Bricolage journalistique sur France Inter
Tant pis, je le dénonce : Éric Delvaux, présentant le journal de 8 heures ce matin [05/05/06] sur France Inter, se paie deux bourdes en enfilade. L’une sous forme d’un « rectificatif », pour préciser qu’il n’aurait pas dû qualifier M. Ollier de « mari de Michèle Alliot-Marie », mais de… « conjoint » [sic !] « car ils ne sont pas mariés » [re-sic]. Négliger le sens précis des mots, pour un journaliste c’est une faute – même si la ministre a commis la même en ignorant aussi que le joli mot de « conjoint » désigne « la personne jointe (à une autre) par les liens du mariage » [Robert].
L’autre bourde est moins anecdotique. Elle consiste à avoir repris pour argent comptant, en la présentant comme telle, une dépêche sur la « fortune de Castro ». « Information » lancée sur le mode très mode et clichetonneux : « Le marxisme, ça peut rapporter gros »… Ah ! trouver la formule, le slogan, le « bon » titre. Et d’enchaîner sur le chiffre de « 900 millions de dollars » avancé par le magazine économique étatsunien « Forbes », dont on doit comprendre, même de loin et même de la part d’un journaliste inculte, qu’il ne vaut pas parole d’évangile pour parler de Cuba. Voilà presque un demi-siècle que les USA et leurs médias dominants s’acharnent contre le castrisme. Et l’autre benêt de reprendre ça, en source unique, sans la moindre mise en perspective ! Voilà qui rabat le journalisme au rang de bavardage d’inconséquents dangereux.
Je n’écoute plus France Inter le matin que par allergie à la publicité. Choix négatif, par défaut. La radio publique détient encore de beaux restes, certes, et de bons journalistes. Mais globalement, je trouve désormais sur Inter trop de disparités dans la qualité de l’information. État de fait dont j’attribue la responsabilité à l’encadrement. S’il est normal, souhaitable – et d’ailleurs inévitable – que de jeunes journalistes se fassent leurs dents en allant au charbon, il l’est moins, en revanche, qu’on leur laisse ainsi la bride sur le cou pour des journaux comme celui de 8 heures. Du moins quand ces jeunes, n’ayant pas forcément l’âme bien née, et ayant encore moins de culture (générale, politique, professionnelle), se la jouent sur le mode péremptoire. Ou quand les jeunes cons prennent la relève des vieux cons.
Le Monde du 19/05/06 revient sur le sujet avec un papier de son correspondant à Saint-Domingue, Jean-Michel Caroit. Lequel raconte comment Castro, qui en a vu d’autres, a poussé sa gueulante lors d’une conférence de presse de plus de quatre heures (il ne sait jamais faire moins…) destinée à contrer les « infâmes calomnies », déclarant : « S’ils prouvent que j’ai un compte à l’étranger, de 900 millions, ou de un dollar, je démissionne de toutes les fonctions que j’exerce ! ».
De son côté, précise l’article, Forbes reconnaît que ses évaluations « relèvent plus del’art que de la science » ? L’art de l’intox, quoi. Et ça marche, c’est ça le pire. Qu’il s’agisse de Castro ou de quiconque. Mais pas de la fortune des Bush et Cie, ah non, faut pas tout mélanger !