Les « sans fleurs » de Georges Moustaki
Moustaki est mort. Je me souviens…
Bien sûr, les médias en font des méga-tonnes. Plus de quarante minutes ce midi au journal radio (Inter) ; ce soir sur les télés, on attend le déluge. C’est que la chanson et ses hérauts/héros comptent énormément dans nos imaginaires – pas besoin d’ajouter populaires, ça vaut pour tous, je crois. La bonne chanson, cet art du raccourci, mémorable parce que si bien mémorisable dans cette fusion paroles/musique.
Donc, les chanteurs célèbres, on les célèbre comme ces icônes que fabrique le Spectacle généralisé. On les adore, on les vénère, on les panthéonise.
Moustaki, soit, était plutôt un brave type, pour ce qu’on en dit. Il chantait faux et jouait de même de sa gratte. Mais il l'assumait. Et une dizaine de chansons auront pris place dans ce qu’on appelle le patrimoine culturel.
J’ai un souvenir personnel de lui. Ça remonte à Sexpol, la revue (voir ci-contre). Besoin de sous, nous décidons d’organiser un « gala de soutien ». Ce sera le lundi 9 mai 1977 au Palace, rue du faubourg Montmartre à Paris. Acceptent de se produire gratuitement divers artistes généreux dont Catherine Ribeiro + Alpes, François Rabbath, le contrebassiste, la comédienne Pierrette Dupoyet, etc. Et Georges Moustaki, arrivé comme convenu avec sa guitare.
Le gala démarre, les artistes enchaînent… Arrive le tour de Moustaki… On attend. On va voir dans sa loge : personne. Disparu.
Penauds, on annonce la défection du chanteur au millier de spectateurs, qui ne le prennent pas trop mal.
Le lendemain, pour avoir le fin mot, j’appelle le Moustaki.
– Ben oui, m’explique-t-il, il n’y avait pas de fleurs dans ma loge, alors je suis parti.
Je ne sais plus ce que j’ai pu alors bafouiller avant de clore la conversation. Quelques années plus tard, je devais le croiser dans un couloir d’Orly. On s’est serré la main tandis que je lui rappelais l’affaire Sexpol. Il a souri benoîtement. On s’est plus revus.
Pour son ultime gala, cette fois c'est sûr, il ne va pas manquer de fleurs.
M. 2 volts est parti comme le baptisait Eddy Mitchell. je retiens de Moustaki une certaine urgence à prendre son temps, cultiver l’amour au soleil. En 70, la liberté sonnait peinarde, sûre de son bon droit. Aujourd’hui, la liberté on la gère, on la négocie, on la met en équation. En partant, le Moustaki embarque quelques mots qui ne seront jamais cotés en bourse.
Habit blanc… et roses noires. Tout le contraste des hommes.
Je l’ai vu à Bobino à l’époque du Métèque etc…Un happening vaguement hippie, avec drums encens et tout le toutime, bon…Par contre j’avais adoré, en première partie Catherine Leforestier. Les textes de ses vingt berges parlaient assez bien à mes vingt ans.
http://www.youtube.com/watch?v=AvzpytiPgF0
Belle chanson, merci pour tes « vingt ans ». Les images font vraiment cucu-rétro ; elles plaisent aux commentatrices surtout, on dirait.
Les images : c’est souvent le cas pour les diaporamas sur youtube, une idée, une photo de l’idée. Une paraphrase photographique.
Tiens, à propos de corps, j’ai trouvé et partagé ceci à l’occasion de la journée contre la censure sur facebook :
https://www.facebook.com/photo.php?fbid=551035044939760&set=a.438911519485447.94735.110104215699514&type=1&theater
Moustaki aurait aimé…
…et pas que lui ! Belle femme et belle photo ; l’une aide l’autre, mais ça ne suffit pas toujours.
Au fait, France 2 a su rester sobre sur la mort du chanteur – contrairement à mes prévisions.
Mustacchi, de son vrai nom, apparaissait plutôt comme le non-macho ; c’est pour ça je crois qu’il plaît aux femmes, y compris aujourd’hui . « Quelle douceur dans la voix ! » qu’elles s’extasiaient les nanas de France inter ce midi ; z’en pouvaient plus. En fait, pas de voix ! comme les chanteux de maintenant, les sussureux à la Delerme et autres guimauves. Moustaki, le non-Brel, le non-Ferré ; même pas le Brassens. Mais « elles » zaiment ça, faut croire que leurs mecs les secouent trop !
A propos de Moustaki. J’ai oublié de mentionner ici un mot de lui, très pertinent : « L’homme descend du songe ».
C’est très profond, ça renvoie au processus de l’évolution. Le singe qui se met à rêver ne tardera pas à devenir homo sapiens. Et homo amnesicus, si on peut dire en mon latin de cuisine. Je veux dire que sa faculté d’oubli le caractérise bien aussi ! En ce sens, il serait descendu du singe comme celui-ci descend de l’arbre, en le laissant derrière lui. L’homme, oublieux de sa part animale jusqu’à la renier. D’où ses rapports ambigus avec les animaux et le monde animal plus généralement.
Je ne me rappelais plus l’épisode de la désertion de Mustacchi du 9 mai 1977 au motif qu’il n’y avait pas de fleurs dans sa loge. C’était bien une désertion, puisqu’il n’a pas signifié la raison de son départ. Et qu’il n’a pas pris en considération qu’on était dans la merde, qu’on ne pouvait pas penser aux susceptibilités florales. Il y a là de quoi réviser à la baisse le profil du bonhomme pour cause d’inflation narcissique. En tant qu’ancien de Sexpol, et que militant qui a pu être salement lâché par d’autres artistes qui n’ont pas tenu leurs promesses alors que j’organisais le soutien festif pour de « nobles causes », je participe de cette amertume qui dénote dans l’unanimité louangeuse pour le métèque.
NB : une de ces « nobles causes » concernait des révolutionnaires espagnols, qui ont été finalement garrotés par Franco… est-ce que le soutien festif, pour lequel les artistes qui avaient promis leur concours, aurait eu plus de retentissement s’ils étaient venus, et que cela aurait conbtribué à les sauver ?
Pour avoir longuement et intensément croisé de nombreux artistes lors de mes dix dernières années, en tant qu’animateur d’un centre culturel, j’en suis venu à la conclusion qu’ils sont massivement partisans du système,et je ne parle pas que de leur large propension à la course aux subventions. Non, ils sont bien dans une grande manorité idéologiquement profiteurs du système, quitte à jouer hypocritement de la critique en chansons dudit système. Du pain et des jeux, c’est ce qui maintient le populo dans sa merde, isnt’it ?
Pas d’idolâtrie, jamais ! Leçon numéro un, parmi les mille autres… Et on n’en finit pas d’en apprendre de nouvelles.
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