Coup de cœur

Cavanna : « La vieillesse, pire que la mort ! »

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François Cavanna - Foire du Livre de Brive-la-Gaillarde- 6 novembre 2005 Photo Oscar J. Marianez [Wikimedia Commons]

[dropcap]François[/dropcap] Cavanna avait un compte à régler avec la mort. Ce 30 janvier 2014, elle a été la plus forte. Même en ayant protesté  avec tant de véhémence contre cette vacherie, rien n’y fit. Même après avoir écrit Stop-crève (1976), elle le prit entre ses terribles tenailles et le tortura au nom de Parkinson, cette « salope infâme ». Il résista néanmoins avec vaillance, jusqu'à 90 ans.

On s’était connus en 1975 lors de l’interdiction de la Revue Sexpol (sous Giscard d’Estaing, Poniatowki à l’Intérieur), interdiction qui ravivait celle d’Hara-Kiri Hebdo, en 1969. D’autant que le même prétexte avait été avancé par les sbires de l’époque : pornographie. Une telle infâmie commune créée des liens et de l’amitié.

Les deux fois, en effet, Anastatie avait agi au nom de la loi (du 16 juillet 1949, toujours en vigueur), et même au nom de la jeunesse et de sa «protection». En fait, une certaine vieillesse se rebiffait ainsi, en un soubresaut morbide, de ses débandades de 68. Quelques années plus tard, en son 34e numéro, consacré aux Vieux, Sexpol envoyait Robert Boudet, mort depuis lui aussi, la vache !, demander à Cavanna des nouvelles du front vieillissant. Résultat, deux pages titrées «Je suis trop exigeant pour être un gentil vieillard». Et  vingt ans de plus ont coulé… Ça valait le coup de revenir à la charge vers la déjà et toujours «belle tête emmitouflée de favoris», sans parler des bacchantes à la Vercingétorix. Il en résulta un long entretien qui trouva place dans un livre co-écrit avec mon ami Roger Dadoun, Vieillir & jouir, Feux sous la cendre (Éd. Phébus, 1999). Cavanna saute à pieds joints dans ce sujet qui le taraude, le vieillissement. En voici des extraits.

• Tu criais alors ta révolte contre le vieillissement et la mort. Tu venais d’écrire Stop-Crève (chez Pauvert), qui amplifiait tes coups de gueule dans Charlie-Hebdo…

François Cavanna : Enfin, une révolte… Je ne peux pas me révolter ! Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? C’est plutôt une non-acceptation : je ne coopère pas à mon vieillissement, je le subis et je ne suis pas content !

• …et tu disais, tout en regrettant que nos cellules vieillissent – et nous avec : «La matière vivante, elle s’use pas». Tu crois toujours ça, du haut de tes 76 ans ?

– Il ne s’agit pas de croire ! Deux hypothèses :

Ou le vieillissement est programmé, et il fait partie du déroulement normal des événements d’une vie; par exemple la puberté, la ménopause, la croissance, etc. Voilà des événements programmés, d’avance inscrits dans le patrimoine génétique. Depuis la naissance on grandit et, à un certain moment, un signal parvient qui arrête le processus. Pareil pour la puberté, la ménopause. Quand une femme a épuisé son stock d’ovules, une fois le dernier parti, l’organisme parvient à la fin de la fécondité – non pas à la fin de sa capacité de bander, de baiser et d’aimer ! Au contraire même pour certaines femmes.

Ou bien le vieillissement est un accident. C’est-à-dire que dès la conception on est soumis à une influence par le biais d’accidents qui se produisent au niveau des noyaux des cellules et des gènes. Des accidents se produisent qui, la plupart du temps, sont neutres, n’affectent pas un gène essentiel. Sauf certaines fois. Et voilà donc une cellule qui va être boiteuse, ou même qui va mourir. Entre autres traumatismes auxquels tout être vivant se trouve soumis, se trouve le rayonnement cosmique. Il s’agit de rayonnements extrêmement puissants, qui viennent de l’espace, des corpuscules chargés qui nous traversent le corps en permanence, cognant de ci, de là une cellule ou une autre, ou pénètrent dans le noyau, voire dans le gène – ce qui peut provoquer une mutation. Comme on subit plusieurs millions d’impacts par jour, c’est forcé que la probabilité d’être sérieusement atteint devienne une certitude. Parvenus au même âge, on a tous reçu, grosso modo, la même quantité de rayonnements et donc de traumatismes; nous nous trouvons tous dans le même état, ou à peu près.

• Ceux qui s’en sortent le mieux auraient donc subi moins de bombardements dommageables ?

