Pour saluer Jacques Le Goff, grand passeur d’histoire
[dropcap]L'[/dropcap]historien médiéviste, Jacques Le Goff est mort ce mardi 1er avril à Paris. Il était âgé de 90 ans. Co-directeur de la revue "Annales, Histoire et Sciences sociales", co-producteur de l'émission "Les Lundis de l'histoire" depuis 1968, sur France Culture, son importance est unanimement reconnue, comme historien et comme vulgarisateur.
Né à Toulon le 1er janvier 1924, normalien, agrégé d'histoire en 1950, (quatrième ex-aequo avec Alain Touraine), il préfère la recherche collective à l'enseignement. En 1962, il devient maître-assistant à l'École pratique des hautes études, y découvrant la liberté de recherche et d’échanges. En 1972, il succède à Fernand Braudel.
Ses travaux sur l'occident médiéval font référence pour les historiens et les étudiants. Pour lui, l’histoire ne peut être objective : c’est une « activité presque involontaire de rationalisation ». Il s’est penché sur l’Histoire comme mémoire et aussi sur l'histoire des mentalités et des sensibilités en utilisant des documents traditionnels tout autant que des objets de la vie quotidienne. Il porte également son intérêt sur la place des sentiments et de l'affectivité dans l'Histoire. Il questionne l'époque médiévale notamment à travers la place accordée à la femme, au travail et à la religion. De même accorde-t-il une grande importance à l'imaginaire des individus et des sociétés, à leurs mentalités. À cet égard, s'il avait quelque attirance pour l'analyse marxiste, il s'en différenciait tout autant par une distanciation avec le matérialisme historique.
Pour lui les guerres ne sont pas un grand moteur de l’Histoire, même si elles sont capables d'accélérer ou de retarder les évolutions. On retrouve toujours sa pensée selon laquelle l’histoire politique et l’histoire des grands évènements doivent céder la place à une histoire plus profonde et plus longue qui s'écrit sous la forme de lentes évolutions.
Dans les années 1980, il s’intéresse à l’imaginaire politique (ses symboles, ses rites, ses cérémonies, ses rêves, ses images) et écrit L'Imaginaire médiéval. Il porte ses recherches sur le rêve, la culture populaire et les croyances collectives dans la société du Moyen Âge, sur les mentalités ainsi que sur leurs modifications et évolutions. Il essaie même de prendre en compte des hypothèses sur la conscience et l’inconscient. Il se pose également des questions sur l’Histoire qui se fait et l’Histoire qu’il reste à faire et souhaite pour cela étudier le rire au Moyen Âge. Parallèlement, il s’intéresse à la civilisation matérielle et culturelle populaire, à travers les vêtements, les aliments, les romans, mais aussi les paroles et les gestes. En quoi l'historien rejoignait l'anthropologue. Ayant passé son enfance à Toulon, cette ville marque l’esprit de Jacques Le Goff : étant né sur le cours La Fayette, il habite une position stratégique dans la topographie géographique et sociale de Toulon. Ce qui l'amènera à s’intéresser par la suite à la topographie sociale des villages.
L'historien n'hésitait pas à quitter sa période de prédilection pour aborder l'actualité et exprimer ses options politiques nettement à gauche.
Il avait également été conseiller scientifique sur le tournage du film Le Nom de la rose, adapté par Jean-Jacques Annaud du roman d'Umberto Eco
La passionnante vidéo ci-dessous (90 mn), « Pour un autre Moyen Âge », le montre dans un dialogue avec Robert Philippe, Pierre Nora, Emmanuel Le Roy Ladurie et Jean-Claude Schmidt, Jacques Le Goff parcourt l'itinéraire qui, des marchands et des intellectuels du Moyen Âge, en passant par la synthèse de la Civilisation de l'Occident médiéval, le purgatoire, la ville, l'imaginaire et la royauté, lui a fait explorer le Moyen-Âge, comme terrain de renouvellement de l'histoire et de ses méthodes en s'efforçant de définir une anthropologie historique.
Sources : Wikipedia, France Culture. À noter que mon édition de 2007 de l'Encyclopaedia Universalis ne présente pas d'article spécifique sur Jacques Le Goff !
Sources confirmée par G.Ponthieu, avec une peau de banane aux encyclopédies non mise à jour et avec des erreurs.
J’ai vérifié, ..et Martial Maurette, Photographe n’existe pas non plus, ni sur Wikipédia, ni sur aucune encyclopédie, d’ailleurs. Ça doit être pour cette raison que Jacques Le Goff, ne m’a jamais interviewé, en tant que vulgarisateur sur France Culture.
Paix à son âme.
Il est vrai que mon édition d’Universalis date de 2007. Le Goff y est mentionné dans plusieurs articles, mais sans faire l’objet d’un article spécifique, alors que sa notoriété se trouvait établie depuis des lustres. Quant à Martial Maurette : patience ! Les génies peuvent se tenir cachés pendant toute une vie 😉
Les historiens sont des assembleurs de puzzle permettant de faire apparaître des sortes de paysages lisibles ; il leur faut de la hauteur de vue, en même temps que la précision de l’observation dans le difficile et délicat jeu entre le détail et l’ensemble, le fait et le contexte, etc. J’admire cette position, celle d’un Le Goff et de tant d’autres débroussailleurs. Cette vidéo est à cet égard passionnante.
Tiens un de Toulon.…
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