ActualitéNucléaire

Séisme et catastrophe nucléaire au Japon. Le rêve brisé d’Areva sur les ruines de Fukushima

Séismes telluriques, séismes politiques… Comment va le monde, môssieur ? La formule faisait rire au théâtre jadis. Il n’y a guère pourtant. Mais le monde va si vite aussi. Croit-on. Un coup à l’endroit, deux à l’envers. Et pour ce qui est de l’endroit (révolutions, entonnent les chœurs) il faudrait aussi ne pas trop s’enivrer à bon compte, garder la tête froide. Mais « ça chauffe » de toutes parts, le niveau monte… Celui des mers ou celui du prix à la pompe ? Les deux, hélas. Et on prétend(ait) que le nucléaire seul pouvait nous sauver – des eaux, de la fin de l’or noir. Du désastre. Or le voilà qu’il a surgi, au pays du Soleil levant, naguère déjà frappé par la foudre atomique et aujourd’hui par Zeus à la main lourde, trembleuse, comme vengeresse.

Pays de la surproduction technologique, le Japon est aussi parmi les plus équipés en nucléaire civil – ceci explique cela : 55 réacteurs avant l’accident. La France en compte 58 ! Plus l’EPR en construction à Flamanvile, juste en bord de mer, tout comme celles de Dunkerque, Penly, Paluel, Blayais. Sans oublier La Hague, la colossale usine de retraitement des déchets radioactifs, elle aussi les pieds dans l’eau, à portée de raz-de-marée donc.

Une centaine de manifestants se sont rassemblés dimanche (13/3/11) devant le centre nucléaire de Cadarache (Bouches-du-Rhône). à l’appel du mouvement Europe Ecologie Les Verts, et de l’association Médiane qui prône la sortie du nucléaire. Pour Denis Guenneau, à l’initiative de ce rassemblement, il s’agit d’être “solidaire envers le peuple japonais, qui non seulement doit affronter les catastrophes naturelles que sont les tremblements de terre et les tsunamis, mais doit aussi subir les catastrophes nucléaires provoquées par les choix inconséquents de “décideurs politiques” .  La France n’est pas mieux préparé à ce type d’incident que ne l’est le Japon, Cadarache est aussi sur une faille sismique.”

La propagande nucléariste elle aussi procède par vagues. Prenons seulement les crêtes des « grands » accidents nucléaires. Trois cas d’accidents majeurs, pour s’en tenir à ceux-là sur les dizaines, voire des centaines d’autres plus ou moins graves et connue (voir plus précisément la liste des accidents nucléaires sur Wikipedia) :

– 28 mars 1979, Three Mile Island, Pennsylvanie. Suite à une panne des pompes d’alimentation en eau du circuit secondaire de l’un des réacteurs, un enchaînement de défaillances mécaniques, d’erreurs humaines et de défauts de conception, entraîne la fusion du cœur. L’enceinte de confinement étant restée intègre, le relâchement de produits radioactifs dans l’environnement est resté faible. L’accident de Three Mile Island est classé au niveau 5 sur l’échelle internationale des événements nucléaires (INES).

– 26 avril 1986, catastrophe de Tchernobyl, en Ukraine. Accident de niveau 7 selon l’échelle INES. Suite à une série d’erreurs humaines et en raison de défauts de conception, le réacteur n°4 subit une fusion du cœur puis une explosion provoquant la libération de grandes quantités de radioisotopes dans l’atmosphère. Les autorités évacuent environ 250 000 personnes de Biélorussie, de Russie et d’Ukraine. Plusieurs centaines de milliers d’ouvriers (600 000 environ), les « liquidateurs » sont venus d’Ukraine, de Biélorussie, de Lettonie et de Russie pour procéder à des nettoyages.

– 30 septembre 1999, Tokaimura, à 160 km de Tokyo au Japon. Accident de niveau 4 sur l’échelle INES. L’introduction dans une cuve de décantation, suite à une erreur de manipulation, d’une quantité anormalement élevée d’uranium (16,6 kg) dépassant très largement la valeur de sécurité (2,3 kg), est à l’origine de la réaction de criticité. Cet accident de criticité a exposé plus de 600 riverains à des radiations importantes[réf. nécessaire] et tué au moins deux des ouvriers de la centrale ; à 21h, soit 11 heures après le début de l’accident, les autorités décrètent le confinement des populations dans un rayon de 10 km. L’enquête sur l’accident de Tokaimura a montré que les ouvriers de l’usine, gérée par l’entreprise JCO, violaient de façon régulière les procédures de sécurité, par exemple en mélangeant l’uranium dans des bassines pour aller plus vite (AFP, 27/04/2000).