– Je n’en sais rien, on n’a pas fait l’expérience, mais il faudrait voir si les poissons des grandes profondeurs, par exemple, montrent un vieillissement ralenti, ou même pas de vieillissement du tout. Pourquoi les grandes profondeurs ? Parce qu’une importante masse d’eau ralentit une grande partie des rayonnements. Certains corpuscules chargés finissent par être freinés. D’autres non, comme les neutrinos, que rien n’arrête – ils traversent complètement la planète. Mais on nage en pleine hypothèse ! On sait qu’il existe un rayonnement cosmique formé d’un tas de corpuscules plus ou moins puissants qui traversent la matière vivante et ont une incidence sur elle.

Ainsi, la manière d’attaquer le problème du vieillissement diffère selon qu’on part de l’une ou l’autre hypothèse. Il est certain qu’on meurt trop jeune; on devrait vivre bien plus vieux et en bon état, sans soins spéciaux. Aujourd’hui, n’empêche, on voit de plus en plus de centenaires; dans les années 50, un centenaire apparaissait comme une merveille…

• Il y en a dans les 6 000 maintenant*, rien qu’en France…

6 000 ! Tu t’imagines… Ceux qui parviennent à 100 ans ne sont en général pas des maladifs; ils avaient sans doute un bon bagage à la naissance.

 

Ne pas rater : le bel hommage de François Morel dans son Billet de ce 31/1/14 sur France Inter :

• Voilà la question : le bagage, si on ne le trouve pas dans son  berceau, peut-on se le concocter, par exemple en entretenant le désir comme un moteur de vie – la machine désirante… Qu’en dis-tu ?

– On ne peut guère affirmer qu’en son propre nom. Moi, je pense que le désir ne s’efface jamais. Si on le manifeste moins à partir d’un certain âge, c’est par résignation. Il y a aussi l’aspect social : un gars jeune qui s’intéresse aux femmes, qui cavale, bon, ce n’est peut-être pas très moral aux yeux de certains, mais enfin, ce n’est pas ridicule. Mais un vieillard libidineux, hein, un vieillard qui s’intéresse au cul des jeunes filles…, eh bien il en a conscience et il ferme sa gueule. En ce qui me concerne, l’intérêt pour la féminité, pour la femme, n’a jamais faibli. Je peux dire que j’ai été un obsédé sexuel dès ma plus tendre enfance – et que je continue. Oui ! Je ne comprends pas que cette question ne soit pas la principale aux yeux des gens, l’ambition première… Le fait énorme, gigantesque, de la vie, c’est qu’il existe des femmes, la Femme avec une majuscule. Retire ça : à quoi bon vivre ? Même si tu n’as pas l’intention de mener une idylle, rien que de savoir qu’elles existent, rien que de les voir marcher dans la rue, c’est formidable ! Et puis imaginer ce qu’elles ont sous leurs vêtements, savoir que ça sent bon, ouah !… Seulement, il est certain qu’à partir d’un certain âge, si tu ne te freines pas, t’es un vieux cochon ! Moi, je ne m’en gêne pas; je me fous un peu de l’opinion des gens.

Là, on parle de désir. Mais il y a l’autre aspect : l’aboutissement. L’intéressant dans l’amour, c’est la séduction, le moment où tu sens que ça marche, quand t’es accepté, quand quelque chose est passé; elle t’a…, bon, c’est formidable. Mais que peut espérer un vieillard ? A la rigueur des jeunes filles un peu curieuses ? Mais pas une femme épanouie, par exemple une femme de quarante ans. Non, elle préférera plutôt un homme plus jeune. Les vieillardes ? Ouais… Ces idylles de maisons de retraite, ces délabrements qui se mélangent, qui… ces… Pourquoi pas, s’ils trouvent leurs satisfactions ?, mais…

• Dans Sexpol, tu parlais déjà de ces vieux en train de «pourrir vivants» et tu disais qu’en eux tu haïssais la vieillesse.

– Et que je hais en moi ! [silence] Je devais avoir entre 45 et 50 ans. Donc, je n’avais pas encore subi les attaques de la vieillesse. Je vivais pleinement ma vie, tous mes organes fonctionnaient bien. Mais je savais qu’elle viendrait, elle…  Ça me paraissait vraiment l’horreur. Pire que la mort ! Je ne pouvais pas me figurer que je supporterais ça plus tard. C’est peut-être beaucoup de narcissisme…

• Aujourd’hui, tu te ranges toi-même dans cette catégorie des vieillards ?

– Ben merde, j’ai l’âge, non ?!

• D’accord, il y a l’âge. Et puis ce qu’on vit. Tu te définirais comme un vieillard ?

