Du néo-communisme, de l’écologisme décroissant, de la catastrophe
Qu’un cousin québécois nous éclaire, nous autres « maudits Français », sur l’état du pays, de ses habitants et, par delà, sur l’état du vaste monde, rien d’étonnant. Rien n’est plus utile et nécessaire à la compréhension de nos embrouillements et paradoxes, qu’un regard proche et distancié comme sait l’être celui de Mathieu Bock-Côté, un regard « porté au loin » comme on dit aussi en anthropologie. C’est bien ainsi que je l’écoute, le lis et l’apprécie au long de ses chroniques et éditos dans le JD News tout comme sur CNews, les « infréquentables »1Mais comment se fait-il donc que leur audience augmente ? du paysage médiatique hexagonal.
Dans sa dernière chronique titrée « Le retour de l’hypothèse communiste »2JDNews du 9 novembre 2025., ce « maudit Québécois », se référant à l’historien François Furet et à son ouvrage Passé d’une illusion, questionne notre vaudeville politique à l’aune d’un certain désenchantement lié à « l’utopie engloutie » lors de la chute de l’URSS. Tandis que jaillissait, en relève et comme en horreur du vide, l’autre avenir radieux, celui du « mondialisme triomphant, conjuguant le capitalisme et l’État social, sacrifiant la diversité des peuples à l'interchangeabilité des populations et soumettant chaque société à un perpétuel travail d'ingénierie sociale au nom de la lutte contre les discriminations. » À quoi ont répliqué, de-ci de-là, les révoltes populistes (populaires au sens politique), tandis que la gauche, pour ce qu’il en reste et dans son inconscient cotonneux, se ralliait sans le savoir à cette surprenante « hypothèse communiste » : « On l’a vu, écrit le sociologue, dans le cadre du débat sur le budget, où les députés sous la pression d’une gauche prédatrice, ont fait de la taxation du fruit du travail des uns et des autres la poursuite du pillage par d’autres moyens. » Pour Mathieu Bock-Côté, cette « gauche qui revient », si elle ne fait plus semblant de croire à l’économie de marché, « croit possible de nous faire basculer dans une forme de néo-socialisme. D’autant que nous y sommes déjà engagés », rejoints en cela par l'extrême centre (ni à l’extrême droite, ni à l’extrême gauche – les extrêmes s’annulent) dans sa pratique à peine masquée de l’économie dirigée… D’où l’hypothèse en question.
Mais c’est en fait un autre passage de cet article qui m’a amené à réagir ici : quand l’auteur évoque « la multiplication des règlements et normes au nom de l’écologisme décroissant ». L’écologie, tout comme l’économie, en principe et par définition, c’est la bonne gestion de la maison commune, l’attention au bien commun selon les anciens grecs3Même étymologie : du grec oïkos, « maison », et de logos / nomos, « discours », « loi ».. Or, cette écologie première s’est fourvoyée et anéantie dans l’écologisme, sa version fixiste idéologique, ce qu’on pourrait en effet dénommer écologie dirigée, un bolchevisme repeint en vert. Son péché originel semble inhérent à la dérive conduisant un idéal vers sa négation dès lors qu’il se trouve accaparé par une organisation politique, un parti, ou une secte s’agissant de religion. Serait-ce que système engendre… systématiquement systématisme ? Et donc, entre autres : peuple - populisme, libertés - libéralisme, social - socialisme4J’éviterai l’association islam / islamisme, hors sujet. , comme en un bouclage idéologique à l’intérieur duquel une pensée originelle se met à l’abri de tout dérangement : s’ils sont tolérés, voire théorisés, critiques, débats, affects se trouvent bien vite canalisés (les « courants »), opposés et finalement fossilisés. Maintes explications ont pu être avancées, remontant jusqu’à l’origine de l’homme, ses organisations en clans, le patriarcat et la domination mâle, et plus généralement sur la question du pouvoir, la conquête de la nature et du vivant étendue à toute la maison commune : l’écologie / l’économie comme fondamentaux politiques, nous y revoilà.
