Retraites et politique. Pour ne pas refaire « du même » : mandat révocable pour les élus et négociation immédiate avec l’opposition de gauche
Deux mesures me sont apparues dans leur urgence avec ce conflit autour des retraites, notamment à propos des rapports entre la rue, les syndicalistes, les politiciens. A moins qu’on ne veuille refaire « du même », avec les mêmes lamentations et processions.
Primo. En venir à cette vieille idée anarchiste et profondément démocratique : tout représentant élu du peuple, syndicaliste, député, sénateur, président et tutti frutti est mandaté par le même peuple pour faire appliquer le programme sur lequel il a été élu. S’il ne respecte pas ses engagements, il est révoqué et une autre élection doit être organisée. C’est le mandat révocable. Plus de rente à vie, de planque, de pantouflage ! Qu’est-ce qui s’y oppose ? Rien dans les principes. Tout dans la pratique. On dira que c’est précisément là que ça se noue, puisqu’on ne voit pas un politicien faire campagne pour scier la branche qui le soutient… On ne voit pas un « président du pouvoir d’achat » se soumettre à la vox populi – c’est le contraire qui se passe ! D’où la récurrente et toujours pertinente question : qu’est-ce que la démocratie ? Un grand chantier vieux comme la chose. Toujours à protéger, toujours à bâtir.
Deuxio. Passons sur la première idée (un siècle ou deux n’y suffiront pas) et embrayons tout de suite – puisque les choses vont rentrer « dans l’ordre » avec un profond goût d’amertume et un désir de revanche. Puisque le PS dit vouloir revenir sur cette réforme votée au forceps – et sous couvert d’une démocratie formelle : un putsch démocratique, quel oxymore ! –, eh bien, que les syndicats entrent tout de suite en négociation avec le PS et même avec toute la gauche : un vrai Grenelles, quoi ! et pas de ces shows montés par la droite usurpatrice de l’Histoire.
Donc, ne pas attendre 2012 et l’hypothétique victoire électorale de la gauche aux présidentielles, mais œuvrer dès maintenant au re-montage de cette réforme des retraites : voir notamment en quoi elle est présentée comme inéluctable, c'est-à-dire quid de la question démographique ?, quid du financement et par qui, selon quels critères ? quid des choix politiques et sociaux qui déterminent les choix prioritaires d’une société ?
Bref, pourquoi et comment donner la priorité dans les questions d’éducation, de santé, de bien-être en général, et donc aussi de justice dans la répartition des richesses collectives ! Et tant qu’à dépenser le bien collectif, autant que ce soit dans le bien-être de tous, plutôt qu’à payer des policiers, militaires, et gardiens de prison – dont on ne discute pas leurs budgets pharamineux !
Et, dites-moi, qu'en pensez-vous ? Me laissez pas seul comme si je délirais…
Bravo Ponthieu. L’idée de négociations dès maintenant entre syndicats et partis de gauche sur le sujet des retraites, voilà une idée lumineuse qui permettrait de « sortir par le haut » comme ils disent. Purée, quel pied de nez aux barbouzes, quelle leçon de démocratie, hein ? Ah si seulement ! T’imagines les encravatés dans leur château, seuls dans leur dorure et à côté, les humbles, les acteurs (pas les comédiens) en train de bâtir un autre modèle, une autre société, faire de la politique, quoi. Mais, mais, mais … À l’égal des assis de l’UMP, le camp d’en face est vautré dans le gruyère tout autant que les syndicats, fort de ses privilèges, ses rentes et autre indemnité, avec pour seul courage un peu de salive. J’aime pourtant cette idée belle et insolente de jouer dans une autre cour. Mais non, t’es pas seul, Gérard, allez viens, pratiquons en solitaire le collectif comme dirait le Mordillat.
C’est une évidence : Les syndicats veulent une négociation. Les partis d’opposition la promettent. Il n’y a donc aucune raison de différer.
Parole, je suis prêt à faire le ménage de la salle où ça se passera, à leur servir le café, à leur cirer les pompes…et c’est tout, non mais, vous me prenez pour qui ?
Pas l’ombre d’un espoir que ça se réalise mais tu as to-ta-le-ment raison.
