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Le Pen invité au CFJ devant les futurs journalistes. Tollé syndical et misérable !

Atterrant ! Le SNJ-CGT, Syndicat national des journalistes – CGT, sonne le tocsin à l’encontre du Centre de formation des journalistes, à Paris, qui s’apprête à recevoir ce jeudi Jean-Marie Le Pen pour une rencontre avec les étudiants. Je suis atterré par cette réaction imbécile, tant sur le fond que sur la forme, et je parle en connaissance de cause. Alors responsable pédagogique au CFJ, j’avais moi-même invité le leader du Front national à une semblable confrontation.

C’était il y a …26 ans, en 1984. En tout cas, Le Pen se trouvait en pleine ascension médiatique – donc politique – et pérorait plus que jamais. Entre autres et en particulier, un certain François-Henri de Virieu lui avait bien mis le pied à l’étrier en l’invitant à son émission, L’Heure de vérité. C’était la première fois que Le Pen apparaissait sur une grande chaîne de télévision publique, Antenne 2. Il se voyait ainsi propulsé au rang d’homme politique présentable, sinon honorable. Cette prise de bénéfice subite, je ne l’imputerais pas directement à de Virieu – sinon, comment défendre le CFJ aujourd’hui et le droit du public à l’information ? – qu’à ses acolytes journalistes censés affronter la bête. Il y avait là, donc, Alain Duhamel,  Albert Du Roy, Jean-Louis Servan-Schreiber. Et c’est ce dernier surtout qui donna le plus de grain à moudre à Le Pen à cause de son attitude relevant plus de la pétition de principe, sinon de l’inquisition à l’égard de l’invité frontiste. Surtout, il n’avait semblé compter que sur son « talent », négligeant ainsi l’argumentation solide, documentée, caractéristique du journaliste digne de la fonction. Notamment à propos de l’immigration, Le Pen, ne fit qu’une bouchée d’un Servan-Schreiber dépassé et même dépité.

Voilà la « leçon » de l’émission qu'il me semblait important de soumettre aux futurs journalistes. D’où ma décision d’inviter Le Pen quelques semaines plus tard au CFJ pour un « carrefour d’actualité ». Ce qu’il accepta sans hésiter…

Je me souviens d’une certaine effervescence qui avait gagné les étudiants à l’idée de « se faire Le Pen ». Idée contre laquelle je les mettais précisément en garde, fort du précédent créé par Jean-Louis Servan-Schreiber… Il s’agissait de privilégier le questionnement argumenté, solide, plutôt que de jeter des anathèmes. Bref, les bases du métier…

Philippe Viannay, au CFPJ, rue du Louvre, peu avant sa mort en 1986.

L’affaire se passa à peu près bien, dans un esprit mordant mais, disons « tenu ». Au début pourtant, la tension fut vive, lorsqu’un étudiant d’origine maghrébine (le seul d’ailleurs), fort ému, reprocha à Le Pen son rôle de tortionnaire en Algérie… (Le sujet venait en effet d’être relancé par Le Canard enchaîné). A quoi le chef du Front national répondit en substances : Permettez-moi d’abord, Monsieur, puisque vous ne vous êtes pas présenté, de vous demander votre nom… Tollé dans la salle… « Mais comment, ai-je été ici convoqué à un tribunal ou à un débat normal ?! Auquel cas, il est bien normal, etc. »

Je crois vraiment que le but pédagogique fut bien atteint et valorisé lors d’une séance de débriefing [un enregistrement vidéo se trouve peut-être archivé au CFJ]

Voilà pour le fond de l’affaire qui, alors, ne souleva aucune indignation. Et surtout pas de la part du patron de l’époque du CFJ, Philippe Viannay, que j’avais bien sûr informé de mon initiative et qui m’avait totalement laissé carte blanche. Le lendemain il me confiait : « J’étais inquiet, sans vous le dire. Mais vous avez bien fait [de l'inviter]".

Aussi suis-je atterré de voir le SNJ-CGT, pour appeler à manifester ce jeudi devant le CFJ, invoquer le même Philippe Viannay au titre de son passé de grand résistant. Il fut en effet le dirigeant principal de Défense de la France, mouvement clandestin dont le journal du même nom est à l'origine directe de France-Soir. On le retrouve aussi à l’origine du Centre de formation des journalistes en 1946, de l'école de voile Les Glénans et du Nouvel Observateur.

"On cauchemarde : le conducator éructant serait rangé désormais dans la liste des invités fréquentables, qui plus est face à de futurs journalistes, profession qu'il ne cesse d'insulter", écrit le syndicat de journalistes dans un communiqué, tout en appelant à manifester "en mémoire des fondateurs" de l'école.

Faire mentir les morts pour ne pas voir le diable. Est-ce ça la « leçon de journalisme » du SNJ-CGT ? Misère que ce syndicalisme !