Revenons à « l’écologisme décroissant » mentionné par Bock-Côté, qu’on pourrait renvoyer en parallèle au postulat rousseauiste (Jean-Jacques, pas l’autre) de l’homme naturellement bon devenant, selon le prisme « verdoyant », l’homme décroissant par nature. Même bévue dogmatique et, pour ce qui est des écologistes, contredite par l’état du monde, de « la planète à sauver » comme disent les aboyeurs de slogans aussi ineptes que stériles5Sur la question, ces mots de Théodore Monod : « Dans l’évolution biologique, si une branche disparaît, elle est relayée par une autre. La nature et les animaux existaient avant nous sans avoir à supporter notre rapacité. Et l’évolution peut dessiner un cercle, lequel se refermera sur les origines neuves, c’est-à-dire préhistoriques. ». Plus on alerte, à coups de Giec et de Cop à répétition6On connaît l’air et les paroles : « Que tout change pour que rien ne change » (Dans Le Guépard, de Giuseppe Tomasi di Lampedusa et le film de Visconti)., plus on recule sur d’éventuelles autant qu’improbables, et mêmes introuvables, car impossibles solutions.
Tout au plus s’agit-il aujourd’hui de tenter de sauver l’humanité, ou du moins d’en retarder la fin programmée. L’Homme (comme l’Histoire, « avec sa grande hache »…) est un animal vorace, prédateur, destructeur de son environnement – la « Planète » vénérée – et de toutes les espèces du vivant, y compris la sienne propre. N’est-ce pas ce qui devrait sauter aux yeux de l’évidence quand des foules en rapacité consommatoire prennent d’assaut des magasins en faillite, ou bien de nouvelles « enseignes » venues de Chine à pleins porte-conteneurs déversant leurs produits sur la planète mondialisée et ruinant les économies locales ? Que peut bien y faire, l’écologisme décroissant ? Quels arguments recevables, quelles promesses crédibles, quelles « espérances » béates peut-il offrir et opposer aux désordres géopolitiques : guerres et autres violences7Croire adoucir les faits de violence « ordinaire » en parlant par exemple de « sentiment d’insécurité »… Élément moteur de la politique politicienne, la « com’ » euphémise le réel qui, une fois mouliné en « éléments de langage », revêtu des habits neufs des « news », s’en va parader dans le Spectacle médiatique via ses circuits et autres réseaux. Y ajouter désormais la touche invisible de l’IA et c’est l’apothéose : Orwell et Debord ne pouvaient imaginer plus puissante synthèse de leurs prédictions., injustices et inégalités, pillage et gaspillage des ressources, migrations incontrôlables, aveuglements et dénis idéologiques, déserts ruraux et surpopulation urbaine, incivisme et communautarismes à tout va, drogue et banditisme ?– et ainsi de suite.
Ce qui suit, justement, n’est pas de moi et je l’ai déjà publié sur ce blog : c’est extrait du livre de Yves Paccalet, L’humanité disparaîtra, bon débarras (Arthaud, 2006) :
« L’homme est une espèce jetable, à l’image de la civilisation qu’il a inventée. » À l’origine du Malheur : la démographie galopante, suicidaire. De 1945 à 2025, en quatre-vingts ans, la population de la Terre aura doublé, passant de quatre à huit milliards d’habitants. Pour le médecin, une population excessive de cellules prend le nom de “tumeur”. Si le processus de multiplication s’emballe, la tumeur devient maligne : on a affaire à un cancer. » […] « Nous envahissons, nous dévastons, nous salissons l’air, l’eau, l’humus fertile, les mers, les prairies, les forêts, les marais, les montagnes, les déserts et les pôles ; demain la Lune et la planète Mars.… Nous produisons des quantités phénoménales de déchets. Nous menons à l’agonie Gaïa, le super organisme qui nous inclut. Du même coup, nous nous précipitons dans le néant. » […] « L’homme est le cancer de la Terre. Cette formule choquera les âmes sensibles ; mais peu me chaut d’offusquer les “humanistes” qui ont des yeux pour ne pas voir et un cerveau pour imaginer que Dieu les a conçus afin qu’ils passent leur éternité à chanter des cantiques au paradis ou à cuire en enfer. Si Dieu existe, il nous a faits pour s’amuser, comme nous fabriquons nos programmes de télévision, nos OGM et nos armes de destruction massive. À la fin, c’est toujours la catastrophe. »
