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Syrie. Guerre et paix, l’éternel conflit des hommes

La paix entre États, comme la paix civile, sont d'universels symboles de la paix du coeur. Ils en sont aussi les effets.(Chevalier-Gheerbrant, Dictionnaire des symboles)

La terrible agonie d'Alep et de sa population touche l'humanité entière. Ou, du moins, devrait-elle la toucher – ce qui changerait peut-être la face du monde. Mais son atrocité renvoie à ses causes, souvent incompréhensibles. Des parallèles sont tentées avec l'Histoire récente : certains voient en Syrie une guerre civile semblable à la guerre d'Espagne (1936-1939) qui fut le prélude au deuxième conflit mondial. Issa Goraieb, éditorialiste au quotidien francophone de Beyrouth, L'Orient-Le Jour, tentait ce rapprochement l'an dernier :

"Les avions et pilotes russes dépêchés à l’aide d’un Bachar el-Assad en mauvaise posture ne sont autres, en effet, que la légion Condor qu’offrait Hitler au dictateur Francisco Franco. À l’époque, l’Italien Mussolini se chargeait, lui, d’expédier des combattants ; c’est bien ce que font aujourd’hui en Syrie les Iraniens et leurs supplétifs du Hezbollah, qui s’apprêteraient à lancer une offensive terrestre majeure pour consolider la Syrie utile de Bachar. Quant aux brigades internationales, formées de volontaires venant de divers points de la planète pour prêter main-forte aux républicains espagnols, c’est évidemment Daech qui en décline actuellement une réédition des plus sulfureuses." [L'Orient-Le Jour, 03/10/2015]

"Sulfureuse", c'est peu dire, sinon maladroit. De son côté, Jean-Pierre Filiu, analyste de l'islam contemporain, insiste aussi sur ce parallèle historique, marquant bien une différence tranchée :  «Si la Syrie est notre guerre d’Espagne, ce n’est pas du fait d’une assimilation fallacieuse des djihadistes aux brigadistes, mais bien en raison de la non-intervention occidentale». [Mediapart, 7/08/2016] Encore fallait-il le rappeler et le souligner : s'engager pour un idéal de libération politique diffère foncièrement du renoncement dans le fanatisme et l'asservissement religieux.

Pour Ziyad Makhoul, lui aussi éditorialiste à L'Orient-Le Jour : "Ce n'est plus une tendance, ou un glissement progressif. C'est une nouvelle réalité. Le monde régresse à une vitesse insensée, que ce soit à cause des vicissitudes de la globalisation, de la tribalisation des esprits, ou de la résurrection de l'hyperreligieux. Ce monde qui est encore le nôtre s'obscurcit, se recroqueville dans ses phobies (de la lumière, de l'autre...) et se calfeutre dans une barbarie (et une revendication et une banalisation de cette barbarie) foncièrement moyenâgeuse." [15/12/16]

"Moyenâgeuse"…  passons sur cet anachronisme malheureux (l'histoire du Moyen Âge exige la nuance… historique). Mais soit ! il y a de l'irrationnel dans la folie guerrière des hommes à l'humanité relative… D'où vient, en effet, cette tare frappant l'homo pourtant sapiens – ainsi le décrit-on – incapable d'instaurer la paix comme mode de relation entre ses congénères ? Cet espèce-là, bien différenciée des autres espèces animales en ce qu'elle est si capable de détruire ses semblables, et sans doute aussi de s'autodétruire. J'entendais, dans le poste ce matin, Jean-Claude Carrière s'interroger sur le sujet et précisément sur la Paix, avec majuscule[ref]Il vient de publier La Paix (Ed. Odile Jacob)[/ref]. Car l'Histoire (grand H) et toutes les histoires, presque toutes, qui nourrissent notamment la littérature, le cinéma, les arts…, s'abreuvent à la guerre. On y voit sans doute un effet du poison violent qui tourneboule les hommes, les mâles : la testostérone. Peu les femmes-femelles qui en fabriquent bien moins, ou qui le transforment mieux, en amour par exemple – sauf exceptions, bien entendu, dans les champs de compétition de pouvoir, politique et autres. Ce qui se traduit, soit dit en passant, par des prisons peuplées d'hommes à 90 pour cent…

Le même Jean-Claude Carrière relevait aussi que l'empire romain avait établi la paix pendant plusieurs décennies sur l'ensemble de son immense domaine. "Pourquoi ? Il accueillait toutes les croyances."[ref]Du même Ziyad Makhoul (L'Orient-Le Jour), cette note : " Jacques Le Goff savait que l'Occident médiéval était né sur les ruines du monde romain, qu'il y avait trouvé appui et handicap à la fois, que Rome a été sa nourriture et sa paralysie. Ce qui naîtra des ruines et des cadavres d'Alep(-Est) risque d'être infiniment moins fascinant. Terriblement plus mortel."[/ref] C'est bien l'objectif de la laïcité – du moins dans le strict esprit de la loi française de 1905. On peut y voir une réplique politique et positive à la folie humaine, vers son édification et sa longue marche vers la Paix. On en est loin, pour en revenir à la guerre en Syrie. Poutine a su montrer et démontrer "qu'il en a" [de la testostérone…], en quoi il est soutenu et admiré par d'autres [qui en ont aussi !], comme Jean-Luc Mélenchon, pour ne parler que de lui.

