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De la Chine, de Châteauroux, de la mondialisation…

Hier soir, ainsi, le 20 heures de France 2 m’apprend que les Chinois s’apprêteraient (conditionnel journalistique « de rigueur ») à envahir (« péril jaune »), tenons-nous bien, l’ancienne base aéroportuaire de l’OTAN à Châteauroux (De Gaulle, à nous !)…

Le sujet vient en « illustration » à la visite de Hu Jintao, président de la Chine populaire et signataire d’un chèque claironné de plus de 10 milliards d'euros. On y voit donc un industriel chinois, interrogé sur le projet de Châteauroux, exposer comment seraient ainsi créés 4 000 emplois, dont « seulement » 800 cadres chinois. On y importerait par avion des produits chinois, évidemment, mais qui obtiendraient en passant le « label France » ce qui permettraient de les vendre plus cher…

Le maire de Châteauroux et l'industriel chinois. Tous deux ravis.

Et nous, ma fiancée et moi, devant la télé, à se dire : Ça y est les ex-colonisateurs sont désormais colonisés… Revanche amère et vaine des Africains de l’ancien temps, tandis que les actuels s’apprêtent, eux aussi et en même temps, à passer sous domination chinoise…

Et aujourd’hui, je lis le reportage de Philippe Ridet dans Le Monde [4/11/10] intitulé « Made in Italy à la chinoise », ainsi chapeauté : « Une forte communauté d'immigrants venus du Wenzhou s'est implantée à Prato, bastion toscan de l'industrie textile. Ils fabriquent des vêtements de piètre qualité, qui bénéficient du précieux label d'origine italienne. Au grand dam des industriels locaux. » L’article démarre ensuite : « Il fallait que cela arrive ici. Comme pour ajouter l'ironie à la plus grande conquête économique de la Chine en Europe. En Italie, pays de la mode et de Marco Polo. Au coeur de la Toscane " rouge ", longtemps dominée sans partage par le Parti communiste puis par le centre gauche. »…

Avouons qu’il y a de quoi être plus que troublé, désorienté, paumé, désolé, sidéré, interpellé, interloqué… Et révolté ? Alors là pas sûr. Un rapport de cause à effet est sans doute établi dans les consciences de nos concitoyens entre la désindustrialisation de ce vieux pays de France (et de l’Europe en général) et la déferlante « asiatique ». Mais n’est-ce pas au prix d’un fatalisme des plus pessimistes entraînant les replis individualistes et désespérés ? D’où ces conflits à base de fermetures de boites se terminant en négociations pour les « primes de départ », et après nous le déluge. Et quelle espérance, dites, quand 8 millions de Français vivent en France avec moins de 908 euros par mois ?

A Châteauroux donc, la télé nous montre son maire venu accueillir son « sauveur » chinois, tout comme, deux minutes avant on avait vu Sarkozy, sourire plein pot, tendre la louche commerçante à son compère Hu Jintao. À dada sur les Droits de l'homme, ils arrivent comme des messies, achètent des Airbus, promettent la lune à court terme. Toujours ça de pris, pense le président ravi, espère le maire ébaubi… Mais dans les contrats il y a aussi les plans et autres secrets industriels des avions, des centrales nucléaires qu’ils ont programmé de venir nous vendre, comme à Châteauroux, dans la décennie qui suit…

Couple de Châteauroux à France 2 : "On pense que ce serait pas mal du tout, hein…"

Alors, nous restera-t-il seulement notre pinard et notre calendos? Tandis qu’en Provence, ce même jour au même JT, tel paysan arrache ses poiriers pas assez concurrentiels… Ainsi passe la mondialisation, lourde comme un porte-conteneurs géant faisant la navette chaque mois entre Shanghai, Le Havre, Hambourg…

Châteauroux, ville maudite ? Je me souviens y avoir séjourné deux ou trois jours fin 1988… Un soir, dans un coin du sinistre Hôtel de la gare, j’y lapais un brouet insipide en voisinage de militaires irakiens, des aviateurs venus charger des armes pour alimenter la guerre avec l’Iran. C’était au temps d’une certaine « cohabitation » avec Saddam Hussein dans la cohabitation Mitterrand-Chirac… et du fructueux et morbide commerce de l’armement français : missiles Exocet, Mirage F1 pour l’Irak, et pour l’Iran, de manière secrète et cynique, 450 000 obus d'artillerie ainsi que des pièces détachées pour des missiles sol-air.

