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Du bon usage des cons, et autres catégories 

« Selon que vous serez puissant ou misérable / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Qui ne connaît la fameuse « morale » de La Fontaine à la fin de sa fable Les animaux malades de la peste ? Cette peste demeure active, quoique désormais invisible, rampante. Le fabuliste précisait : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » – déjà à son époque (1658). Revenons à la nôtre qui aura vu bien des glissements sémantiques – il faut suivre le cours des mots : ainsi les misérables d’aujourd’hui ayant perdu leur sens hugolien, et même leur usage, sont devenus « les cons ». Je cite en rappel ce propos claironné d’un certain Alain Souchon : 

« Je ne crois pas que les Français soient assez cons pour élire quelqu’un du Rassemblement national.1Le 14 novembre sur RTL ».

De tels cons, on en a dénombré dans les onze millions en 2024 ; ils seront sans doute encore davantage grâce au chansonnier franco-suisse, du courant gauchisto-nanti, canal showbiz. Mieux vaut, de nos jours, s’habiller en franco-suisse qu’en franco-algérien, je n’insiste pas. 

C’est connu : on est toujours le con de quelqu’un. Mais il y a la manière de le décréter. Ainsi Madame Laurence Bloch, ex-patronne de France Inter qu’elle vient secourir de ses tardifs conseils, notamment en apportant sa touche de subtilité aromatique à la définition du con : 

« France Inter doit rattraper les CSP– (ouvriers, employés), ces gens qui n’ont pas un patrimoine cultuel suffisant pour être en tranquillité avec ce monde. »2Le 21 octobre, interviewée par Benjamin Duhamel, nouvellement embarqué sur France Inter, radio qu’elle a quittée en 2024 après y avoir passé cinquante années 

Quand on va chez le même coiffeur…

Comme c’est bien dit ! Elle ne chante pas le Souchon, mais elle le pense, en mieux chantourné, emberlificoté – car la dame a du patrimoine, elle aussi, et pas que culturel, je le parierais ! Ainsi vient-elle faire la leçon à la radio qu’elle dirigea et conduisit avec application vers les CSP+3CSP+ comprend les chefs d'entreprise, les professions libérales, les professions à plus fort revenu du secteur privé (cadres, ingénieurs, chercheurs, etc.) ainsi que l'ensemble des fonctionnaires de catégorie A. Associée à un fort pouvoir d'achat la notion permet de regrouper de manière approximative la classe moyenne supérieure et les ménages aisés. [Wikipédia], au détriment de son audience totale, délaissant au passage « ces gens » hors de « ce monde », ces intranquilles, ces pauvres cons et autres beaufs. Quel mépris ! Sans doute fut-elle à bonne école, celle de la boîte à idées Terra Nova proche du Parti socialiste, proclamant dans un rapport de 2011 l’obsolescence d’un « discours politique de gauche ouvriériste » et proposant de se tourner désormais vers les jeunes, les femmes et les immigrés. On sait le résultat.

Voilà pour le volet « misérable » de la fable si véridique. Voyons côté « puissant ». Là encore, le mot a bien évolué. De nos jours, être considéré comme puissant, c’est précisément être considéré comme tel. Autrement dit précédé d’une réputation, d’une visibilité, d’une médiatisation remarquable et remarquée surtout, depuis le vedettariat jusqu’à cette nouvelle catégorie des « influenceurs », usagers assidus des « réseaux » – dits « sociaux » selon les abus de langage et autres pertes en ligne de la nouvelle sémantique, quand les mots eux-mêmes se trouvent pervertis, détournés, récupérés, etc.

Souchon et Bloch sont des « puissants », au sens de prescripteurs d’opinion, de ces « gens » à audience et d’influence. Ce qui me conduit même à en parler et ainsi contribuer sans le vouloir à leur commerce. Ce sont des gens « de cour » qui nous rendent noir ou blanc, comme dit La Fontaine, cour n’étant plus, là encore, entendu au sens pénal mais sociétal et, cependant, très tranchant : noir / blanc devenu Bien / Mal selon son camp et le barème binaire de l’entre-soi élitiste endogame, voire consanguin. À propos, cet exemple tiré de la médiacratie : je cliquais de-ci de-là en quête d’infos sur les « gens » de médias divers. Quand soudain, sur Wiki, je tombe sur cet extrait, reproduit ici (c’est le cas de le dire) intégralement, y compris avec les liens si nombreux par lesquels on ne finirait pas de « rebondir » pour retomber dans les mêmes lieux d’influence, donc de pouvoir :

Vie privée

Benjamin Duhamel est le fils de Patrice Duhamel, ancien directeur général de France Télévisions, et de Nathalie Saint-Cricq, ancienne cheffe du service politique de France 2 et dont la famille est actionnaire majoritaire du groupe Nouvelle République du Centre-Ouest[1],[2],[3],[4],[5]. Il est le neveu du médecin Jean-François Duhamel, d’Alain Duhamel, éditorialiste sur RTL et BFM TV, ainsi que de Dominique Duhamel épouse Castéra et, donc, neveu par alliance de Richard Castéra (époux de Dominique) et cousin d’Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques de mai 2022 à septembre 2024 (et brièvement ’)[6],[7],[8]. Il a quatre frères : Jean, Nicolas, Alexandre[9] et Raphaël.Il est en couple avec la journaliste politique Agathe Lambret[2],[10].

Tel est ce jeu de société qui, sans doute, remonte à celui si fameux des Sept familles, qui furent Deux cents à une certaine époque, selon d’autres critères… Combien aujourd’hui ?

Ainsi prend fin ma petite histoire de cons, en y ajoutant l’incontournable définition de Michel Audiard – Ceux qui osent tout – et la touche poétique de Georges Brassens chantant Le Blason4Texte intégral ici : https://www.paroles.net/georges-brassens/paroles-le-blason et le sexe féminin : « C'est injuste, madame, et c'est désobligeant / Que ce morceau de roi de votre anatomie / Porte le même nom qu'une foule de gens. »

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    Le 14 novembre sur RTL ».
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    Le 21 octobre, interviewée par Benjamin Duhamel, nouvellement embarqué sur France Inter, radio qu’elle a quittée en 2024 après y avoir passé cinquante années
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    CSP+ comprend les chefs d'entreprise, les professions libérales, les professions à plus fort revenu du secteur privé (cadres, ingénieurs, chercheurs, etc.) ainsi que l'ensemble des fonctionnaires de catégorie A. Associée à un fort pouvoir d'achat la notion permet de regrouper de manière approximative la classe moyenne supérieure et les ménages aisés. [Wikipédia]
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    Texte intégral ici : https://www.paroles.net/georges-brassens/paroles-le-blason
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