Samedi à Marseille, regards croisés sur Claude Lévi-Strauss : conférences, débats, films
Claude Lévi-Strauss est mort le 30 octobre 2009. Un an après, les Archives départementales des Bouches-du-Rhône à Marseille et la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (MMSH) à Aix-en-Provence rendent hommage, ce samedi, à l’anthropologue-écrivain en invitant le public à cheminer tout un après-midi dans sa vie et son oeuvre. En compagnie d’éminents chercheurs… et de Lévi-Strauss lui-même, à travers des extraits de films.
« Ce que je constate, ce sont les ravages actuels ; c'est la disparition effrayante des espèces vivantes, qu'elles soient végétales ou animales ; et le fait que, de par sa densité actuelle, l'espèce humaine vit sous une sorte de régime d'empoisonnement interne » déclarait Claude Lévi-Strauss sur Antenne 2, en février 2005. Au crépuscule de sa vie, ce constat inquiet était devenu une hantise. À lui seul – mais il y a encore bien d’autres raisons – il justifie que les Rencontres d’Averroès, axées en 2010 sur les questions d’environnement, s’associent aux Archives départementales pour cet hommage à Lévi-Strauss.
« À vrai dire, il ne s’agit pas exactement d’un hommage, précise l’ethnologue Christian Bromberger, qui a assuré la coordination scientifique de l’événement. Car le mot a une connotation hagiographique qu’il aurait détesté ! Bien entendu, seront évoqués sa personnalité et son oeuvre. Mais je parlerais plutôt de regards croisés. »
Le premier de ces regards sera d’ailleurs celui de Lévi-Strauss lui-même. Christian Bromberger a en effet choisi dans les archives de l’INA des extraits d’entretiens qui permettront de voir et d’entendre le chercheur disparu. Ces documents viendront rythmer la manifestation et parallèlement, nourrir les propos des cinq intervenants chargés d’éclairer différents aspects de son itinéraire intellectuel.
Le critique d’art Alain Paire ouvrira le ban en soulignant l’importance d’André Breton dans ce parcours. L’anthropologue et le « pape du surréalisme » se sont liés pendant la guerre, alors qu’ils fuyaient le nazisme, à bord du bateau qui les amenait de Marseille à New York. Relation essentielle puisque c’est véritablement au contact de Breton que Lévi-Strauss s’est pris de passion pour les arts primitifs [bien qu’il en eût déjà observé certaines formes, notamment au cours de ses célèbres expéditions au Brésil].De son côté, l’anthropologue Emmanuel Terray parlera du rôle-clé que Lévi-Strauss accorde, dans sa vision du monde, à la notion de diversité. « Pour Lévi-Strauss, commente Christian Bromberger, il y a une équivalence entre diversité naturelle et diversité culturelle. Il est très attaché à l’une comme à l’autre, sans pour autant donner dans l’angélisme. Il dit par exemple que la diversité des groupes sociaux se paie « par un minimum d’hostilité », ajoutant qu’il s’agit là du « fonctionnement normal des différences ». Mais ce qui l’inquiète davantage, c’est précisément le contraire : l’uniformisation mortifère qui guette désormais la nature et les hommes. En cela, sa pensée fait écho aux préoccupations écologistes les plus actuelles. »
La troisième étape de ce parcours concernera – c’était incontournable – le structuralisme. « Il pensait que sous le fouillis apparent de la vie, résume Christian Bromberger, il y avait, sous-jacentes, des constantes communes à toutes les sociétés humaines, des structures qu’il appartient au chercheur de dégager, y compris à travers les variations d’une culture à l’autre. » On sait que Lévi-Strauss s’est vraiment fait le chantre de cette thèse contestée dès les années 60 par un philosophe comme Paul Ricoeur. Cette controverse reste un débat très contemporain qui, ce samedi, sera abordé par le directeur de la revue Esprit, Olivier Mongin.
Dionigi Albera, le directeur de l’Institut d’ethnologie méditerranéenne et comparative, enchaînera ensuite sur le difficile rapport de Lévi-Strauss à l’Islam. « Il se montre effectivement assez critique » dit Christian Bromberger, « le reproche majeur qu’il fait à l’Islam, c’est d’avoir conçu et exporté la notion de djihad, qui a inspiré en retour l’idée de croisade. »
Il appartiendra au poète Michel Deguy, auteur de l'article « Anthropologie et poésie » dans la revue Critique, de conclure cette journée en évoquant les analyses de la poésie qu'a menées Lévi-Strauss et le mariage exceptionnel, dans ses ouvrages, entre anthropologie et littérature dont « Tristes tropiques » reste l’exemple le plus fameux.
Un débat avec la salle est prévu. L’hommage se termine avec la projection du film documentaire « Claude Lévi-Strauss par lui-même » de Pierre-André Boutang [France, 2008, 1h33].
[D’après le document de présentation]
Archives et Bibliothèque départementales Gaston-Defferre, de 15h à 20h30.
18-20, rue Mirès – 13003 Marseille.
Entrée libre, réservation conseillée au 04 91 08 61 00.
» … par sa densité actuelle, l’espèce humaine vit sous une sorte de régime d’empoisonnement interne … »
Avec, peut-être, un peu de honte retrouvons cette vieille citation (de “on” ne sait plus qui) :
« Les hommes c’est comme les pommes, ça pourrit …
quand on les entassent ! »
Il faudrait donc mettre en place de plus en plus de « lignes de confidentialité » autour des camps de consommation …?
A moins, comme l’annonçait un vieux Jacques :
« Et la guerre éclata » (ou arriva ; je ne sais plus très bien).
La multitude de l’humanitude condamnée déjà, jadis (cf. « écrits » ) ?
Arguments dédiés, le cas échéant, aux » chercheurs de raison pour s’en aller ailleurs. »
L’éternité baille sur (ou sous) les sables.
N’est-il pas ?
Merci Beaucoup.
Comment se procurer ce documents de présentation ?
Ce fut un partage très riche – pour vous dire qu’il a déjà eu lieu. Mais on doit toujours trouver sa présentation là :
http://www.rencontresaverroes.net/Averroes2010/02SousleSigne/LevisStrauss.html
Je prépare une grande bibliographie sur l’actualité de CLS depuis sa disparition.
Merci pour le lien.