Ariane Mnouchkine et la présidentielle : « Je voudrais vous parler de sentiments »
Écrit par Ariane Mnouchkine, animatrice de la troupe du Théâtre du Soleil, le texte ci-dessous date d'avant le premier tour. En fait, il ne date pas du tout. Sa pertinence autant que sa sensibilité ne lui en confèrent que pleine actualité.
« Je voudrais vous parler de sentiments. Car lors d'une élection présidentielle, et pour celle-ci bien plus que pour toute autre, il s'agit aussi de sentiments.
Il s'agit d'étonnement d'abord, d'espoir, de confiance, de méfiance, de craintes, et de courage aussi. Il s'agit surtout, je crois, d'un sentiment de genèse.
Je n'ai jamais cru que la Genèse fut terminée.
Petite fille, je pensais même que, une fois grande personne, je serais fermement conviée à y participer. Et comme, à l'époque, aucun adulte autour de moi ne s'est cru autorisé à me détromper, je le pense toujours. Certains hommes, certaines femmes, savent mieux que d'autres nous rappeler à notre droit et à notre devoir de contribuer à cette genèse, à cette mise au monde d'un meilleur monde. D'un meilleur pays, d'une meilleure ville, d'un meilleur quartier, d'une meilleure rue, d'un meilleur immeuble. D'un meilleur théâtre.
Mieux que d'autres, par leur détermination, leur ferveur, leur sincérité, leur intelligence, leur audace, ils nous incitent à entamer ou à reprendre avec joie un combat clair, juste, urgent, possible. Modeste pour les uns, gigantesque pour les autres, mais possible. Pour libérer cet élan, il ne doit y avoir chez les prétendants aucune faconde, aucune forfanterie, aucune vulgarité de comportement, aucun mépris de l'adversaire. Aucune enflure pathologique de l'amour du moi.
Aucune goinfrerie. Aucune clownerie de bas étage, aucun double langage. Aucune mauvaise foi.
Non, il doit y avoir une terreur sacrée. Oui. Ils doivent être saisis d'une terreur sacrée devant le poids écrasant de la responsabilité qu'ils ambitionnent de porter, devant l'attente du peuple dont ils quémandent le suffrage avec tant d'insistance.
Oui, il faut qu'ils tremblent de la terreur de nous décevoir.
et ça lui fait quoi quand il lit ça, Renaud Donnedieu de Vabres, hein ? Schizophrénie ? ou alors, aucun état d’âme, c’est sans doute plus confortable. 🙂