mon JOURNAL. 2/01/05 : Le cul de mon chat
Dimanche, déjà le 2, le temps qui passe, vertigineux. Il est des banalités qui résistent… D’autres aussi : Hier était encore cotonneux, imprégné de la plus longue nuit avec les amis. Ça vient : On ne s’est presque rien dit de «là-bas» – pas par indifférence, que non !, mais sans doute par respect. Le silence valait mieux, je crois; ou bien, il fallait renoncer à la fête. L’embarras a atteint tous les plus ou moins riches de la Terre. Sur la «plus belle avenue du monde» – ah le clicheton ! –, le crêpe noir n’a pas empêché les habituelles et obscènes éjaculations de mousseux, ni celles du feu d’artifice municipal. Des feux de Bengale, ça tombait on ne peut mieux… Ben, quoi, on avait payé Ruggieri (le marchand d’artifice) et, dit la sagesse populaire, «quand le vin est tiré», hein…
A la maison, la télé est restée fermée. Comme en un deuil. Deuil médiatique surtout. Ou plutôt, diète du lendemain de biture. Trop c’est trop. Ils font leur boulot, certes, et même plutôt bien, dans l’ensemble. Ne le feraient-ils pas que ça gueulerait, moi en premier. Le font-ils que ça sature. On touche là à l’un des fondements de nos sociétés gavées et leurs fameux mass media. Les «médias de masse», horrible expression quand on y pense, tout comme celui de «produits de grande consommation». Le quantitatif comme valeur première. Monde chosifié de la marchandise répliquée à grande échelle. Médias de supermarché, camelotte généralisée, mise en spectacle permanent, cerveaux disponibles. Aux armes !
Je me calme, je me calme… On n’est que le 2 et c’est encore dimanche. Comme disait Valérie sur ce blog, à propos du stress des infos : «Fais comme moi ecoute le silence....». Y a de la sagesse là dedans. Mais le journaliste qui veille en moi ne saurait, comme ça, se transformer en exégète de ses états internes. Intérêt vite limité, fermeture du blog et autres exutoires publics. Non, «il» veut rester au monde, in the all world, quoi !
A propos de Monde, grand M, son médiateur se gratouille le menton. Dans sa chronique du 1er de l’an, Robert Solé s’interroge sur cette espèce en voie de diminution, celle du «fidèle lecteur». Comme en un prélude à une disparition programmée, il fait parler les poilus… Quand même plus nombreux que ceux de 14-18, ils n’en tiennent pas moins des propos d’anciens combattants : «Je n'aurais jamais pensé vous écrire si je n'avais entendu ce matin sur France-Inter une personne de 85 ans déclarer lire Le Monde depuis décembre 1944, affirme Jean Thioulouse, d'Alfortville (Val-de-Marne). Or j'ai 89 ans et, moi aussi, je suis un lecteur depuis le premier numéro.» Ah nom dé djeu !
Mais depuis, continue Solé, l’homo zappens a surgi dans la jungle médiatique. Son prédécesseur s’était mis debout dans la savane, celui-là s’allonge plutôt pour jouer de la zappette à la télé comme dans la vie. Cet infidèle, ce dragueur impénitent, n’a de cesse de goûter à tous les rateliers médiatiques – et autres, si ça se trouve… Ou bien, son autre sous-espèce, fait le difficile, tâte la mangue avant d’y goûter et souvent, file voir à côté si l’herbe est plus verte. Le pire, hélas pour les gazettes, c’est l’homo repus : a trop bouffé de toutes les nouvelles, en a trop avalé, vertes et pas mûres, avec et sans couleuvres, à tous les arbres de l’info, jusqu’à l’écoeurement qui appelle la cure de désintoxication. D'où ce terrible aveu : «Je me suis aperçue qu'un jour par semaine sans Le Monde me faisait du bien... Dès la semaine prochaine, je m'en passerai deux jours, puis - pourquoi pas ? - trois jours.»
Et, en effet – est-ce l’âge, bigre ? –, voilà que mes Monde à moi s’amoncellent parfois dans leur emballage d’origine. Pas eu le goût de déchirer le plastique, comme si je n’avais pas encore digéré la bouffe de la veille. Alors, ça s’accumule sur ce qu’à la maison nous appelons «la table de presse», ce foutoir de papier imprimé qui finit dans les bennes du tri sélectif ou dans la cheminée. Avant ça, c’est le havre de la chatte ; elle adore les journaux, elle et s’y a(band)onne des heures durant pour une revue de presse alanguie : le contraire du stress. Tout journaliste devrait avoir cette image (fournie ci-dessus), dont la légende semble s’imposer : Ton article, à quelque altitude qu’il prétende, ne pète jamais plus haut que le cul de mon chat.
Ai entendu ce matin sur France Inter par le psy de service quelques conseils aux gosses victimes … d’images télé traumatisantes !
À chacun sa catastrophe !
Après les fêtes, Il est temps de sortir les poubelles !