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Débat Bayrou-Royal. Sous la foirade, la connivence du SPQR

Saisir la balle au bond du débat Bayrou-Royal, voilà la belle occasion ratée par le SPQR de remettre la presse régionale dans le champ politique et journalistique. Essayons de démêler cette foirade peu glorieuse pour les représentants des quotidiens régionaux, et surtout hélas pour leurs journalistes.

Parlons du SPQR, syndicat patronal de la presse quotidienne régionale. Un vieux machin remontant à la Libération et voué à « la défense des intérêts professionnels et moraux des entreprises de presse » Noble tâche s’il en est…, le plus souvent limitée à la défense corporatiste d’un secteur économique en déclin. Une défense… peu offensive, qui a regardé passivement se dérouler dans le paysage les manœuvres d’appropriation des grands groupes financiers. C’est dire si la question des contenus – celle du journalisme, donc – a le plus souvent échappé au champ « syndical » du SPQR. Pas si étonnant donc que l’occasion ait été ratée par ses dirigeants de reprendre un peu les rênes de l’actualité électorale avec cette perche tendue par deux débatteurs en demande de relais médiatique. Pour une fois que la presse écrite, régionale de surcroît, se voyait sollicitée, comme une forme de reconnaissance de son influence.

Pressions politiques ? Sans doute, mais pas directes : pas besoin. Le candidat de l’UMP n’aura pas eu à donner directement de la voix quand on sait ses accointances médiatiques patronales et ses amitiés auprès de relais qui ont les moyens de convaincre par delà tout dirigisme. La connivence fonctionne en tâche de fond, même pas à demi-mots. Entre amis on se comprend, jusqu’à devancer même les désirs devinés… On se bornera donc à rappeler certaines réalités de la presse quotidienne régionale désormais entre les mains de quelques groupes dont trois dominants :

pqr.1177754180.jpg– Ebra – L’Est Républicain (1,2 million d’exemplaires) : L’Est Républicain, les Dernières Nouvelles d’Alsace, La Liberté de L’Est, Le Journal de la Haute-Marne, Le Progrès / la Tribune, Le Dauphiné libéré, Le Bien public, Le Journal de Saône-et-Loire ;

– Ouest France (plus d’un million d’exemplaires quotidiens) : Ouest France, la Presse de la Manche, Le Courrier de l’Ouest, le Maine libre, Presse-Océan/Vendée Matin/L’Eclair ;

– Le Monde-Hachette Lagardère (0,5 million d’exemplaires) : Midi libre, L’Indépendant, Centre Presse; La Provence, Nice-Matin, Var-Matin, Corse Matin + participations : 20 % de L’Alsace, 15 % de La Dépêche du Midi.

Le « reste » se répartit en d’autres groupes moins tentaculaires en apparence mais en réalité souvent reliés aux « majors » par des croisements discrets. On citera pour mémoire:
– Amaury (Le Parisien, L’Echo Républicain) ;
– Sud Ouest, La Charente Libre, La République des Pyrénées, l’Eclair, la Dordogne Libre ;
– La Voix du Nord, Nord Eclair, La Voix de l’Aisne, Nord Littoral, le Courrier Picard ;
– France Antilles (Philippe Hersant) : L’Union / L’Ardennais, L’Est Eclair, Libération Champagne, Paris-Normandie, Le Havre Libre, Le Havre Presse + des quotidiens d’outre-mer ;
– La Nouvelle République du Centre Ouest, Centre Presse, La République du Centre (participation) ;
– Centre France : La Montagne, Le Populaire du Centre, Le Berry Républicain, Le Journal du Centre.

De ce rapide tableau, deux observations nous ramenant à la « foirade » SPQR sur le débat Bayrou-Royal :

– L’actuel président du Syndicat de la presse quotidienne régionale se trouve être Michel Comboul, président-directeur général de Nice Matin qui, on l’a noté, est en partie détenu par Hachette, donc par Arnaud Lagardère, grand ami de Sarkozy comme on sait. Lequel ayant aussi dans la salade niçoise un ami de poids en la personne de Christian Estrosi, ex-motard de compétition, président du conseil général des Alpes-Maritimes et député avant de devenir ministre délégué à l’aménagement du territoire (rattaché à l’intérieur…).

– Comboul a succédé au SPQR en 2004 à la présidence par intérim de Jean-Pierre Caillard, président-directeur général du groupe Centre France dont le vaisseau amiral, La Montagne, est amarré à Clermont-Ferrand. Et, dès lors, comment échapper là-bas à l’influence d’un autre bras droit de Sarkozy, à savoir Brice Hortefeux, président aux dents longues de l’UMP du Puy-de-Dôme. Lequel aura pu trouver dans cette histoire de débat faiseur d’ombre pour son mentor, une occasion zélée de se faire pardonner sa bourde d’avant le premier tour sur la dose de proportionnelle destinée à ratisser chez Le Pen.

L’histoire serait sans doute à rapprocher de l’autre foirade sur le même sujet, celle de Canal +. Deux histoires «parallèles et convergentes», illustrant on ne peut mieux cet amour immodéré de la gent politique et financière pour la machinerie médiatique. La presse de connivence ne rend pas forcément riche. Elle peut même coûter des sous. Mais, comme dit le slogan des marchands d’assurances, « ça ne paraît cher qu’avant ».

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