Chronique d’un été (le mien). 4) De l’origine possible du pouvoir et de sa névrose
Mais pourquoi diantre une telle branloire ?
J’observais, sur ce petit lac de montagne transformé en « base de loisirs », quatre ados se hissant sur leur « paddle » – version moderne de la pirogue : une planche plastifiée, sans voile, sur laquelle on se pousse, debout, avec une pagaie. À peine redressés, mes ados énervés, que les voilà lancés pour la compét’ ! L'un, trop ardent, ou moins doué, se retrouve à la baille,, disqualifié – 25% de perte, normal… Notez qu’il s’agissait de jeunes mâles en proie à leurs pulsions hormonales. Doit-on voir dans ces particularismes de genre – rien de tel, à ma connaissance chez les jeunes filles pré-pubères – l’origine de la politique, de la guerre et, en civilisation plus avancée, leurs substituts que constituent l’expansion commerciale et l’économie, la musculation, le management, les marathons, les coupes du monde, et tutti quanti ? Ce qui ferait, en d’autres termes, que de Macron à Trump en passant par Kim Jong-Un, Maduro, Bachar el-Assad, etc, la marche (bancale) du monde serait une affaire de testostérones ? Oui, déjà dit, mais alors, ces quelques – rares – exceptions : Angela Merkel, Theresa May, Aung San Suu Kyi … C’est que ces femmes de pouvoir, confirmant la règle de la quasi hégémonie masculine, partageraient aussi cette chimie de domination.Mais il faut encore d’autres ingrédients, comme de la bonne névrose, à l’exercice du pouvoir névrotique. Sinon les vieillards cacochymes autant qu’andropausés – les Pétain, Franco, Salazar, Castro… – auraient décroché en même temps que leur libido… Non : drogués à des produits de substitution, ils sont devenus accrocs à cette ivresse de la domination, des honneurs, de l’apparente puissance liée à la soumission des larbins et des flatteurs, quand ce n’est pas à celle des peuples.
La question du pouvoir névrotique et de sa dissolution se retrouve en bonne partie dans la forme de l’anarchie, cette organisation supérieure de la société. L’humain n’y est pas prêt. L’autonomie lui fait peur – plus que la servitude, aussi confortable que lâche. Kamel Daoud, implacable : « Il y a quelque chose de plus tragique que l'abus de pouvoir, c'est l'abus d'obéissance... » Et même, n’avons-nous pas atteint, dans ce Meilleur des mondes selon Aldous Huxley, la « plus parfaite des dictatures » : un « système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude. » ?
Bon, je m’égare dans mon pessimisme (réaliste), délaissant les belles résistances – peut-être belles parce que désespérées ? Ainsi l’Écho des mots, intitulé de ce festival qui anime chaque été le petit village de Pont-du-Fossé (Hautes-Alpes) amarré au Drac, affluent tumultueux de l’Isère – en latin, dracō désigne le dragon… Pour ce 13e festival, des contes, de la poésie, du théâtre, des spectacles de rue, des concerts pendant cinq jours. Et la place du village, patinoire en hiver, livrée aux jeux pour enfants – jeux à l’ancienne, sans écrans ni électronique, ateliers de menuiserie, de bricolages divers, sans débourser ou presque, sans musique fracassante et avec une réjouissante mini-grande-roue à pédales… Un autre monde.
Il y a aussi des inter-mondes. Une autre vallée, un autre village, encore plus petit. Dans le près, un vide-grenier comme tant d’autres ; j’y découvre les activités (licites) d’un placomusophile qui pousse la débauche jusqu’à collectionner des capsules de champagne ! Tout comme un philatéliste, avec catalogue, bourse d’échange, etc. Et le champagne, alors ?
Dans l’unique rue, et sa chapelle, les préparatifs de la fête vespérale : la buvette, bien sûr, les guirlandes de lampes multicolores … En face de la petite église, un podium bardé d’enceintes à niquer les tympans campagnards. On est de son temps : un DJ mettra le feu au patelin. Adieu, musiciens de ma jeunesse, accordéon, saxo, batterie– le trio d’or ; même les couacs faisaient danser ! Soyons donc modernes, absolument, ou ne soyons plus !
Bon, je m'y remets : prochain épisode bientôt !
Pont du fossé, juste un nom et le patelin était là au centre de mes souvenirs. Plus de Trump et autres dirigeants mâles ou femelles. J’avais 18 ans. Découverte de l’Europe, de la montagne . En même temps le souvenir du pincement au coeur : qu’il était loin mon pays. Mon pays que je pensais ne jamais revoir
Merci Gérard