Trois vagues « spectaculaires » qui ont précédé celle en cours à Fukushima et entre lesquelles, à chaque fois et par une sorte d’obstination « naturelle » – un « instinct de survie », c’est bien ça –, l’hydre nucléariste voit renaître ses cents têtes propagandistes, sinon triomphalistes. Le tout sur l’air des « retours d’expériences » salvateurs avec promesses de nouvelles super mesures de sécurité renforcée…

Et la réalité rattrape ces belles paroles huilées. Pas une de la vingtaine de centrales françaises, pour se borner à elles et leurs 58 réacteurs, peut se dire indemne d’incidents ou accidents de fonctionnement – et parfois de biens graves :

Installations et transports des déchets

 

Zones sismiques et installations nucléaires

 

Ainsi les accident de niveaux 4 : centrale de St-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) en octobre 1969 et en mars 1980. Dans les deux cas, des combustibles ont fusionné dans un des réacteurs. D’autres accidents aussi graves ont été évités de justesse. Le 12 mai 1998, un des réacteurs de la centrale de Civaux (Vienne) a perdu son réfrigérant suite à une rupture de canalisation. Lors de la tempête de décembre 1999, le réacteur de la centrale nucléaire de Blayais (Gironde) a dû être arrêté d’urgence après que tous les systèmes de sécurité furent inondés : les digues de protection n’avaient pas résisté à la force des vents. Lors de la canicule de 2003, c’est la centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne) qui avait pris chaud. Elle a dû être arrêtée en urgence. En 2006, de nouveau à Civaux, dépassement de la puissance thermique autorisée.

Les incidents de niveau 2 ou 3 sont relativement rares en France : incendie d’un silo de stockage à La Hague en 1981, mauvaise vis dans le système de protection de Gravelines en 1989, perte de plutonium à Cadarache en 2009, etc. Mais l’Autorité de Sûreté Nucléaire, chargée du contrôle du nucléaire en France, reconnaît que plusieurs centaines d’écarts de niveau 0 et une centaine d’anomalies de niveau 1 ont lieu chaque année. Les incidents qui se sont produits sur les sites du Tricastin en 2008 et de Gravelines en 2009 relèvent, officiellement, de cette catégorie 1.

Mais hier encore – au sens strict du calendrier –, la grande « marque » française d’Areva – c’est ainsi qu’ils se définissent et aiment à se présenter, à l’image du sourire de façade de la directrice, Anne Lauvergeon –, Areva donc claironnait haut et fort sa vision idyllique de “L’épopée de l’énergie” ainsi vantée sur leur site :

« A travers cette nouvelle prise de parole publicitaire, AREVA affirme son positionnement dans les solutions de production d’électricité avec moins de CO2. La marque va aussi au-delà en illustrant sa contribution et sa démarche de progrès continu. La campagne s’appuie sur un nouveau film d’animation, “L’épopée de l’énergie”, à dimension cinématographique qui tranche une fois encore avec les publicités institutionnelles. »

Tranchons gaiement dans les « institutions » ( ?) et poursuivons gaiement la voie toute tracée du nucléaire heureux – dans Areva, n’y a-t-il pas le rêve ? Voyons encore l’argumentaire

« POURQUOI UNE NOUVELLE CAMPAGNE

« AREVA aura 10 ans en septembre 2011. Une marque jeune qui a su s’imposer dans un secteur occupé par des acteurs historiques, notamment grâce à une communication volontairement décomplexée.

« AFFIRMER SON IDENTITÉ D’ACTEUR DE REFERENCE DANS L’ENERGIE

Dans un premier temps, AREVA a privilégié une démarche pédagogique pour valoriser son expertise et mettre en évidence la cohérence de ses métiers dans l’énergie.

« VALORISER L’OFFRE DU GROUPE ET SA CONTRIBUTION

“Aujourd’hui, la marque fait évoluer sa prise de parole publicitaire, et s’inscrit ainsi pleinement dans une démarche de progrès continu. Avec “L’épopée de l’énergie”, AREVA valorise à la fois son offre, reposant sur des solutions faiblement émettrices de CO2 pour produire de l’électricité, et va aussi au-delà en exprimant sa contribution.

« AREVA contribue à relever les défis énergétiques des prochaines décennies, en proposant des solutions dans l’énergie nucléaire, les bioénergies, l’éolien, le solaire thermique à concentration, l’hydrogène et le stockage de l’énergie.

« Ce film nous ressemble[ref]Il est tellement ressemblant qu’Areva l’a retiré de la toile ! Note de GP 4/3/18[/ref] déclare Jacques-Emmanuel Saulnier, Directeur de la Communication et porte-parole du groupe AREVA, parce qu’il nous permet d’évoquer un sujet sérieux sans nous prendre au sérieux. Il permet de mettre en perspective l’histoire de l’énergie, mais aussi la manière dont les produits et services d’AREVA s’insèrent dans cette histoire, tout en donnant une tonalité qui est tout sauf dramatique. Parce que c’est un sujet dont on doit parler avec enthousiasme et humilité. »

Partager

3 réflexions sur “Séisme et catastrophe nucléaire au Japon. Le rêve brisé d’Areva sur les ruines de Fukushima

  • Super dossier cher Ponthieu, tout y est. Ce qui me scie à la base, c’est le ronron des économistes, des chroniqueurs peinards, abreuvés au robinet de l’AFP ou autre source molle, les Bernard Guetta, Thomas Legrand et autre serviteur visionnaire. Comment peut-on ouvrir sa gueule pleine de certitudes face aux événements ? Des révolutions arabes au merdier japonnais en passant par la crise financière, comment peut-on encore nous servir des pourcentages, des Marine le Pen, des DSK et autre merde ?
    En 2050, les français etc … Oui, je suis atomisé ce soir !

    Répondre
  • Enormément de personnes cherchent le bien-être sans le trouver. Il est primordial de changer et réarranger vos priorités afin que votre objectif final puissent être atteint. Être heureux dans votre vie est votre capital santé.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Translate »