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Jean-Jacques de Félice, défenseur de l’Homme

Jean-Jacques de Félice est mort. Son nom est synonyme d’avocat  – du moins si ce mot désigne bien le défenseur de l’Homme. De l’Homme majuscule, valeur suprême ici-bas, et dont Jean-Jacques de Félice était une incarnation. Il vient donc de mourir, à 80 ans, tandis que, peu de jours avant, il défendait encore Marina Petrella, ancienne « brigadiste » menacée d’extradition vers l’Italie. Engagé dès les années 50 auprès des militants du FLN algérien, c’est à lui notamment – et à  Louis Lecoin –, que les objecteurs de conscience doivent d’avoir obtenu leur statut particulier.

On le retrouve également auprès du Gisti (Groupement d'information et de soutien aux travailleurs immigrés) et la Cimade (Comité intermouvements auprès des évacués). On le retrouve aussi partageant le combat de l'abbé Pierre en faveur des mal logés, mais aussi aux côtés des paysans du Larzac, des Kanak de Nouvelle-Calédonie ou des sans-papiers.

C’est à la Cimade que j’avais l’occasion de le rencontrer, dans les années 70, peu avant l’indépendance de Djibouti (ex-TFAI, Territoire français des Afars et des Issas) où un barrage électrifié et miné posaient de graves problèmes de réfugiés. Je garde le souvenir de son regard clair, de son grand front entouré de l’aura de ses cheveux déjà gris ; et par dessus tout de cette voix si calme, aussi douce que déterminée dès lors qu’il s’agissait des droits des humains et des victimes d’injustice. De cette détermination tranquille du non-violent pétri d’humanisme chrétien.

Ancien vice-président de la Ligue des droits de l’homme, celle-ci lui rend hommage, notamment sur internet. Nous retiendrons le site de la LDH de Toulon qui publie un de ses témoignages, très émouvant, où il raconte une visite à des condamnés à mort, à Alger en 58-59 :

« Je me souviens de ces rencontres, avec ces hommes d’origines diverses, paysans ou anciens militaires, engagés dans un dur combat, dont la vie ne tient plus qu’à un fil, et qui me parleront avec humanité de leurs mères, de leurs enfants, de ce pays qu’ils souhaitent voir un jour indépendant et libre, et jamais du sort qui les attend dans les prochains jours… On parle évidemment des recours juridiques possibles pour empêcher l’exécution, mais on sait les uns et les autres que seul un règlement politique du problème algérien peut déterminer leur sort : nous sommes encore loin de la reconnaissance du droit à l’autodétermination. Mais leur espoir rejoint le mien : dans cette loterie de la vie et de la mort, l’espoir leur permet de tenir.

« Ce qui me frappe toujours, chez ces hommes détenus et enchaînés, c’est l’acceptation quasi mythique de leur sort actuel, de leurs souffrances récentes, de leur avenir immédiat : je suis moi-même très sensible à cet aspect de leurs personnalités, nous sommes sur la même longueur d’onde, nous nous comprenons sans même dire un mot, nous partageons de longs silences, ils sont heureux de cette visite d’un avocat parisien qui a pu leur donner quelques nouvelles. Ils me remercient, je ressors de la prison non pas accablé ou démoralisé, mais au contraire réconforté par leur force tranquille. »

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Une réflexion sur “Jean-Jacques de Félice, défenseur de l’Homme

  • Désolé d’ap­prendre cette dis­pa­ri­tion. Jean-Jacques de Félice a été un grand défen­seur des droits de l’Homme. J’espère que d’autres per­sonnes de cette trempe pren­dont la relève.
    Je n’ai pas enten­du cette infor­ma­tion sur les médias que je consulte ; cela aus­si, m’attriste.
    Christian

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