Presse-Police-Justice. Quand Orange « oublie » de protéger ses sources et livre celles d’un journaliste
Un journaliste du Télégramme de Brest, fort de son droit, avait refusé de livrer ses sources à la police judiciaire. Il s’agissait d’une affaire de meurtre impliquant le « milieu » nantais et de l’enquête publiée en juin 2006. Qu’à cela ne tienne, l’opérateur de téléphone se montrerait plus coopératif, et carrément délateur, en livrant à la PJ le relevé des appels téléphoniques de son client et néanmoins journaliste !
Ce contournement policier de la loi semble inédit. Même si des échanges d’informations de ce type ont couramment lieu dans des affaires pénales – ce qui ne saurait les dispenser de légalité –, cette pratique viole ouvertement la loi, en particulier l’article 109 du code de procédure pénale stipulant la protection des sources des journalistes. A part la manière, qui est ici originale, la pratique se répand en France à l’encontre des journalistes, et tout particulièrement de la protection de leurs sources. Rappel :perquisitions dans les locaux du Point et de L'Equipe en janvier 2005, de France 3 Centre en juin 2006, de Midi libre en juillet 2006, tentative de perquisition au Canard enchaîné, cette année.
Plus directement et plus gravement encore, en décembre, le journaliste autonome Guillaume Dasquié a été mis en examen pour compromission du secret défense, après avoir été interpellé à son domicile et placé en garde à vue pendant quarante heures. Cette mesure faisait suite à une plainte de Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la défense, après la publication d'une enquête, dans Le Monde du 17 avril, sur les informations de la DST à propos d’Al-Qaida et des attentats du 11 septembre 2001.
La situation de l’information en France est grave. Et, on le voit ici, pas seulement en termes de connivences diverses, sinon ordinaires, mettant en relations « spéciales » gouvernants et industriels-propriétaires de médias. C’est aussi l’ordre judiciaire qui se trouve impliqué dans les pires dérives. Et le tout, comme l’a souligné Guillaume Dasquié dans les récits de sa garde à vue, le tout dans un style fort policé – c’est bien le mot ! –, dans des contextes et des décors « cleans », aseptisés. Finis, les coups de bottin sur la tête, vive la police scientifique et ses inspecteurs proprets, sobres pendant le service, offrant à l’occasion du jus d’Orange à ses « invités »…
A ce propos, il est avancé que les opérateurs de téléphone monnaient à bon prix le genre de renseignements appréciés par la police… Un nouveau marché en quelque sorte.
Autre sujet d’inquiétude, concernant cette fois les rapports entre les journalistes – en particulier locaux, ceux de la presse régionale et départementale – la gendarmerie et la police : ordre d’en donner le moins possible à la presse, sauf exceptions valorisantes. Pour les petites affaires, pas la peine de gonfler les statistiques de la délinquance. On appelle ça la culture du résultat…