Ce soir là donc, on livrait pour l’Irak. Châteauroux, le patelin où je jeune Gérard Depardieu trompait l’ennui dans les mauvais coups ; où un autre Mitterrand (cousin ?) tenait boutique ; où un couple de Libanais ayant fui Beyrouth et la guerre étaient venus s’installer, y ouvrant un restaurant, parce que c’était « l’endroit le plus au centre de la France », où ils se sentaient le plus protégés…

Châteauroux, centre du monde mondialisé.

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11 réflexions sur “De la Chine, de Châteauroux, de la mondialisation…

  • faber

    Putaing, mer­ci le Ponthieu, en vla de la real poli­tique ! l’Hu Jin­tao, je veux dire l’u­sine tao, va nous tondre grave, nous autres fei­gnasses payées à rien foutre. Il faut dire (autre for­mule consa­crée) qu’on leur a filé les clés de la bou­tique et qu’ils bossent comme des Chinois. Tandis qu’on se la pète manif et droits de l’homme, sapé de leur che­mise à 5 euros et qu’on gueule pour la liber­té, les Chinois ne chi­noisent pas. Peut-on leur en vou­loir de rou­ler en 4X4 désor­mais et se par­fu­mer à Dior ? hein ? Juste retour des choses, ils vont nous voler nos poules, égor­ger nos fils et nos com­pagnes. Les Chinois ne sont pas les Roms. Quand chaque chi­nois démar­re­ra sa bagnole le matin, on va tous­ser un max et dire vive le pro­grès. Tout ça pour dire que nous devons par­ta­ger nos res­sources, se mettre autour de la table sans prendre de baguettes.

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  • Florimon

    Très bien vu. Mais on va dire, atten­tion : « pro­tec­tion­nisme ». Certes, si « libé­ra­lisme ». Laissons la pogne bala­deuse du mar­ché pelo­ter à tout va le bon peuple intoxi­qué au propre comme au figu­ré : se faire bai­ser par la came­lote et la bouffe dégueue d’un côté, par l’in­tox média­tique de l’autre. Il fau­drait aus­si tra­vailler sur le contre-poi­son, comme vous le faites d’ailleurs fort bien. Mais à côté des grosses machines, ça ne fait pas le poids. Bon, mais à nous tous de jouer, après tout !

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  • Dominique Dréan

    Pour mémoire, au tout début des années 80, la fin de la sidé­rur­gie à Longwy : une usine toute neuve, qui n’a­vait jamais tour­né, démon­tée pour être réinstallée…en Chine. J’ai même ren­con­tré à l’é­poque un ouvrier (espa­gnol) qui avait été embau­ché pour la construc­tion et qui enchai­nait avec le démon­tage. Faire et défaire…
    Dans quelques années, grâce à cette usine et au reste, les avions et les voi­tures chi­noises vont arri­ver sur le marché.
    Alors, M. Hu Jintao, mer­ci qui ?

    PS : Un silence assour­dis­sant sur les manifs d’au­jourd’­hui sur mes blogs pré­fé­rés. Où sont pas­sés les chants guerriers ?

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  • faber

    Merci à Dominique Dréan d’é­vo­quer ce pays sinis­tré de Longwy, à un jet de pavé de chez moi. Tandis que les fron­ta­liers gagnent leur vie (assez bien faut recon­naître) tout en rava­lant leur digni­té, au Luxembourg juste à côté, le pays haut est au plus bas, se vide, depuis livide, exsangue, une vaste cité du déses­poir. Merci au père de son fils Chérèque, fos­soyeur de la sidé­rur­gie pour qui la recon­ver­sion a sur­tout ser­vi à le recon­ver­tir lui même en cireur de pompe. Les Chinois se marrent et doivent se dire que les fran­çais sont bien cons.

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  • Etienne

    Encore quel­qu’un qui n’a pas com­pris grand chose à ce pro­jet… mais qui se per­met quand même de le cri­ti­quer. Mais bon c’est à la mode de nos jours en France.

    Vous auriez peut etre du pas­ser plus de trois nuits à Chateauroux, ceci vous aurait peut être per­mis d’en apprendre plus sur cette ville, et ain­si de pou­voir en par­ler en connais­sance de cause. Une chose est sûre, c’est une for­mi­dable oppor­tu­ni­té pour Chateauroux et pour le dépar­te­ment. Je croise les doigts pour que ce pro­jet soit mené à son terme.

    Je dirais même plus que même si ce pro­jet signi­fiait la créa­tion de 4000 postes, tous chi­nois (et non pas 80% comme annon­cé), ceci serait très bon pour la ville. Ceci signi­fi­rait une nou­velle hausse de la popu­la­tion, et un nou­veau dyna­misme. Mais pur com­prendre cela, encore fau­drait-il sor­tir de l’o­po­si­tion sys­te­ma­tique et de l’an­ti­sar­ko­zysme primaire !

