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Les « sans fleurs » de Georges Moustaki

Ph. Michiel Hendryckx, Wikipedia
Ph. Michiel Hendryckx, Wikipedia

Moustaki est mort. Je me souviens…

Bien sûr, les médias en font des méga-tonnes. Plus de quarante minutes ce midi au journal radio (Inter) ; ce soir sur les télés, on attend le déluge. C’est que la chanson et ses hérauts/héros comptent énormément dans nos imaginaires – pas besoin d’ajouter populaires, ça vaut pour tous, je crois. La bonne chanson, cet art du raccourci, mémorable parce que si bien mémorisable dans cette fusion paroles/musique. 

Donc, les chanteurs célèbres, on les célèbre comme ces icônes que fabrique le Spectacle généralisé. On les adore, on les vénère, on les panthéonise.

Moustaki, soit, était plutôt un brave type, pour ce qu’on en dit. Il chantait faux et jouait de même de sa gratte. Mais il l'assumait. Et une dizaine de chansons auront pris place dans ce qu’on appelle le patrimoine culturel.

J’ai un souvenir personnel de lui. Ça remonte à Sexpol, la revue (voir ci-contre). Besoin de sous, nous décidons d’organiser un « gala de soutien ». Ce sera le lundi 9 mai 1977 au Palace, rue du faubourg Montmartre à Paris. Acceptent de se produire gratuitement divers artistes généreux dont Catherine Ribeiro + Alpes, François Rabbath, le contrebassiste, la comédienne Pierrette Dupoyet, etc. Et Georges Moustaki, arrivé comme convenu avec sa guitare.

Le gala démarre, les artistes enchaînent… Arrive le tour de Moustaki… On attend. On va voir dans sa loge : personne. Disparu.

Penauds, on annonce la défection du chanteur au millier de spectateurs, qui ne le prennent pas trop mal.

Le lendemain, pour avoir le fin mot, j’appelle le Moustaki.

Ben oui, m’explique-t-il, il n’y avait pas de fleurs dans ma loge, alors je suis parti.

Je ne sais plus ce que j’ai pu alors bafouiller avant de clore la conversation. Quelques années plus tard, je devais le croiser  dans un couloir d’Orly. On s’est serré la main tandis que je lui rappelais l’affaire Sexpol. Il a souri benoîtement. On s’est plus revus.

Pour son ultime gala, cette fois c'est sûr, il ne va pas manquer de fleurs.

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

11 réflexions sur “Les « sans fleurs » de Georges Moustaki

  • M. 2 volts est par­ti comme le bap­ti­sait Eddy Mitchell. je retiens de Moustaki une cer­taine urgence à prendre son temps, culti­ver l’a­mour au soleil. En 70, la liber­té son­nait pei­narde, sûre de son bon droit. Aujourd’hui, la liber­té on la gère, on la négo­cie, on la met en équa­tion. En par­tant, le Moustaki embarque quelques mots qui ne seront jamais cotés en bourse.

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  • Liliane

    Mustacchi, de son vrai nom, appa­rais­sait plu­tôt comme le non-macho ; c’est pour ça je crois qu’il plaît aux femmes, y com­pris aujourd’hui . « Quelle dou­ceur dans la voix ! » qu’elles s’ex­ta­siaient les nanas de France inter ce midi ; z’en pou­vaient plus. En fait, pas de voix ! comme les chan­teux de main­te­nant, les sus­su­reux à la Delerme et autres gui­mauves. Moustaki, le non-Brel, le non-Ferré ; même pas le Brassens. Mais « elles » zaiment ça, faut croire que leurs mecs les secouent trop !

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  • A pro­pos de Moustaki. J’ai oublié de men­tion­ner ici un mot de lui, très per­ti­nent : « L’homme des­cend du songe ».
    C’est très pro­fond, ça ren­voie au pro­ces­sus de l’évolution. Le singe qui se met à rêver ne tar­de­ra pas à deve­nir homo sapiens. Et homo amne­si­cus, si on peut dire en mon latin de cui­sine. Je veux dire que sa facul­té d’oubli le carac­té­rise bien aus­si ! En ce sens, il serait des­cen­du du singe comme celui-ci des­cend de l’arbre, en le lais­sant der­rière lui. L’homme, oublieux de sa part ani­male jusqu’à la renier. D’où ses rap­ports ambi­gus avec les ani­maux et le monde ani­mal plus généralement.

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  • Je ne me rap­pe­lais plus l’é­pi­sode de la déser­tion de Mustacchi du 9 mai 1977 au motif qu’il n’y avait pas de fleurs dans sa loge. C’était bien une déser­tion, puis­qu’il n’a pas signi­fié la rai­son de son départ. Et qu’il n’a pas pris en consi­dé­ra­tion qu’on était dans la merde, qu’on ne pou­vait pas pen­ser aux sus­cep­ti­bi­li­tés flo­rales. Il y a là de quoi révi­ser à la baisse le pro­fil du bon­homme pour cause d’in­fla­tion nar­cis­sique. En tant qu’an­cien de Sexpol, et que mili­tant qui a pu être sale­ment lâché par d’autres artistes qui n’ont pas tenu leurs pro­messes alors que j’or­ga­ni­sais le sou­tien fes­tif pour de « nobles causes », je par­ti­cipe de cette amer­tume qui dénote dans l’u­na­ni­mi­té louan­geuse pour le métèque.
    NB : une de ces « nobles causes » concer­nait des révo­lu­tion­naires espa­gnols, qui ont été fina­le­ment gar­ro­tés par Franco… est-ce que le sou­tien fes­tif, pour lequel les artistes qui avaient pro­mis leur concours, aurait eu plus de reten­tis­se­ment s’ils étaient venus, et que cela aurait conb­tri­bué à les sauver ?
    Pour avoir lon­gue­ment et inten­sé­ment croi­sé de nom­breux artistes lors de mes dix der­nières années, en tant qu’a­ni­ma­teur d’un centre cultu­rel, j’en suis venu à la conclu­sion qu’ils sont mas­si­ve­ment par­ti­sans du système,et je ne parle pas que de leur large pro­pen­sion à la course aux sub­ven­tions. Non, ils sont bien dans une grande mano­ri­té idéo­lo­gi­que­ment pro­fi­teurs du sys­tème, quitte à jouer hypo­cri­te­ment de la cri­tique en chan­sons dudit sys­tème. Du pain et des jeux, c’est ce qui main­tient le popu­lo dans sa merde, isnt’it ?

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    • Pas d’i­do­lâ­trie, jamais ! Leçon numé­ro un, par­mi les mille autres… Et on n’en finit pas d’en apprendre de nouvelles.

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  • Ping : Catherine Ribeiro - C’est pour dire

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