Quelle leçon : se mettre au travail pour demain comme si ces charlots étaient déjà partis. Un coup à leur filer une bonne déprime.
C’est un truc imparable, le panache !
Ils ont tout dit… Donc je me contente d’opiner…
« You may say that I’m a dreamer. But I’m not the only one » (John Lennon, Imagine). Tu n’es certes pas le seul à rêver.
Je considère pour ma part la politique comme relevant elle-même du rêve et de l’illusion, même si son registre diffère du tien. Du reste, qui, sur la « scène » politique, propose de mettre en place le chantier que tu décris ?
Dans cette histoire, tout le monde rêve parce que personne n’a de prise sur le réel.
Quel est alors ce réel insaisissable ? Non pas le fait que la loi du profit l’emporte sur tout le reste (même si la pancarte du manifestant, sur ta photo, est très juste). Ce qui l’emporte, c’est « la recherche en toute chose de l’efficacité maximale ». L’augmentation de la durée de travail, c’est le moyen jugé par la classe politique comme le plus efficace pour régler le problème démographique. Point barre.
Certes, ce mois-ci, les partis de la gauche institutionnelle ont rejoint les rangs des manifestants mais ils l’ont fait par pur opportunisme. Désolé, mais moi, je ne rêve pas. Quand bien même ces gens-là reprendraient les manettes en 2012, ils ne reviendraient pas sur ce qui a été voté et va être promulgué. Jospin, en 2002, avait lâché « mon programme n’est pas socialiste ». Mais son propos était porté par l’imprudence et la naïveté (qui, du reste, lui ont coûté cher), il avait le mérite d’être clair. Aubry, Strauss-Kahn, Valls… et les autres cadres du PS, ne commettront pas la même erreur qui consiste à dire tout haut ce que tout le monde (au moins dans leurs rangs) pense très fort.
Désolé d’être cru, je réponds juste à la question posée. Histoire de revenir un peu sur le plancher des vaches.
@ Pierre V. > « la recherche en toute chose de l’efficacité maximale », dis-tu. Tu veux dire en vue du max de profit, non ? D’où la croissance forcenée comme seul cap politique mis en avant. S’il s’agit de « faire du PIB », tout y contribue, même les accidents mortels (ou pas), le biznesse mortuaire, les maladies. Ce n’est pas ce que j’appelle l’efficacité ; ce critère n’est que relatif aux buts visés. D’où, par exemple, les rengaines néo-libérales sur le « développement durable », avant-garde d’un fascisme vert à l’eficacité très craignos.
Non Gérard, tu n’es pas seul .….….….
La démocratie se résume t‑elle au pouvoir absolu donné à un président élu qui a tout l’art du bonimenteur pour recueillir le maximum de suffrages sur un maximum de promesses ?
La démocratie est déjà vieille de plus de 25 siècles (http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mocratie_ath%C3%A9nienne). Il faut à mon sens la faire évoluer, car la dérive actuelle ne peut que s’amplifier du fait de la réforme de la constitution.
Alors, ton appel pour un « Grenelle » de la retraite, sur de nouvelles bases de démocratie, j’y adhère.
Comme ça on est au moins deux (et un peu plus…). C’est un combat, continuons le début !
Il serait grand temps, pour le gouvernement actuel..de battre en « retraite »..
Le profit mène le monde certes. Un exemple : les socialistes, qui se vantent pourtant de ne pas rouler pour le profit, « profitent » du mouvement social, de sa popularité et de l’impopularité croissante du nain, en annonçant que s’ils reprennent les manettes en 2012, ils rétabliront le retour à la quille à 60 ans.
La belle affaire, le bel effet d’annonce ! Tout çà en effet pour préciser par ailleurs qu’ils allongeraient la durée de cotisation. Cherchez la cohérence.
Qu’en conclure ? Que depuis des lustres, la droite se prononce pour une politique de droite et l’applique tandis que la gauche se prononce pour une politique de gauche et applique une politique de droite. Cela, c’est l’histoire qui nous l’apprend.
