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Soljenitsyne et l’archipel des perroquets

1perrot.1218289038.jpgUn autre cas, bien significatif du « perroquettage » pointé ci-dessous par Max Dorra, s’est révélé autour de la mort de Soljenitsyne. C’est l’ami Jean-Louis, cerbère professionnel dans un quotidien, qui me le signale ainsi :

« Les correcteurs du Monde.fr dans leur blog (Langue sauce piquante de ce mardi 5 août) posent une jolie question (à 1 000 € le SR stagiaire d’été) :
“Comment ne pas lever les yeux au ciel (avec ou sans majuscule) quand on lit dans la dépêche AFP qui annonce la mort de Soljenitsyne (répercutée par toute la presse) que celui-ci a “a révélé au monde la réalité du système concentrationnaire soviétique” ? L’AFP n’a semble-t-il jamais entendu parler ni de Victor Serge, ni de Boris Souvarine, ni de Panaït Istrati*, ni d’Anton Ciliga (liste non limitative), qui en ont parlé dès les années trente, ni du récit de la grève de Vorkouta (grève de la faim de plusieurs centaines de détenus trotskystes dans le Grand Nord en 1936-1937, suivie par leur extermination, à laquelle Soljenitsyne fait d’ailleurs allusion dans le Premier Cercle). Mais il est vrai qu’on ne peut pas tout savoir. [Note de GP : Tout savoir, certes non ! Mais douter, surtout douter…].

Ce qui a amené ce commentaire [Note de Jean-Louis : exagéré, je trouve] d’un de leurs lecteurs :
« Comment ne pas lever les yeux au ciel quand on lit dans la dépêche AFP qui annonce la mort de Soljenitsyne (répercutée par toute la presse) que celui-ci a “révélé au monde »
“Bien dis donc, mais c’est en permanence, c’est même le mode de fonctionnement normal des médias. L’agence, si c’est plausible, balance sur la ligne ce que lui a dit quelqu’un – ou ce qu’elle a compris – mais après souvent aucun contrôle, ce sont les lecteurs qui alertent de ces conneries. D’ailleurs ce mode de fonctionnement est parfaitement intégré par les associations surtout dans les domaines : environnement, écologie, animaux… et apprécié par beaucoup de médias pour le côté sensationnel, héros, chevalier blanc.»

La généralisation, autre travers médiatique, apparaît aussi haïssable dans ce commentaire. Mais la question demeure : Soljenitsyne a acquis la notoriété par son œuvre, par son action et grâce à une conjonction médiatico-historique dont ses prédécesseurs n’ont pas ou pu bénéficier. En ce sens est-il le “découvreur” du goulag aux yeux du monde.

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PS. La machinerie médiatique ne saurait prendre de vacances. Mais elle en subit quelque contrecoup, comme on a pu le souligner ici [Recette de cuisine politicienne avec petits mitrons de journaleux ], puisque le temps des stagiaires fleurit avec les « chassés-croisés », tandis que les chefs d’édition bullent de ci de là avec ordre de ne déranger que si cata absolue. Ce qui fait que cet été sera celui des parents indignes qui étouffent leurs progénitures dans les bagnoles – on a la canicule qu’on peut. Les petits qu’on trucide, ceux qui fuguent et mobilisent la bienveillante maréchaussée héliportée alimentent bien aussi les petits panurgiens qui s’essaient au noble métier d’informer…

* Sur Panaït Istrati notamment, écrivain roumain de langue française, voir sur “C’est pour dire” ici et .

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Une réflexion sur “Soljenitsyne et l’archipel des perroquets

  • Jean Louis

    Je me souviens que, dans les années 1970, nous protestions tout autant contre le danger industriel immédiat de l’énergie nucléaire et la folie de produire des stocks de matières dangereuses pour des siècles, que par crainte de voir ces matières détournées à des fins terroristes. Et nous avions la crainte corollaire, et ce n’était pas le moindre de nos slogans, de « l’état policier », comme nous disions alors, qui allait devoir tenter de contenir la menace terroriste. Sic transit.

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