu


L’affaire du juge Borrel assassiné à Djibouti en 1995 devient une affaire d’États. De deux États réunis dans un intérêt commun à masquer depuis bientôt douze ans une vérité dérangeante. Tant d’obstination politique à tenter de déguiser en suicide la mort d’un magistrat en service commandé du gouvernement de la République française, ne peut qu’être à la mesure proportionnelle des enjeux. Quels enjeux ?


Le livre de Mme Borrel, Un juge assassiné (Flammarion, 2006), de multiples contre-enquêtes et articles, et jusqu’à l’excellente émission diffusée sur Canal + ce 4 juin (Lundi investigation) ne laissent plus la place au doute quant aux réalités de l’assassinat. Je n’ai évidemment rien à ajouter aux éléments de l’enquête proprement dite. Mais je peux apporter mon témoignage quant au contexte local et géopolitique.

J’ai séjourné une semaine à Djibouti en novembre 2005 pour un reportage. L’affaire Borrel rendait l’atmosphère palpable. Du moins pour un Français blanc, et particulièrement pour un journaliste débarqué sur le territoire en catimini. Toute demande de visa de journaliste étant rejetée depuis plusieurs mois, je suis arrivé comme touriste depuis Adis-Abeba, par le « fameux » train ex-franco-éthiopien, devenu djibouto-éthiopien (voir sur ce blog). J’avais déjà, dans la capitale éthiopienne, rempli ma besace d’informations sur l’affaire. Des rumeurs, en partie, mais aussi des données recoupables, sourcées indirectement pour certaines auprès du renseignement états-unien.

djibouti_situ.1181507918.jpgCar il faut souligner à quel point les Etats-Unis se sont ancrés dans la Corne de l’ Afrique. Et pour cause, il suffit pour comprendre cela de regarder une carte régionale et considérer notamment toute la partie à l’Est de la mer Rouge : Yémen, Arabie saoudite, émirats – et l’Irak-Iran. Et, tout autour de Djibouti : l’Éthiopie bien sûr, comme allié américain, face à l’Érythrée, le Kenya et surtout la Somalie. J’expose cela plus en détail dans l’un de mes articles (Marianne n°478 du 17 juin 2006) et plus encore dans ce qui n’a pas été publié alors et que j’ai décidé de mettre en ligne maintenant sur « c’est pour dire +» : “Djibouti. L’oncle Sam n’a rien vu, rien entendu “.

En fait, j’avais proposé au Monde 2 un reportage sur la base américaine de Djibouti – ce qui n’a finalement plus intéressé la rédaction en chef [de la dure condition du pigiste de fond, même si pas né de la veille…]. Du coup, je publie ci-dessous ma note de cadrage de l’époque (A Djibouti, chez les Marines : Œuvrer à la paix, n’empêche pas de s’entraîner à la guerre); elle reste très actuelle, en particulier depuis la reprise du brasier somalien et l’intervention éthiopienne.

Revenons « sur place »… J’ai là-bas quelques accointances. En particulier depuis un premier reportage, fin… 1971, dans ce qui était encore le Territoire français des Afars et des Issas (TFAI), un des derniers confettis de l’empire colonial français. Un reportage pour Tribune socialiste, l’hebdo du PSU. Hassan Gouled – le futur premier président de Djibouti –, après des années de gaullisme bon teint, avait pris la tête de l’opposition à relents d’indépendance. Ainsi était-il venu rencontrer le « jeune et bouillant » (d’alors…) Michel Rocard. Fer de lance de l’anticolonialisme – nous n’étions que dix ans après les accords d’Évian marquant la fin de la guerre d’Algérie –, le PSU ne serait pas en reste sur Djibouti.

C’est ainsi que je précédais là-bas, de deux semaines, la visite officielle en janvier 72 du président Pompidou. En lui savonnant la planche, mon reportage allait faire grand bruit et, indirectement, contribuer à hâter le processus d’indépendance.

>>> Lire tout l’article et voir l’album photos

>>> Site du Comité de soutien à Mme Borrel

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