Si elle n’était apocalyptique, cette vision catastrophiste pourrait justifier une écologie salutairement décroissante qui viserait à endiguer la démesure démographique. Or, la Chine, entre autres8L’Inde est désormais le pays le plus peuplé au monde (1,451 milliard h. / Chine : 1,409 milliard h.). Sa capitale, New Delhi compte plus de 30 millions d’habitants, quasiment la moitié de la population française et trois fois plus que la Belgique ! Par sa démesure, la ville (si on peut dire) étouffe ses « habitants » qui réclament « des mesures » pour y rendre l’air moins irrespirable… Un sacré chantier pour les écologistes décroissants !, avec son milliard et plus d’habitants, s’alarme d’une baisse de population et relance une politique néo-nataliste ! Visant à devenir la première économie mondiale, la « maison Chine » ne peut se passer de sa masse productive surabondante9Il s’agit aussi, pour la Chine, de maintenir à niveau son « stock » de producteurs-consommateurs afin de garantir un marché intérieur capable de soutenir une récession économique mondiale. L’annexion de Taïwan s'inscrit en ce sens dans les plans de l’impérialisme chinois, cependant qu'elle le place devant une problématique des plus embarrassantes : elle lui fermerait, par une probable rétorsion internationale, une grande partie du marché mondial au point de mettre en péril son modèle économique – et probablement de provoquer aussi, par effet domino, une crise mondiale, sinon une nouvelle guerre. et donc bon marché, écrasant toute concurrence. Comment une écologie décroissante pourrait contrarier ce qui n’est déjà plus une hypothèse mais une réalité bien établie, celle, en effet, de ce néo-communisme accompli et dominant, nec plus ultra de l’alliance du capitalisme et du communisme, de la marchandisation mondiale et du totalitarisme ? Ainsi, à ce stade du réal-pessimisme, l'hypothèse néo-communiste « à la française » avancée par Mathieu Bock-Côté se trouve largement dépassée. Rapportée à l'Empire du milieu, en effet, notre arrière-garde socialiste ne peut que jouer « petit bras ». Mais sur ce plan du moins on ne va pas s'en plaindre.
- 1Mais comment se fait-il donc que leur audience augmente ?
- 2JDNews du 9 novembre 2025.
- 3Même étymologie : du grec oïkos, « maison », et de logos / nomos, « discours », « loi ».
- 4J’éviterai l’association islam / islamisme, hors sujet.
- 5Sur la question, ces mots de Théodore Monod : « Dans l’évolution biologique, si une branche disparaît, elle est relayée par une autre. La nature et les animaux existaient avant nous sans avoir à supporter notre rapacité. Et l’évolution peut dessiner un cercle, lequel se refermera sur les origines neuves, c’est-à-dire préhistoriques. »
- 6On connaît l’air et les paroles : « Que tout change pour que rien ne change » (Dans Le Guépard, de Giuseppe Tomasi di Lampedusa et le film de Visconti).
- 7Croire adoucir les faits de violence « ordinaire » en parlant par exemple de « sentiment d’insécurité »… Élément moteur de la politique politicienne, la « com’ » euphémise le réel qui, une fois mouliné en « éléments de langage », revêtu des habits neufs des « news », s’en va parader dans le Spectacle médiatique via ses circuits et autres réseaux. Y ajouter désormais la touche invisible de l’IA et c’est l’apothéose : Orwell et Debord ne pouvaient imaginer plus puissante synthèse de leurs prédictions.
- 8L’Inde est désormais le pays le plus peuplé au monde (1,451 milliard h. / Chine : 1,409 milliard h.). Sa capitale, New Delhi compte plus de 30 millions d’habitants, quasiment la moitié de la population française et trois fois plus que la Belgique ! Par sa démesure, la ville (si on peut dire) étouffe ses « habitants » qui réclament « des mesures » pour y rendre l’air moins irrespirable… Un sacré chantier pour les écologistes décroissants !
- 9Il s’agit aussi, pour la Chine, de maintenir à niveau son « stock » de producteurs-consommateurs afin de garantir un marché intérieur capable de soutenir une récession économique mondiale. L’annexion de Taïwan s'inscrit en ce sens dans les plans de l’impérialisme chinois, cependant qu'elle le place devant une problématique des plus embarrassantes : elle lui fermerait, par une probable rétorsion internationale, une grande partie du marché mondial au point de mettre en péril son modèle économique – et probablement de provoquer aussi, par effet domino, une crise mondiale, sinon une nouvelle guerre.