L'Huma emboîte le pas…
Jusqu'aux grandes orgues du racisme ! Le n'importe quoi tenant lieu d'analyse…
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9 réflexions sur “Le Pen invité au <span class="caps">CFJ</span> devant les futurs journalistes. Tollé syndical et misérable !

  • Bien d’ac­cord avec toi, mon Gégé …
    Mais le pre­mier pas­sage de Le Pen sur Antenne 2 est anté­rieur à L’Heure de Vérité. Il date de 1982, dans Antenne2 midi, alors pré­sen­té par quel­qu’un que tu connais bien !
    (Mais L’HdV a eu évi­dem­ment un impact bien plus fort).

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  • faber

    Hola cher Ponthieu. Atterré, misé­rable ? comme tu y vas. Je connais, tu le sais bien, ton exi­gence péda­go­gique, ton éthique, moi même ton ancien élève recon­nais­sant. Devenu ton ami, c’est pas rien, j’en suis fier. Je te trouve sur ce coup un brin exces­sif contre la gente syn­di­cale et autres cocos. N’oublions pas ce fou­tu contexte de crise, de manifs, de radi­ca­li­sa­tion, de che­mises brunes qui sortent des urnes euro­péennes, de bruit de bottes et de médio­cra­tie gou­ver­ne­men­tale. Raison de plus, me diras-tu, pour se confron­ter à la bête et en tâter la tri­paille ? Il y a un temps pour tout, sans dog­ma­tisme aucun. Cette réac­tion qui te semble pri­maire, me parait à moi, pri­mi­tive, pri­male. Pourquoi ne pas invi­ter un autre mani­pu­la­teur, Woerth par exemple, qui est dans les phares de l’ac­tu ? Le pape ? Il y a des réac­tions qui me font autre­ment braire qu’une levée de bou­cliers contre la venue de Le Pen au CFJ. La CGT conti­nue à sa manière un com­bat déses­pé­ré. Les jeunes jour­na­listes peuvent se nour­rir de ces faits aus­si, cette actu aux portes de l’école.

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    • Gérard Ponthieu

      Merci, je viens de m’en aper­ce­voir ! Je prends dix ans de moins, ouf !

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  • Gérard Ponthieu

    Cher Faber, voi­là qu’on s’é­crit sur la place publique main­te­nant… J’aime bien ta réac­tion, d’une part parce que je t’aime bien aus­si, et sur­tout ; d’autre part parce que tu pra­tiques, comme j’aime ça aus­si, le retour­ne­ment cri­tique de la médaille, de toute médaille avec ses deux faces, sinon plus. Certes, il aurait été vrai­ment plus gon­flé d’in­vi­ter Woerth… Surtout en ce jeu­di de Xième manif. Le CFJ dit avoir reçu, avant Le Pen, Duflot, Mélenchon, etc. Dans tous les cas, on reste dans le star sys­tème poli­tique. Voilà peut-être ce sur quoi un syn­di­cat de jour­na­listes aurait pu car­ton­ner. Ou éga­le­ment sur les effets de péné­tra­tion du libé­ra­lisme domi­nant dans les for­ma­tions et les pra­tiques jour­na­lis­tiques. Mais pas sur le fait qu’en invi­tant un Le Pen on ferait ain­si entrer le racisme et avec lui la peste chez les étu­diants. Ça c’est fai­blard comme prise de posi­tion parce que ça veut dire qu’il y a dans nos socié­tés des sujets et des per­sonnes à exclure de la curio­si­té cri­tique du jour­na­liste, c’est-à-dire du jour­na­lisme consi­dé­ré comme une approche cri­tique de la com­plexi­té du vaste monde. En ce sens, aucun sujet serait indigne d’être trai­té par les jour­na­listes. Pour embal­ler ça dans une for­mule, « il n’y a pas de mau­vais sujets, il n’y a que de mau­vais journalistes »…

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  • Dominique Dréan

    C’est un peu le débat ouvert par Desproges – déjà avec Le Pen – sur le rire, « de tout mais pas avec n’im­porte qui »…Bon, d’ac­cord, par­ler du front natio­nal, mais pas avec Le Pen c’est un peu ardu !
    Rencontrer ces gens là nous trans­fère dans des zones très déli­cates de l’ir­ra­tion­nel, un peu comme lors­qu’on cause avec des témoins de Jéhovah. Je serais inté­res­sé de savoir, de l’exer­cice que tu as orches­tré en 84, quels élé­ments infor­ma­tifs ont jailli… je veux dire : on connaît Le Pen par coeur et même si Mohamed X avait été irré­pro­chable dans sa démarche (lui ou un autre), il se serait fait mou­cher car le borgne devait abso­lu­ment pla­cer sa réplique sur le tribunal…Mais après, en dehors de « l’art pour l’art », peut-il en sor­tir quelque chose de neuf pour un éven­tuel lecteur ?
    Ceci dit, la CGT et l’Huma marchent évi­dem­ment sur la tête, mais à deux têtes, à défaut d’être plus intel­li­gent, ça doit être plus stable, il suf­fi­sait d’y penser…

    PS : Jolie 7eme manif à Longwy, à peine moins de par­ti­ci­pants que d’ha­bi­tude. Ca nous pro­met un beau 6 novembre… Même vu un syn­di­ca­liste de 84 (la guerre de la sidé­rur­gie) tou­jours pêchu au micro. Que j’aime ces gens là !

