Lettre de La Havane. « Un été cubain bien spécial »
Correspondance de « Azul »
« Nous sommes en été »…, a proclamé Granma le journal officiel du pays (un des trois existant). Nous, le peuple cubain, on en profite… : avec cette annonce, le gouvernement révolutionnaire de Cuba invite le peuple à vivre un autre été, un été « spécial »… Parce que nous célébrons le 50e anniversaire du triomphe de la révolution. Pour cela, nous tous, les Cubains, nous devons être heureux et très joyeux puisque nous portons 50 ans de triomphe face à l'impérialisme yankee, face aux AmericanoSS qui veulent prendre cette belle terre…
Et nous les Cubains (on dirait que nous ne sommes pas Américains ni dans le continent) n'avons pas de problèmes. Nous devons seulement danser, manger, profiter et bien sûr sourire pour que les touristes continuent de connaître la Cuba victorieuse et son peuple résistant; lequel appuie toujours le parti unique communiste de Cuba et affronte les dissidents – qui sont 100 selon les statistiques du gouvernement.
Parce qu’à Cuba il n'y a pas de contre-révolutionnaires. Dans ce pays, personne n'est contre la révolution et son parti, à part 100 ou peut-être 150 dissidents, qui ne savent pas ce qu'ils font, ni ce qu'ils veulent. À Cuba, le gouvernement a remercié Dieu pour cette union du peuple avec ses hommes politiques. D’ailleurs nous n’avons qu’une seule idée, imposée par un lider politique, lequel vient d’inaugurer avec fierté un hôtel luxueux à Varadero, la plus belle plage de Cuba… Un hôtel pour tous les Cubains… qui peuvent payer 200 dollars par nuit, soit sept années de salaire pour tout professionnel ou technicien cubain…
Aussi en a-t-il profité pour rappeler cette idée, unique, selon laquelle tous les Cubains ont décidé de défendre la révolution avant leur propre vie… C'est incroyable, les mensonges si effrontés qu' « ils » profèrent tous les jours, toute cette démagogie…
©g.ponthieu2008
Leur ont-ils demandé son avis, sur cette idée « unique », au travailleur qui chaque jour poireaute à l'arrêt de bus deux heures ou plus pour aller à son travail ? Ces problèmes de transport durent depuis 50 ans !
Leur ont-ils demandé leur avis à l'infirmière ou au docteur qui travaillent jusqu'à 10 heures tous les jours et qui ont pour seuls aliments un peu de riz et un oeuf parfois, sinon l' « Ave Maria » de chaque jour (du riz et des pois) ou des lentilles ?
Leur ont-ils demandé leur avis aux étudiants qui doivent acheter leurs cahiers pour suivre les cours parce qu'ils n’en reçoivent que cinq de 50 feuilles chacun pour presque douze matières par an ?…
Ont-ils demandé leur avis aux maîtresses de maison qui recourent à la magie pour faire manger toute la famille, tandis que le fils et l'époux travaillent et gagnent à eux deux seulement 30 dollars par mois ; et doivent en plus maintenir tant bien que mal une maison qui s'écroule et où vivent jusqu'à quatre générations et sans espoir d'avoir sa propre maison ?
Non. Eux, ceux du « gouvernement révolutionnaire de Cuba » ne demandent jamais de quoi a besoin le peuple qui est sous son pouvoir.
Non, eux ne consultent jamais le peuple.
Non, eux ne se sont jamais rendu compte que nous sommes des êtres humains et que nous pensons… Alors que tout bonnement ils nous invitent… à profiter d'un été spécial plein d'offres en devises ou en dollars…
Mais le peuple n'a pas de quoi acheter quoi que ce soit pour cet été si spécial, au cours duquel nous célébrerons les 50 ans de révolution cubaine ; moi, simple partie de l'humble peuple de Cuba, je continuerai à économiser dans l’espoir qu’un jour je pourrai visiter un pays où l'été en vaut la peine, où l’idée de la jouissance impossible ne soit pas une torture, ni un ordre.
Non, je ne veux plus d'étés téléprogrammés, ni de ces jouissances et idées uniques si trompeuses et effrontées ! Cet été si « différent », qu'ils le célèbrent ceux qui ont le pouvoir, moi je continuerai à chercher comment être heureux, « un Cubain heureux en plein été »…
« Azul »
Traduit par Marine Ponthieu
»> A Fidelia, fille ironique du tyran des Caraïbes : je confirme d’autant ton commentaire que je rentre à l’instant de ce foirail déplorable où on aura pu se croiser… Tout est dit, rien à ajouter. Merci.