Inter, Paoli, Guetta sur un tapis persan : « J’apprécie beaucoup les médias », assure un dignitaire iranien
Ainsi France Inter s’est transporté à Téhéran – du moins son duo du « 7-9 », Stéphane Paoli et Bernard Guetta, augmenté de deux reporters. Grande opération radiophonique et de communication, certes – et au profit de quoi, de qui ? Autrement dit : coup journalistique ou coup diplomatique ? Ma réponse est dans la question. A savoir que j’ai trouvé ce moment particulièrement lamentable, tant pour l’image d’Inter que pour celle du métier d’informer.
Ah ! cet ébahissement de Paoli à se trouver là…, comme un miraculé venant de recevoir la grâce divine… Que de salamalecs pour nous vanter, à nous pékins d’auditeurs, le « caractère exceptionnel», dixit Stéphane Paoli, de la situation et de l’entretien annoncé ! Pour ma part, des journalistes ainsi reçus dans les « ors de la république islamique » – en l’occurrence, un des endroits les plus sécurisés d’Iran, le Conseil suprême de sécurité nationale…, c’est tout dire –, je trouve ça plus que suspect. La question étant alors, à dérouler ainsi les tapis, de se demander qui a le plus d’intérêt à quoi ?
Mais Paoli n’en revenait pas qu’un homme comme Ali Larijani, secrétaire du même Conseil suprême de sécurité nationale de l’Iran, « accepte » – tu parles, et comment que j'accours ! – ainsi de répondre « en direct » à des questions de journalistes occidentaux. Et cela, je cite toujours le patron du « 7-9», alors que l’ « entretien n’a pas été préparé» [Ah bon, parce que d’habitude… ?] et que « Monsieur Ali Larijani, secrétaire du même Conseil suprême de sécurité nationale de l’Iran, aussi puissant que le président, n’a pas souhaité connaître à l’avance nos questions» [Ah bon, parce que… ?]
Comme si les questions en question n’étaient pas prévisibles… Comme si on allait parler, je sais pas, …du tango argentin dans la culture persane. Mais pouvait-il toutefois s’attendre à cette première double question tellement complaisante : « Pourquoi acceptez-vous de parler aujourd’hui ? Y a-t-il, dans votre communication un enjeu politique de première importance ? » Et le Ali Larijani, qui aurait tout aussi bien pu répondre « Tu l’as dit bouffi ! », remercie infiniment des remerciements et se lance dans une envolée pompeuse sur les médias et la démocratie… « Les peuples ont le droit de connaître les vérités telles qu’elles sont »… Et d’ajouter «J’apprécie beaucoup les médias», [;-) ] avant de distinguer entre « trois éléments : la face réelle, l’élément médiatique, et le politique et le diplomatique. C’est pas la même chose nécessairement… » Certes, pas nécessairement, mais à l’occasion, ça peut. Comme par exemple, un de ces jeudis matin qui, décidément, ne font plus vraiment « écouter la différence ».
Même Guetta s’est montré aussi convaincu et fervent qu’il le fut lors du référendum européen lorsqu’il a ponctué le « Non, nous ne voulons pas de la bombe ! » de Larijani comme une preuve de la crédibilité diplomatique iranienne… Et s’il a quelque peu nuancé par un « du moins, ce refus affiché », ce fut pour aussitôt souligner les « raisons extraordinairement rationnelles » avancées – dans le même sens – par les autres diplomates qu’il avait pu rencontrer.
Pour moi, tout ça c’est à plein du journalisme institutionnel, la plaie du métier. Même si, sur le fond, on peut espérer que ces propos de paix – qui n’engagent après tout que ceux qui les croient –, s’avèrent devant l’Histoire. Laquelle en a vu d’autres, et l’histoire de la presse aussi.
Entendu ce midi le médiateur de France inter se gargariser des émiles louangeux envoyés par des auditeurs au sujet de l’émission « iranienne ». Et pas un pour rouspéter, objecter, questionner, interpeller ? Tss, tss ! Ou bien Pépin filtre à mort, ou bien c’en serait fini de l’esprit crique, ce bien si mal en point… Ah ! je meurs…