    PPS : Beaucoup de CFDT à la manif. Le schtroumpf jaune va faire la gueule !

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  • Cher Gérard, ta posi­tion je la défends.
    Pas – contre – tes amis qui te connaissent et qui savent bien ta pro­bi­té pour ne pas te cher­cher querelle.
    Mais – pour – ce  » question­nement argu­men­té, solide » que tu prends soin de pri­vi­lé­gier avant toute chose.
    A bien y réflé­chir, c’est son absence qui me laisse si sou­vent désem­pa­ré à l’é­coute des médias audio­vi­suels notam­ment. Mais aus­si à la lec­ture de quo­ti­diens que j’aime mais dont les pages, par manque de jour­na­listes aus­si je le sais, sont des copier-col­ler de l’AFP où seul le « fac­tuel » est rela­té. Certes, il est à la base de toute réflexion mais il est inca­pable de contrer – en quelques poi­gnées de secondes, car même les articles sont courts – le sto­ry tel­ling et les fiches argu­men­taires aux for­mules affû­tées autant de défer­lantes puis­santes que tout jour­na­liste doit aujourd’­hui affronter.
    Et, héri­tage du CFJ aus­si, je me sou­viens d’Edouard Guibert, un syn­di­ca­liste de la vieille époque, qui fai­sait régu­liè­re­ment ce rêve devant les futurs jour­na­listes : « il fau­drait une émis­sion où l’in­vi­té soit pla­cé face à des enre­gis­tre­ments de ses pré­cé­dentes pres­ta­tions ». Un rêve car l’heure était déjà celle où le direct com­men­çait à impo­ser sa course folle. J’en ai rete­nu une méthode… et si on fai­sait « comme si ». Cela oblige déjà à un sacré tra­vail de recherche et j’ai­me­rai bien voir le côté désta­bi­li­sant que cela pro­vo­que­rait, pour le coup en direct. Car ce ne sont pas ces rigo­los mais stu­pides télé­zap­ping qui puissent, même pas­sés en boucle, pro­vo­quer débat.
    Je crois que les émis­sions his­to­riques – car il y en a de bonnes ! – nous montrent une par­tie du che­min. On y découvre par­fois des faces cachées et inédites de grands per­son­nages qui ont façon­né la France. Et c’est par­fois (pas) triste de voir cer­tains por­traits révélés…
    Alors si nous pou­vions com­men­cer par un début de mise en pers­pec­tive, ne serait-ce que modes­te­ment, est-ce que nous n’y gagne­rions pas en qua­li­té de l’information ?

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    • Gérard Ponthieu

      Ben ouais ! Si vieux débat que celui autour des pré­ten­dus impé­ra­tifs de vitesse : tra­duc­tion dans la réa­lité jour­na­lis­tique = pré­ci­pi­ta­tion, à peu près, absence de véri­fi­ca­tions croi­sées, de recou­pe­ments, incul­ture, pas de mise en pers­pec­tive ni de contex­tua­li­sa­tion (le lec­teur s’en charge…). De plus, on ne peut pas refaire l’histoire du monde tous les jours… C’est vrai, il faut aus­si ren­con­trer la curio­sité et l’attention cri­tiques du par­te­naire indis­pen­sable : le lecteur/​ auditeur/​ télé­spec­ta­teur. Ce qui ren­voie à l’école et à la socié­té en géné­ral. En l’occurrence, on voit ici le syn­di­cat CGT des jour­na­listes mani­fes­ter sa peur du diable : plu­tôt le faire dis­pa­raître en le cachant à nos yeux que d’avoir à l’affronter… Manque de confiance total dans la force des idées. Et, « inci­dem­ment », confir­ma­tion d’une volon­té de domi­na­tion sur « les masses » : Nous, nous savons ce qui est bon pour elles ! On l’a vu, entre autres, avec le Petit père des peuples…

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  • Gilbert Duroux

    Là où la plu­part des jour­na­listes sont nuls, lors­qu’ils sont en face de « la bête », c’est qu’ils sont inca­pables de l’in­ter­ro­ger sur la poli­tique éco­no­mique et sociale du FN. S’ils le fai­saient et s’ils connais­saient leurs dos­siers, ces fai­néants, ils auraient tôt fait de démon­trer que le FN n’est pas proche du peuple, mais au contraire de l’o­li­gar­chie finan­cière (un seul exemple, le FN veut sup­pri­mer l’im­pôt sur le reve­nu, l’im­pôt le plus juste parce que progressif).

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