Peut-être pas trop tard pour bien venir au monde…
Ça y est, il s’est déchaîné le tsunami dénommé Harcèlement. Et sexuel en plus. Épicentré à Hollywood, pire que les cyclones aux jolis noms de femmes, il ne pouvait que déferler sur tout le monde spectaculaire. Il aurait tout de même mieux valu y penser avant : avant que naisse et paraisse, ces jours-ci, le petit dernier de Jacques A. Bertrand, un grand petit dernier au titre prophylactique : Quelques Conseils pour venir au monde.[ref]Editions Julliard, 110 p., 14 €[/ref]
Remarquez que l’intention n’est nullement contraceptive. Ni néo-malthusienne. Ce serait peine perdue car, comme le note judicieusement l’auteur, « si on sait à peu près de quoi les gens meurent, on sait moins de quoi ils naissent ». Oyez, en effet, ce propos échangé entre deux jeunes femmes à la terrasse d’un bistrot : « – Tu vois toujours Tom ? Tu sais, il faut faire attention : en ce moment des tas de bébés cherchent à naître. »
À quoi, ça tient, le génie de l’écrivain ! Car c’est de là, de ce conseil puissamment anodin, que fut donc ensemencé ce livre, l'un des plus drôles, spirituels, enlevés et donc réjouissants de ce que peut charrier la tornade littéraire de l’année.[ref]Croyez m’en sur paroles, j’ai tout lu ![/ref]
[dropcap]Depuis[/dropcap] Tristesse de la Balance et autres signes, en 1983, Jacques André Bertrand a publié une vingtaine d'ouvrages dont Le Pas du loup (prix de Flore), Derniers camps de base avant les sommets (prix Grand-Chosier), L'Angleterre ferme à cinq heures, La Course du chevau-léger, J'aime pas les autres, Les Sales Bêtes (prix 30 millions d'amis), Les autres, c'est rien que des sales types (grand prix de l'Humour noir), Mariages, Commandeur des Incroyables et autres Honorables Correspondants, Comment j'ai mangé mon estomac (prix Paroles de Patients), Brève histoire des choses (prix Alexandre-Vialatte), et Biographies non autorisées. Quelques conseils pour venir au monde (2017) est son dernier ouvrage. Il collabore aussi à l'émission de France Culture « Des papous dans la tête ».
Et d’abord, concrètement, comme disent les journalistes : quel sexe préférer ? Ah ah, comment choisir, sans exclure la possibilité de l’ambivalence ?… Finalement, l’auteur se risque, non sans opportunisme peut-être bien lié à l’« actu » : « Je conseillerais le féminin. Encore que j’aie choisi le masculin, mais j’ignore si c’était en toute connaissance de cause ». Ben oui, son livre n’était pas encore paru. « Et si c’était à refaire, je ne sais pas. », avant de s’en remettre au scribe de Melville : « Je préférerais pas. »
L’humour est ici érigé en impératif catégorique. Ainsi « le Docteur Freud lui-même, dans sa grande humilité, exprima un jour qu’il pouvait arriver qu’on rêve d’un gros cigare et qu’il s’agisse réellement d’un gros cigare. »…
D’une plume légère et court vêtue, il caresse les hautes sphères de la philosophie et explore en passant les profondeurs existentielles. C’est la marque de cet écrivain à la vingtaine d’ouvrages. Sa modestie dût-elle en rougir, il y a du Montaigne sous cette malice grave, au sens où vivre [serait] apprendre à naître.
Une bonne nouvelle, enfin ! Au chiotte, les branlettes médiatiques. J’aurais du lire le livre avant de naitre. Peut-être n’est-il pas trop tard.
Faut tout de même se dépêcher !
J’ai lu « Commet j’ai mangé mon estomac », bouquin formudable sur et autour de la maladie, écrit avec profondeur et humour. Je vais me précipiter sur celui là, la moindre des choses.