Des nuances intéressantes, du point de vue politico-diplomatique, ont été apportées hier soir [15/12/16] sur France 2 qui consacrait une longue soirée à Vladimir Poutine "des origines à nos jours". Nuancée, donc, l'analyse de l'ancien ministre des Affaires étrangère, Hubert Védrine, faisant ressortir l'inconséquence méprisante des "Occidentaux" face à la Russie post-soviétique, en quête de reconnaissance internationale – ce que l'Europe lui a refusé ! D'où, aussi, les poussées de l'hormone en question… grande fournisseuse de guerres et de morts.


Jean-Claude Carrière : "Je voudrais bien que... par franceinter

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

8 réflexions sur “Syrie. Guerre et paix, l’éternel conflit des hommes

  • bernard langlois

    Et hop ! En pas­sant, comme tant d’autres, un coup de pied en vache à Mélenchon …

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    • Pourquoi « en vache » ? Un direct du gauche, oui ! Et l’up­per­cut de Castro et Chavez !

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  • Très bon article…
    Je m’in­ter­roge beau­coup sur l’ac­tuelle situa­tion et je dois dire que les réponses ne se bous­culent pas…
    La seule cer­ti­tude est que l’on régresse et qu’il est urgent d’in­ver­ser la vapeur…
    Mais, quand je constate le com­por­te­ment de nos poli­tiques et par­fois celui de nos conci­toyens proches je doute du bons sens de la vapeur…
    Quant à Mélanchon, il devrait sur­veiller son taux de tes­to­sté­rone géné­ra­teur de bille­ve­sées et autres cuistreries !

    @plus F

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  • Gérard Bérilley

    Tout le paral­lèle, avec bien sûr les nuances néces­saires qui sont expri­mées dans l’article, avec la guerre civile espa­gnole annon­çant la seconde guerre mon­diale me semble tout à fait per­ti­nent, et je regrette qu’il n’ait pas été sou­vent et suf­fi­sam­ment fait dans les médias classiques.
    Pour la ques­tion phi­lo­so­phique et scien­ti­fique de l’origine de la guerre en l’homme, quelques remarques, comme des pistes à envi­sa­ger, à discuter.
    D’abord, celle de Théodore Monod : « L’homme est le seul ani­mal qui apprenne à ses jeunes à tuer ses sem­blables ». Remarque per­cu­tante et qui implique de s’interroger pour­quoi il en est ainsi.
    Je me méfie un peu de l’explication pri­maire par la tes­to­sté­rone. Tout d’abord, parce que la très grande majo­ri­té des hommes (au sens sexuel du terme, genre mas­cu­lin) sont fon­da­men­ta­le­ment paci­fistes et d’eux-mêmes ne sou­haitent aucu­ne­ment la guerre, s’en méfient et la refusent, et s’ils y sont obli­gés n’y prennent aucun plai­sir, bien au contraire. Alors que la tes­to­sté­rone soit une cause de guerre, non, mais elle peut en être une condi­tion si l’expression de la sexua­li­té des hommes, de la sexua­li­té virile, est entra­vée. Si « l’agressivité » sexuelle inhé­rente à la sexua­li­té mas­cu­line (que l’on ne se méprenne pas sur ce terme d’agressivité sexuelle, je vous prie) ne peut être vécue posi­ti­ve­ment, dans une rela­tion d’amour, alors il y a de fortes pos­si­bi­li­tés qu’elle se trans­forme en vio­lence, en haine. C’est pour­quoi d’ailleurs, toutes les armées recrutent des hommes jeunes, à l’âge ou le besoin sexuel de l’homme est le plus impé­rieux, et le brident pour ame­ner ces jeunes hommes à la dis­ci­pline et à l’action mili­taire, à la haine de l’autre. Le slo­gan « Faites l’amour, pas la guerre » contient une véri­té pro­fonde. Partout où la reli­gion inter­dit la sexua­li­té de la jeu­nesse il y a d’énormes chances pour que les jeunes hommes deviennent violents.
    « Si le capi­ta­lisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » il en est tout autant, voire plus, de l’Etat, de la réa­li­té de l’Etat, car, comme le disait Anselme Bellegarrigue dans son Manifeste de l’anarchie en 1850 « Montrez-moi un endroit où l’on s’assassine en masse et en plein vent, je vous ferai voir un gou­ver­ne­ment à la tête du carnage. »
    Je pense que glo­ba­le­ment la guerre est créée par les « hommes de pou­voir » et ren­due pos­sible par la niai­se­rie, la naï­ve­té, la dépen­dance, la sou­mis­sion et la lâche­té des masses. Les hommes de pou­voir ont peut-être une bonne dose de tes­to­sté­rone, mais cela ne veut pas dire qu’ils sont sexuel­le­ment puis­sants, bien au contraire, je pense qu’ils sont inca­pables de prendre du plai­sir à sexuel­le­ment aimer, ils sont trop per­tur­bés psy­chi­que­ment, trop nar­cis­siques, trop per­vers nar­cis­siques pour cela. Une chose m’a tou­jours frap­pé, et depuis long­temps, c’est le manque d’humour total des gens de pou­voir (c’est presque à cela qu’on les recon­naît, quelque soit le pou­voir en ques­tion) et com­ment la haine et la méchan­ce­té sont tou­jours ins­crites, visibles, incar­nées, dans leurs visages. Il en est ain­si du visage de qua­si­ment tous les hommes poli­tiques dans nos démo­cra­ties ! Cela me saute aux yeux. Comment d’autres ne le voient pas ? C’est un mys­tère. Mais c’est peut-être cette haine, cette méchan­ce­té que beau­coup recherchent et aiment chez les hommes politiques ?!
    Pour com­prendre tout cela, il faut en reve­nir, en venir aux écrits de Wilhelm Reich qui a vu dans les années 30 en Allemagne les visages et les corps des gens se trans­for­mer quand ils deve­naient fas­cistes. Un tel homme nous a dit, expli­qué, mon­tré, que la cui­rasse carac­té­rielle, cor­po­relle, était une cui­rasse de haine, de
    peur de l’amour.

