Coup de cœurHommage

Catherine Ribeiro

Catherine Ribeiro est morte à 82 ans ce 23 août 2024 à Martigues, dans une maison de retraite. Quand la rubrique « disparition » vaut réapparition… Quelques articles, les mêmes, résument son parcours de « chanteuse libertaire française d'origine portugaise ». Ainsi, sur Wikipédia : « En 1970, elle crée le groupe Alpes avec Patrice Moullet. Ses disques d’alors sont considérés comme ce qui se faisait de plus libre et de plus intense en France, avec Magma, dans la musique rock… » Lire la suite.

Belle et rebelle, une voix suave et puissante, le souffle militant, engagée selon les combats de l’époque : Palestine (déjà), Franco, Pinochet… : une « pasionaria rouge ». Le cliché s’est vite refermé sur elle. Le showbiz, la renvoya dans ses marges. Entrée en résistance, elle batailla des années durant, remportant tout de même d’honorables victoires artistiques, puis finit par rendre les armes et se cloîtrer dans l’isolement, frappée par les pires épreuves de la vie – la mort par surdose de sa fille Ioana. 

Qui se souvient de Catherine Ribeiro de nos jours ? Des survivants de cette génération finissante. Des reconnaissants, comme moi et toute l’équipe de La Revue Sexpol, parvenue tant bien que mal à sa quatorzième livraison et menacée du dépôt de bilan… Un gala de soutien fut projeté, qui ferait appel à des artistes bénévoles. Catherine, la première, répondit à l’appel en tête d’affiche avec ses musiciens du groupe Alpes, rejoints bientôt par Georges Moustaki (Dans l’intention du moins…),  le contrebassiste François Rabbath et quelques autres moins connus. Ce fut en mai 1977, au Palace, à Paris.

Les caisses du journal furent renflouées par ce salutaire coup de pouce qui relança l’aventure jusqu’au trente-neuvième et ultime numéro. Nous n’étions pas pour autant devenus riches, et Catherine non plus (à ce tarif-là !) qui, à son tour, vint frapper à notre porte : elle en était gênée, à hauteur de sa gêne financière passagère… Nous avons alors pu la dépanner par une avance quelle ne manqua pas de nous renvoyer une fois ses difficultés apaisées. Nos liens s’étaient renforcés jusqu’à l’amitié, ponctuée par la suite d’échanges au téléphone – puis le drame, la dépression, la maladie, le silence enfin.

C’était elle, la généreuse, à la voix radieuse qui chantait aussi Piaf et Ferré – de lui, cette Mémoire et la mer à donner la chair de poule (Francolofolies de La Rochelle, 1988, à écouter ci-dessous). Elle, la grande amie de Colette Magny, chantant ensemble, promises à un semblable oubli. Certains, j’en suis, ne l’oublieront pas – jusqu’à leur propre éclipse, dans la « mémoire des étoiles »…

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

6 réflexions sur “Catherine Ribeiro

  • Ici, elle inter­prète : « La mémoire et la mer »
    Paroles et musique de Léo Ferré
    Bonjour Gérard

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  • Elle est par­tie sans bruit, si je n’avais pas reçu ta publi­ca­tion, je ne l’aurai pas su. Je ne suis pas très assi­du aux infor­ma­tions alors, quand c’est écrit en tout petit…
    Oui, je me sou­viens d’elle, nous l’écoutions avec res­pect. Une voix, une sin­cère, une qui raconte.
    Pas facile d’être artiste liber­taire, c’est un che­min sou­vent soli­taire quand on refuse les dogmes du
    « show-busi­ness » ou plu­tôt « cold-business ».
    Bon retour à l’univers madame Ribeiro.

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  • Chaize

    Gérard, salut. Beau et simple texte pour une belle chan­teuse et une belle âme. Concernant les éclipses, n’ou­blions pas qu’elles ne sont que tem­po­raires. Et puis il y a Tcheckhov dans Les Trois soeurs :  » Tousenbach, lui montre un doigt. – Allez, riez ! (À Verchinine) Ce n’est pas seule­ment dans deux ou trois cents ans, même dans un mil­lion d’années, la vie res­te­ra telle qu’elle a été ; elle ne varie pas, elle est constante, sui­vant ses propres lois qui ne nous regardent pas, ou que, du moins, vous ne connaî­trez jamais. Les oiseaux migra­teurs, les cigognes, par exemple, volent et volent, et quelles que soient les pen­sées, grandes ou petites, qui errent dans leurs têtes, elles conti­nue­ront de voler sans savoir pour quoi faire et où elles vont. Les oiseaux volent et vole­ront, quels que soient les phi­lo­sophes qui pous­se­raient par­mi eux et ils peuvent phi­lo­so­pher à leur guise, pour­vu qu’ils volent… » Ribeiro vole haut.

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  • Muriel

    Hommage et témoi­gnage sobres et tou­chants, mer­ci ! J’ai des petits enfants qui, évi­dem­ment, ne la connais­saient pas, même pas de nom ; ils ne connaissent pas davan­tage Moustaki, Reggiani, Brel, Barbara, ni même Brassens ; Léo Ferré, de nom. Leurs écrans ‑télé­phones ou télés – n’en disent ni n’en montrent rien. Une page a été tour­née sur une époque, une autre époque…

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  • Claude GRAVIER

    Bonjour Gérard,

    Qu’ils semblent loin­tains les temps où Catherine Ribeiro chan­tait Melocoton de Colette Magny.
    « Melocoton et Boule d’Or
    Deux gosses dans un jardin
    Melocoton, où elle est maman ?
    J’en sais rien, viens, donne-moi la main ».
    En ces temps de Delonisation, mer­ci de rap­pe­ler l’exis­tence de ces deux artistes qui ont enchan­té nos jeunes années.
    La bise

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