Journalisme. La Connivence devrait être reconnue comme « cancer professionnel »
Dans « M6 et les copains du pouvoir » [Libération, 13/05/05], Daniel Schneidermann livre une bonne tranche bien saignante sur le thème de la connivence journalistique, ce cancer professionnel dailleurs, soit dit en passant, cette maladie devrait être reconnue comme telle et prise en charge par la Sécu. Ainsi déclarés malades, ces journalistes seraient mis « en arrêt » de nuire. Bon, ça coûterait un peu mais la société y gagnerait beaucoup En attendant, voici quelques bribes dantidotes.
Schneidermann, donc, raconte sa vision de la vision des journalistes atteints (mais ils ne le savent pas, comme souvent avec les cancers on croit protéger ) qui ont uvré pour Zone interdite en se prenant pour des mineurs de fond. Cest ainsi quils nous montrent les coulisses de chez « Dominique, Michel et Jean-Louis », une « bande de chic types » vus « comme dans la vie ». Une vraie plongée en Connivence profonde, si lon en croit ce bon papier mêlant goguenardise et ironie sur un sujet qui, chez « cest pour dire » aurait fini en Pantoufle dor.
Pas loin de là [Libé du même jour], Pierre Marcelle se farcit Domnique de Villepin sur ses dernière mesure anti-immigration. « Notre beau parleur définitif », écrit-il dans unecharge des plus cinglantes, veut « se faire un destin en récoltant les fruits du sécuritarisme pasquao-sarkozyen et en imposer le dogmatique mode d'emploi contre Madrid, Rome et le monde entier ». Dailleurs, ce matin dans le poste [France Inter], de Villepin en a ravalé sa « morgue confusément aristocratique » en subissant en direct la revue de presse dYves Decaen. Au point que le ministre a dû se raccrocher aux branches de la PQR Presse quotidienne régionale , dont les journaux et éditorialistes, eux, ont selon lui compris comme il fallait quils comprissent, service compris
Compliment pour le moins empoisonné envers une presse dont la cuisine de proximité se confond trop souvent avec les servitudes de la dépendance. Ils ne sont pas les seuls, hélas, car le mal gagne en maléfice quotidien. Il sévit tout autant dans les radios et télés, sans parler des magazines. Ces derniers, en particulier, sen nourrissent bien et leurs lecteurs sen goinfrent avec profit profits partagés en audience et pub. Ce nest pas le cas des médias dits dinformation qui trouvent de moins en moins preneurs. Les causes, si elles sont complexes et multiples, tiennent aussi, en grande partie, à une perte de confiance, elle-même liée à cette fameuse Connivence. Pour parodier notre Coluche, il ne faut pas prendre les lecteurs que pour des cons.
Mais pourquoi ce mal insidieux ? Trop de journalistes sont enclins à fréquenter les célébrités. Ils sen vantent naïvement : «Comme me le disait tel ministre, ou tels maire, député, acteur, chanteur, cuisinier, etc.» sont des tournures qui ne trompent pas. Anne-Cécile Robert, une consoeur du Monde diplomatique interrogée hier à Aix à propos du penchant pro oui de bien des rédactions, abondait dans ce sens. Elle évoquait notamment ces «petits avantages en nature» accordés facilement aux journalistes : «un voyage en classe affaires, un hôtel de luxe. Une petite frappe dans le dos : Au fait, et votre article ? Un journaliste digne de ce nom ne devrait jamais accepter aucun cadeau, pas le moindre crayon à bille !»
Mais la Connivence, la vraie, « spontanée » en quelque sorte, se nourrit de peu, juste de cette jubilation simple de fréquenter des célébrités, des gens considérés importants par la « classe » médiatique. Sil fallait psychanalyser «les» journalistes comme le suggérait Michel Onfray , on retrouverait à coup sûr ce désir-là de paraître «à côté de» et de se sentir ainsi important. Doù cette suffisance si répandue, doù ce plaisir doucereusement sadique oh pas trop méchant à épingler lImportant qui sert alors, en passant, juste un instant, de faire valoir. Et pour cette jouissance-là, pour cette puérilité satisfaite, «on» lui en sera reconnaissant à jamais.
Mais si la Connivence prend sa source en ces endroits troublés, gardons-nous bien dun autre mal journalistique majeur, la Généralisation. Car il y a journaliste et journaliste. Pas vrai ?
» Jacques : J’en pense ! C’est une des plaies de l’info-spectacle, de l’info-paillettes (Cf l’article et le débat à propos de Barclay, sa mort, sa célébration), de ce qui conduit à parler aussi de « classe médiatique », le comble !
J’ai un article en projet là-dessus, notamment pour rappeler les pratiques – et les tarifs – des « ménages » proposés aux journalistes- vedettes (cadrée expression aussi !), dont celui auquel vous faites allusion, bref le PPDA.
A propos de connivence, hier, 4 mai, sur LCP, formidable « Les nouveaux chiens de garde », d’après le bouquin de Serge Halimi. Presque trop riche, les plans sont souvent trop courts. Le défilé des abonnés cul et chemise médias/politiques/capitalistes aux dîners du Siècle valait son pesant de dividendes ! Débat grotesque avec Elie Cohen, menteur sans vergogne, et F.O. Giesbert, clown pathétique.
Et si, et si …on m’avait offert un bon salaire (10.000 € par mois + frais parisiens) pour commande de remplissage de contenus, pendant trois ans, renouvelés de gauche à droite, à parité.
Et ce, sur 30 ans, pris sur mon coté Com”…(communication), signant anonyme(s).
Aurai-je refusé ?
Cela aurait demandé une longue réflexion !