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    • Nuançons… La tes­to­sté­rone à usage de domi­na­tion poli­tique (le pou­voir) résulte sans doute d’un détour­ne­ment de ladite hor­mone, via le refou­le­ment sexuel notam­ment. Ce qui ne me semble pas excep­tion­nel. À cet égard, je ne serais pas aus­si affir­ma­tif que ton pro­pos : « la très grande majo­ri­té des hommes sont fon­da­men­ta­le­ment paci­fistes » – géné­ra­li­sa­tion bien abu­sive selon ma lec­ture de l’Histoire… N’ajoutes-tu pas, un peu plus loin : « Je pense que glo­ba­le­ment la guerre est créée par les « hommes de pou­voir » et ren­due pos­sible par la niai­se­rie, la naï­ve­té, la dépen­dance, la sou­mis­sion et la lâche­té des masses. »…Ce qui contre­di­rait leur paci­fisme… Pour autant, la bio­chi­mie des hor­mones et autres, ne sau­rait être le seul fau­teur de vio­lence guer­rière ; elle y contri­bue for­te­ment dès lors que les cir­cons­tances y poussent. On pour­rait aus­si évo­quer Nietzsche et la « volon­té de puis­sance » orien­tée posi­ti­ve­ment vers la vie, en oppo­si­tion avec la vio­lence des­truc­trice (les nazis ont osé la récupération).

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  • Gian

    Après bien de réti­cences, j’en suis venu à l’i­dée que le chaos à peine enta­mé aujourd’­hui, dont la Syrie n’est qu’un « détail », n’est plus que le seul moyen – en forme d’un auto­ma­tisme qui échappe à la volon­té humaine – de ten­ter de mettre fin à l’in­fla­tion du pul­lu­le­ment humain com­pul­sion­nel et son corollaire,le délire du pro­duc­ti­visme-consu­mé­risme effré­né. Et comme disait Huntington, « les faits semblent me don­ner rai­son, mais croyez bien que je le regrette ».

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    • Tu te lances dans les pré­dic­tions… D’un point de vue cyni­que­ment arith­mé­tique, les quelque 300.000 morts de la guerre en Syrie ne pèsent pas lourd dans ta pro­blé­ma­tique comp­table. Et encore moins du point de vue consu­mé­riste, vu que ces popu­la­tions sont loin des niveaux consom­ma­toires état­su­nien, euro­péen et même chi­nois. On ne remet­tra pas les comp­teurs à zéro, si même on par­vient à les faire bais­ser de manière valable.

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  • Graille

    Vue d’en haut, notre terre est magni­fique, éten­dues sau­vages de forêts de mer , de glace …Et puis de masses noires, les can­cers qui la rongent mul­ti­pliant les méta­stases, guerres , ter­reur, mort, Terribles souffrances!!!qui est res­pon­sable de ces mala­dies dont on va mourir??
    Des pre­da­teurs frus­trés fou­teurs de guerre et de mal­heur ? Testostérone déviée de son che­min d’a­mour et de créativité ?
    Que faire et que dire à nos enfants et nous ecou­te­ront ils ?eux que nous satu­rons de sur­con­som­ma­tion, de pub , d’emissions débiles alors qu’ils devront être dans la reflexion et dans la prise de deci­sion pour essayer de chan­ger leur monde. .
    Mais oui nous allons réveillon­ner habillés de paillettes, nous allons subir des emis­sions stu­pides de fausses joies pen­dant que le can­cer : guerre, pol­lu­tion etc..se propage
    Que faire !!
    Aller dans les manifs oui bien sûr pour sou­te­nir ceux qui souffrent et leur faire savoir..mais cela n’empechera pas mr Poutine ni mr Trump de réveillonner. .
    Rechercher la source du mal !!
    Et pleurer…

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