Remontons au début s’il le faut : Lénine (qui, on l’oublie souvent, vouait en privé une admiration sans borne pour Henry Ford) n’a jamais mis en oeuvre la moindre dictature DU prolétariat mais une dictature SUR le prolétariat. Ainsi, le communisme n’a t‑il jamais été autre chose qu’un capitalisme d’état. Sous les Soviets, le profit n’a nullement été aboli ; simplement, la plue-value passait dans d’autres mains que celles des patrons, dans celle de l’État. Oui, répliqueront certains, mais un état redistributeur de richesses ! Qu’on me dise le nom d’un seul état qui éradiqué la pauvreté. Et surtout, le nom d’un état où le travail n’aurait pas été érigé en valeur.
L’état, tout comme le patron, a fait de l’homme un « travailleur » : il en a fait de la nourriture pour son idole, l’appareil de production, tout comme il en fait parfois de la « chair à canon. Et pour pouvoir parvenir à ses fins sans trop susciter de révoltes ou de la révolution, il a présenté ça comme relevant de « la nécessité ». Ca a marché et ça marche toujours.
Gérard semble s’attendre à ce que des hommes « d’état » renoncent demain à leur sacro-sainte « valeur-travail » pour réduire la durée du travail ou ne pas repousser l’âge du départ en retraite. Je dis simplement que c’est là un rêve. Un très beau rêve, certes, mais rien de plus.
Sur quoi est-ce que je me base pour affirmer une telle chose. Sur le fait que, depuis 250 ans, il existe bien une différence entre « la gauche » et « la droite », mais que leur antagonisme est extraordinairement superficiel : le socialisme et le capitalisme se prosternent l’un autant que l’autre devant l’appareil de production, qu’ils ont mis en place l’un ET l’autre : ce n’est pas un hasard si l’un comme l’autre fondent leur « pensée » sur le postulat de la croissance.
Or ce postulat, c’est précisément ce que j’entends par « la recherche de l’efficacité maximale en toutes choses ». Ce n’est pas l’appareil de production qui, en lui-même, nous asservit mais le sacré que la gauche comme la droite (et tous ceux qui se reconnaissent en l’une ou l’autre) transfèrent sur lui.
Gérard termine par une question : « dites-moi, qu’en pensez-vous ? », j’ai dit ce que j’en pensais.
Pierre
Ben oui, mon Gégé. Je crains bien que tu ne sois en train de rêver tout debout !
Salut gé !
Cela fait un bout que je lis « c’est pour dire » en silence, mais aujourd’hui j’ai envie moi aussi de crier un coup … parce que je ne sais pas si tu rêves debout, mais pour moi ce n’est pas exactement le bon qualificatif :
Le point de départ de ma colère c’est le « mouvement » des lycéens : comment la jeunesse de ce pays se mobilise pour les retraites .… quel beau projet pour la jeunesse … j’espère que c’est un cauchemard !
Qu’on aime pas sarko et tout ce qu’il représente, je partage, qu’on ne croie plus au PS pour faire évoluer notre société, je partage aussi, que l’on ait envie de faire la révolution à 17 ans, je peux comprendre .… mais quelle misère le message qui est délivré aujourd’hui ‑en tous les cas par les médias de masse- . Quand est ce que quelqu’un nous aide à placer le débat au bon niveau, comprendre que tous ces combats sont d’arrière garde : les politiques n’exercent plus de pouvoir que celui de se courber devant les plus puissants qu’eux, les « patrons » des syndicats ne pensent eux aussi qu’à leur petits intérêts et de toute façon ne représentent quasiment plus personne.
Et même moi (pardon pour cette petite crise d’égocentrisme) je me mets à faire le manichéen ; pourtant même si je crois malheureusement que ce que je viens d’affirmer est généralement vrai, il y a des gens dans tous ces milieux qui ne sont ni des utopistes ni des cyniques et qui peuvent faire bouger les choses. On peut prendre son pouvoir sans faire la révolution ; mais il faut le faire savoir, n’oublions pas la puissance de l’infusion.….…. surtout avec un média fabuleux comme internet !
En effet, pour moi, ce qui ce joue aujourd’hui dépasse les frontières de nos petites nations et de nos petits problèmes, je l’observe à mon petit niveau et je suis sûr que des tas d’autres comme moi le voient aussi mais on n’en fait pas assez la pédagogie.
