mon OEil

La môme aux grandes cannes sur la Cane-Canebière

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[dropcap]Voyez[/dropcap] un peu, braves gens, sur Qui je tombe hier soir en remontant la Canebière : la reine de la savane africaine, en majesté, comme là-bas ou presque, la tête dans l’acacia (platanisé…), les pieds, ô gracilité des jambes de girafe, sur le pavé désertique ou quasi à cette heure frisquette.

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Et, surtout, approchons, voyons, touchons cette robe toute mouchetée, tachetée, bouquinée de mille livres, des “poches” de toutes catégories, à la texture de soie vernissée. Vision étrange, belle, émouvante dans sa vertigineuse immobilité.

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444.1264189061.JPGAinsi, rendons grâce au génie de la Nature qui a su placer sa plus belle pin-up en plein centre de Marseille ! Et chapeau l’artiste ! (que je ne connais pas).

Ajout du 3/3/10

Venant boucher un coin de ma vaste ignorance, France Culture et sa Fabrique de l’histoire ont superbement raconté hier l’aventure de Zarafa, la ” Première girafe de France ” – autrement balancée que sa pendante présidentielle. Il faut dire que Zarafa n’a pas reçu le coup de foudre sarkozyen :elle avait été offerte au roi de France, Charles X, par le pacha d’Égypte. Lequel avait fait capturer deux girafes au Nord-Soudan. On leur fit descendre le Nil. À Alexandrie, on décida, pour ne pas faire de jaloux, d’en offrir une à chacune des deux principales puissances coloniales en Afrique : l’Angleterre et la France.

La girafe française embarqua pour Marseille, où elle débarqua  à l’automne de 1826, puis prise en charge par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, naturaliste savant du Jardin des Plantes, qui eut la mission de la ramener, au pas, dans ce sanctuaire parisien de la Science. Son voyage eut un retentissement considérable à l’époque : elle était attendue partout par des foules immenses.

La girafe anglaise, quant à elle, hiverna à Malte, supporta mal le voyage par Gibraltar et l’océan, et mourut à Londres dans les bras du roi George.

Quant à la girafe française, le délire collectif fut atteint à Lyon où cent mille badauds acclamèrent l’étrange vedette sur la place Bellecour. Charles X, à qui elle était personnellement offerte, se plaignit d’être pour ainsi dire le dernier des Français à la voir. C’était la première girafe à visiter l’Europe du Nord. Elle vécut tranquillement dix-sept années à Paris, mourut, fut naturalisée, et se fit oublier, pour ressurgir de temps à autres, sous forme de légendes souvent invraisemblables. Elle est maintenant au Muséum de La Rochelle [photo RF / O. Chaumelle].zarafa.1267626282.jpg

Il y  eut à l’époque une mode frénétique de la girafe, dont l’image fut déclinée sur toutes sortes de supports, depuis des enseignes d’auberges jusqu’à des objets les plus hétéroclites. Objet de fantasmes, elle fut ” récupérée ” tour à tour par les hommes de science, les journalistes, les artistes, le clergé, les marchands, les politiciens… Pendant vingt ans – et pour la postérité – la fièvre ” girafique ” a sacré reine de France l’orpheline du Soudan.

Je trouve ainsi, par déduction, l’explication de la présence à Marseille, sur la Canebière de cette réplique lointaine et artistement stylisée de Zarafa, ce que le quotidien local, La Provence, a été infoutu de m’apprendre. Le journal s’est en effet limité à annoncer “Les bouquinades” : “Faire découvrir le plaisir des livres et de la lecture, sous la bienveillance de Zarafa II, cette drôle de girafe de plus de 6 mètres de haut et habillée de 3 000 livres, imaginée par l’artiste Jean-Michel Rubio.”

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