Catherine Ribeiro
Belle et rebelle, une voix suave et puissante, le souffle militant, engagée selon les combats de l’époque : Palestine (déjà), Franco, Pinochet… : une « pasionaria rouge ». Le cliché s’est vite refermé sur elle. Le showbiz, la renvoya dans ses marges. Entrée en résistance, elle batailla des années durant, remportant tout de même d’honorables victoires artistiques, puis finit par rendre les armes et se cloîtrer dans l’isolement, frappée par les pires épreuves de la vie – la mort par surdose de sa fille Ioana.
Qui se souvient de Catherine Ribeiro de nos jours ? Des survivants de cette génération finissante. Des reconnaissants, comme moi et toute l’équipe de La Revue Sexpol, parvenue tant bien que mal à sa quatorzième livraison et menacée du dépôt de bilan… Un gala de soutien fut projeté, qui ferait appel à des artistes bénévoles. Catherine, la première, répondit à l’appel en tête d’affiche avec ses musiciens du groupe Alpes, rejoints bientôt par Georges Moustaki (Dans l’intention du moins…), le contrebassiste François Rabbath et quelques autres moins connus. Ce fut en mai 1977, au Palace, à Paris.
Les caisses du journal furent renflouées par ce salutaire coup de pouce qui relança l’aventure jusqu’au trente-neuvième et ultime numéro. Nous n’étions pas pour autant devenus riches, et Catherine non plus (à ce tarif-là !) qui, à son tour, vint frapper à notre porte : elle en était gênée, à hauteur de sa gêne financière passagère… Nous avons alors pu la dépanner par une avance quelle ne manqua pas de nous renvoyer une fois ses difficultés apaisées. Nos liens s’étaient renforcés jusqu’à l’amitié, ponctuée par la suite d’échanges au téléphone – puis le drame, la dépression, la maladie, le silence enfin.
C’était elle, la généreuse, à la voix radieuse qui chantait aussi Piaf et Ferré – de lui, cette Mémoire et la mer à donner la chair de poule (Francolofolies de La Rochelle, 1988, à écouter ci-dessous). Elle, la grande amie de Colette Magny, chantant ensemble, promises à un semblable oubli. Certains, j’en suis, ne l’oublieront pas – jusqu’à leur propre éclipse, dans la « mémoire des étoiles »…
Ici, elle interprète : « La mémoire et la mer »
Paroles et musique de Léo Ferré
Bonjour Gérard
Elle est partie sans bruit, si je n’avais pas reçu ta publication, je ne l’aurai pas su. Je ne suis pas très assidu aux informations alors, quand c’est écrit en tout petit…
Oui, je me souviens d’elle, nous l’écoutions avec respect. Une voix, une sincère, une qui raconte.
Pas facile d’être artiste libertaire, c’est un chemin souvent solitaire quand on refuse les dogmes du
« show-business » ou plutôt « cold-business ».
Bon retour à l’univers madame Ribeiro.
Gérard, salut. Beau et simple texte pour une belle chanteuse et une belle âme. Concernant les éclipses, n’oublions pas qu’elles ne sont que temporaires. Et puis il y a Tcheckhov dans Les Trois soeurs : » Tousenbach, lui montre un doigt. – Allez, riez ! (À Verchinine) Ce n’est pas seulement dans deux ou trois cents ans, même dans un million d’années, la vie restera telle qu’elle a été ; elle ne varie pas, elle est constante, suivant ses propres lois qui ne nous regardent pas, ou que, du moins, vous ne connaîtrez jamais. Les oiseaux migrateurs, les cigognes, par exemple, volent et volent, et quelles que soient les pensées, grandes ou petites, qui errent dans leurs têtes, elles continueront de voler sans savoir pour quoi faire et où elles vont. Les oiseaux volent et voleront, quels que soient les philosophes qui pousseraient parmi eux et ils peuvent philosopher à leur guise, pourvu qu’ils volent… » Ribeiro vole haut.
Oui, tout continuera sans nous, et ensuite sans les autres, etc. Sans fin ? À vérifier !
Hommage et témoignage sobres et touchants, merci ! J’ai des petits enfants qui, évidemment, ne la connaissaient pas, même pas de nom ; ils ne connaissent pas davantage Moustaki, Reggiani, Brel, Barbara, ni même Brassens ; Léo Ferré, de nom. Leurs écrans ‑téléphones ou télés – n’en disent ni n’en montrent rien. Une page a été tournée sur une époque, une autre époque…
Bonjour Gérard,
Qu’ils semblent lointains les temps où Catherine Ribeiro chantait Melocoton de Colette Magny.
« Melocoton et Boule d’Or
Deux gosses dans un jardin
Melocoton, où elle est maman ?
J’en sais rien, viens, donne-moi la main ».
En ces temps de Delonisation, merci de rappeler l’existence de ces deux artistes qui ont enchanté nos jeunes années.
La bise