ActualitéC de coeur, C de gueuleGaffe, les médias !

Mimétisme

Un procureur, à Marseille, a lâché le mot : mimétisme. Les voyous incendiaires d’un bus auraient agi ainsi, en imitant leurs devanciers, héros des banlieues parisiennes. À quoi ils auraient été incités par « les médias ». Deux remarques :

– Le magistrat me fait penser à ces Diafoirus prenant l’effet pour la cause et qui, pour masquer leur ignorance, l’habillent de mots fort savants. « Mimétisme », certes, ne relève pas du vocabulaire exorbitant du droit commun… Pas certain cependant que chez les petites frappes du quartier Saint-Jérôme il ne soit pris pour une maladie étrange.

Si un procureur peut parler comme un toubib, son rôle n’est toutefois pas de soigner. Il est là pour accuser, au nom de la République et de la société. À celles-ci d’apporter leurs remèdes. Qui eux-mêmes résultent d’un diagnostic, lequel enfin remonte au niveau moral et social de la Cité – ce qu’on appelle la politique.

– En parlant de mimétisme, le magistrat marseillais a donc aussi pointé du doigt les médias. Savoir si lesdits journaux, radios, télés en ont fait des tonnes sur l’affaire est une question ouverte : quand est-ce qu’on en dit trop ou pas assez ? A moins que, au delà du quantitatif, la question ne soit plutôt celle du comment on saisit les faits, comment on se saisit de leur complexité. Comment on apprivoise la machine avant son emballement : plus de « tenue de route », plus de volant responsable, plus de freins éthiques.

Une autre question me tarabuste, que j’aborde souvent ici, celle du mimétisme intra et inter médiatique. Comme la Faculté, je recours aussi à un mot même pas dans les dicos : panurgisme, en référence aux moutons du fameux Panurge, berger de son état – comme se voient aussi volontiers certains journalistes. Tandis que la plupart des autres ont généralement opté pour l’état de moutons (dociles), brebis (bêlantes) se déplaçant dans l’actualité comme autant de troupeaux agis par le Panurge invisible qui les rassemble et les pousse vers les mêmes lieux communs. Ainsi en fut-il de la déclaration du procureur marseillais : il a dit « mimétisme » et, comme un seul mouton, le troupeau tout entier des médias dominants et de leurs dociles agneaux s’est mis à bêler « mimétisme », « mimétisme », « mimétisme »…

« Les jeunes auraient agi par mimétisme », a ainsi entonné la gent journalistique qui sur ce chapitre, il est vrai, sait en faire des fromages (de brebis). Illustration « vivante » avec les fameux marronniers, ces rendez-vous de l’actualité saisonnière : la Toussaint qui, cette année encore, est tombée le 1er novembre… Avec une variante sans doute due à un lobbying des crématistes puisqu’on a eu droit – tous médias confondus – à des sujets multiples autant qu’identiques sur la dispersion des cendres. De ce point de vue, la Toussaint 2006 aura été d’un bon cru ; sans toutefois déroger à la loi moutonnière que je résumerai ainsi : agir comme tout le monde et donc comme les autres, toujours dans le même sens, quel qu’il soit d’ailleurs, sans se demander d’où vient le vent. Le niveau de contagion est devenu tel que les brebis égarées ont peu de chances de survivre (Politis, secouru par ses trop rares lecteurs).

C’est une pandémie. Ses causes ?
Une standardisation des formatages journalistiques dans les lieux de formation, en réponse à l’exigence – d’ailleurs non formulée – des entrepreneurs médiatiques et du Marché. A l’image de la marchandise, les produits médiatiques s’alignent sur les goûts communs, l’uniformisation. Voici nos journalistes en uniformes invisibles – mais de plus en plus voyants –, embouchant les mêmes trompettes d’un métier bouffé par les financiers, gangrené par la com’, mité du dedans. Quand les journalistes ne produisent plus de sens, mais d’abord des articles de consommation courante.

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Une réflexion sur “Mimétisme

  • Si j’ai tant horreur des clichetons, c’est surtout parce que dans les médias j’en ramasse à la pelle. Et le propre d’un clicheton, c’est de se propager comme une traînée de poudre. Ainsi la panne d’électricité de samedi soir est-elle devenue PARTOUT (radio, télé, canards) : “GI-GAN-TES-QUE”. Elle a duré une heure, touché un vingtième de la population d’Europe. Si la prochaine double en importance relative quel(s) qualificatif(s) devront mobiliser les journaleux ?

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