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    • Dominique Dréan

      @ Etienne

      Pourquoi « pri­maire » ? Moi mon anti­sar­ko­zysme est secon­daire, tertiaire…etc, en tout cas réflé­chi et moti­vé. Mais un seul argu­ment me suf­fi­rait pour le jus­ti­fier : je n’aime pas la vulgarité.

      Je me plais sur ce blog et sur quelques autres, pré­ci­sé­ment parce qu’on ne s’y envoie pas à la tête – en géné­ral – des véri­tés toutes faites et des affir­ma­tions péremp­toires. Gérard, tu n’as rien compris !

      Allez, je ne vous en veux pas et vous offre ce petit cadeau :
      http://www.politis.fr/T‑As-Honte-Hein,12065.html

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    • Gérard Ponthieu

      @ Etienne
      Je ne fais pas de l’an­ti-Châteaurouxisme pri­maire ; je n’ai même rien du tout contre cette ville, bien sûr. Ce n’est pas parce que j’en décris une (ma) vision, même grise, que je la condamne… Je lui trouve d’ailleurs des cir­cons­tances atté­nuantes dans l’ex­pli­ca­tion de ses mal­heurs : d’a­voir dû ses misères à ses mili­ta­ri­sa­tions suc­ces­sives, celle des troupes US puis fran­çaises. Les unes ont été bou­tées hors du pays par un cer­tain De Gaulle ; les autres vont l’être bien­tôt par Sarkozy, l’un pour l’hon­neur, l’autre pour l’é­co­no­mie – pour dire vite. Ou encore, l’un pour la « gran­deur », l’autre pour la ges­tion (et quelle ges­tion!); ce n’est tout de même pas com­pa­rable. Cependant, je ne vais pas me plaindre d’un « moins de sol­dats », mais d’un trop d’in­jus­tice par­tout, ça oui ! Et trop de vul­ga­ri­té, comme dit Dominique, ô combien !
      D’autre part, la ques­tion évo­quée concerne la mon­dia­li­sa­tion sur laquelle, comme vous et comme cha­cun, je peux bien émettre un avis sans être natif de Châteauroux… Comme vous, dirait-on, qui savez tel­le­ment ce qui est « bon pour la ville ». D’ailleurs, on rem­pla­ce­rait tous les sala­riés fran­çais par des chi­nois, ce serait « bon pour la France », non ?

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  • Cher Gérard,

    Faut-il être révol­té ? Effectivement pas sûr. Sur le prin­cipe il faut effec­ti­ve­ment être pru­dent (je ne parle pas du prin­cipe prin­ci­pal des droits de l’Homme, car là il ne s’a­git pas de ter­gi­ver­ser pour le négoce !), car pour­quoi n’y aurait-il pas à Châteauroux ou ailleurs des tra­vailleurs immi­grés chi­nois ? J’écris à des­sein tra­vailleurs immi­grés et non immi­grés car il fut un temps où je col­lais des affiches pour défendre les droits de ces tra­vailleurs, recon­nus comme tels (du moins par la gauche) comme par­ti­ci­pant à la crois­sance de la France. Il se trouve qu’il faut, aujourd’­hui comme hier, être très vigi­lant sur les condi­tions de tra­vail de ces tra­vailleurs. En l’es­pèce, qu’ils soient venus de Chine ou d’ailleurs, nous connais­sons les bas-fonds où ils crou­pissent (le jour au tra­vail, la nuit chez les mar­chands de som­meil), lieux sor­dides révé­lés par la presse – rare­ment – et par les si peu nom­breux ins­pec­teurs du tra­vail (quel hasard !). Quant à leurs salaires de misère, de tra­vailleurs au noir qu’ils sont pour la plu­part, nous savons aus­si que ce pour­rait être un rêve d’a­li­gne­ment mon­dia­li­sé d’un capi­ta­lisme glo­cale (glo­bal + local pour ceux qui ne par­le­raient pas le « socio­logue éru­dit). Alors « pas si sûr », oui. Attention, oui aussi.

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  • didson

    Quand l’Indre s’é­veille­ra ce sera le Berry jaune…

    Relocalisons ! je veux por­ter des slips fran­çais (berrichons,alsaciens, bre­tons…) car on est capables me semble t‑il d’en fabri­quer ici, de même que les chi­nois fabriquent de très bons slips pour leurs com­pa­triotes ‑nulle once de natio­na­lisme dans mes propos‑, et ça évi­te­ra des frais de port…
    salut !

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    • Gérard Ponthieu

      Trop drôle = imparable !

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