Allez Gé tu ne veux pas les aider ces jeunes ?…
Ouais, les aider… Ils sont bien assez grands… La retraite, c’est pas de leur âge dis-tu Nicolas. C’est peut-être parce qu’ils n’ont pas d’autres rêves à se mettre sous la dent. Et je te rejoins pour ce qui est des « perspectives » politiques, rivées à la croissance comme seul point fixe. Reste l’infusion, comme tu dis, avant… l’effusion ? C’est venu en 68 sans qu’on s’y attende… Même si l’Histoire ne repassent pas deux fois les mêmes plats.
Je délire pas, mais je rêve… c’est pas loin ! Du moins, je pousse l’Utopie (« lieu de nulle part »), vers un quelque chose, un port d’amarrage que j’espère être un possible. Sinon, à quoi bon et pourquoi ramener sa fraise et vouloir aller « de l’avant ». Mais que ceux qui ne veulent pas, qui préfèrent aller en arrière, eh bien qu’ils le montrent. Evidemment je pense aux politiciens, ceux de l’opposition, et encore plus ceux du PS qui se voient déjà aux manettes. Je les prends aux mots sur la retraite : un vrai « Grenelle » tout de suite, sans attendre 2012, « pour voir » comme on dit au poker – ou alors, on « passe » tout de suite. Et ce serait plus clair pour 2012 au moins ! Et puis,est-ce que ça ne les aiderait pas aussi à voir plus clair, sur un point crucial de choix de société, entre les Aubry, Strauss-Kahn, Valls, Hamont, Fabius, Royal, Hollande (bon sang, y en a tant que ça ! et j’en oublie). En fait, je propose un truc anti-illusion, un moyen de « dé-rêver » la politique, de la ramener au plancher des vaches face au risque toujours planant qu’elle se la pète plus haut qu’elle n’a le cul.
Et, au fait, pourquoi un Mélenchon n’irait pas au charbon sur ce thème, pourquoi pas, hein ?
Moi, un programme commun, au moins sur la question de la retraite, je veux bien. Mais avec qui discuter ? Aubry, Strauss-Kahn, Valls, Hamont, Fabius, Royal, Hollande (et les autres), rien que pour le PS ?
@ Jean-Louis : Je sais bien ! Et justement, ce serait aussi pour hâter leurs primaires…
Donc tu veux « tout de suite » : hâter la primaire du PS ; mettre toute la gauche autour d’une table avec les syndicats.
Et torpiller la romance Chérèque-Parisot, pendant que tu y es ?
Exactement ! Et modeste, avec ça…
Les pays, c’est pas ça qui manque,
On tient des blogs à Salamanque
A Paris, Bordeaux, Lille, Brest.
Lui, la rêverie le prit
Du côté des Saintes-Maries,
C’est un modeste.
Hier après-midi, j’écoutais dans les embouteillages Bruno Julliard, secrétaire national du PS à l’éducation, évoquer sur France Info le projet de son parti. Le principe, si je l’ai bien compris, c’est : On a négocié jadis avec tous les syndicats enseignants. En voulant les satisfaire tous, il n’en est ressorti qu’un « filet d’eau tiède » et, au final, ils n’ont pas voté majoritairement pour nous…Cette fois, nous présenterons un projet « audacieux » sans nous soucier de savoir s’il nous attirera leurs suffrages…
Cela m’a évidemment fait penser à ton idée sur les retraites pour me dire que,d’abord, ils sont très loin de la dynamique que tu envisages. Par contre cet exemple m’a fait penser que les syndicats sont si proches de leurs partis de référence qu’un grenelle des retraites aurait tout d’un tournoi de pétanque par paires !
Il n’y a pas d’unité sur le problème des retraites. Je participe aux manifestations de l’intersyndicale fantôme sans illusions : je sais que la seule base commune est le rejet du sarkosysme – ce qui est déjà très bien.
Si un projet sérieux et juste sur les retraites existe, c’est aux syndicats de le formuler et de le proposer ensuite aux politiques de l’opposition. Pour la droite, c’est trop tard, elle a joué sa carte et elle a perdu…du moins je l’espère ! Mais les syndicats (consultés séparément, ce n’est pas pour rien) auront bien contribué à établir la cacophonie et à laisser le gouvernement tondre tranquillement les moutons que nous sommes.