– [Silence] … Ouais ! Un vieillard qui se tient bien si tu veux, qui ne tremblotte pas encore, qui bave pas sa soupe sur le menton… Mais enfin, un vieillard ! Bon, pas trop mal : on me donnerait facilement dix ans de moins… Mais enfin, est-ce que je les ai réellement, ces dix ans de moins ? Mes organes, mon corps et tout ça, ils ne les ont pas ces dix ans ?

• C’est toi qui sens.

– Ben ouais. Moi je me sens, je me sens… comme à 20 ans, oui ! Bon, si je me remettais à l’épreuve, non, je ne pourrais pas tenir trois rounds de deux minutes… Je ne pourrais pas non plus courir 100 mètres en douze secondes ! Quoi que… j’ai l’impression que je pourrais, mais…

[…]

• Biologiquement parlant, ça ne devrait pas poser de problème particulier : ce n’est pas une épreuve sportive que de faire l’amour !

– Mais faut bander, nom de dieu ! […] Quand je pense à une femme, je ne pense pas tout de suite à la pénétration. Je pense à aller fourrer mon nez là-dedans, à me remplir de son odeur sauvage ! et puis la bouffer, oh la la !… tu vois, bon ! Et le reste vient tout seul, bien sûr ! Ce qui me motive, c’est de jouir d’elle, de tout ce qui émane d’elle, de ces bonnes odeurs, de son contact, et puis de ses yeux et puis, ah ! la vache ! merde !

Et jouir du fait qu’elle t’a élu, qu’elle t’admet en elle, qu’elle ouvre son corps pour que tu entres dedans, ah ! c’est prodigieux, non ? Prodigieux ! Cette femme qui passe dans la rue, là, si fière, si… Paf, elle est là et puis… elle a du poil sur le ventre, elle t’offre tout ça, te permet de la déshabiller, de pénétrer son intimité… Elle te permet ce que même ta mère ne t’aurait jamais permis. Ça c’est fabuleux ! Ce don, cette espèce de confiance immense, tu te rends compte ?! Permettre ça à un homme ! Bon, ça ne m’empêche pas de bramer comme une vache quand je prends mon pied. Mais je dirais presque : l’orgasme est accessoire – c’est quand on ne peut plus faire autrement. Ah nom de dieu ! Faut qu’elle jouisse au moins quatre ou cinq fois avant que je me décide ! Bah oui ! C’est beaucoup plus une satisfaction d’ordre sentimental que – comment dire ?… J’ai l’air de décrier l’orgasme, la jouissance des sens, les caresses et tout ça. Non, pas du tout ! C’est ce qu’il y a derrière ça, ce que ça signifie, cet «en plus», tu vois, le fait que ma queue soit génératrice de sensations formidables au moment où on se laisse aller ensemble, qu’on gueule comme deux vaches l’un dans l’autre, complètement unis l’un à l’autre, bien serrés… C’est ce que j’appelle l’«en plus». Par exemple, supposons qu’on supprime l’orgasme…, …

• Tu veux dire que la route est aussi belle que le bout du voyage ?

– Oui, mais quand même à condition d’arriver. Sinon, c’est pas nerveusement très bon… Enfin, c’est bon quand même, on s’en fout du coup de barre post coïtum, etc. Tout ce qui est homme-femme est bon ! Eh, ça nous éloigne des vieillards !

• Seulement si tu ne te considères pas comme un vieillard ! Sinon on est en plein dans le sujet !

– Une chose doit être épouvantable : je viens de te dire que le désir, à mon avis, subsiste toujours. Mais il y a un moment, si tu ne peux plus, si tu ne bandes plus, ça doit être terrible !

• Maintenant il y a le Viagra.

– Est-ce que ça marche à tous les coups, ça ? J’ai pas essayé. Quand l’amour était une chose très intime et très secrète, on n’aurait pas parlé volontiers de sa façon de se conduire avec une femme qu’on aime; ouais, des coups qu’on tire à droite à gauche… Mais, avec une femme qu’on aime, on n’aurait pas parlé de la façon de faire l’amour. Et les filles entre elles ne parlaient surtout pas de la quéquette des garçons et de la façon dont elles s’en servaient. Maintenant, le gars qui se contente d’être moyen, qui n’est pas extrêmement doué ni très ingénieux dans la pratique, les filles entre elles doivent se le dire, comparer, se moquer…

• Justement, est-ce que l’âge ne balaie pas tout ça, cet aspect performances, pour en venir peut-être à l’essentiel de la relation, y compris sous son aspect sexuel ?

– Ouais… Ouais… Sais pas… Tu veux dire qu’en entrant dans la catégorie troisième âge ça a moins d’importance ?

• Ou plus précisément qu’une certaine qualité d’érotisme ferait place à la pulsion…

– De fait, ça se fait petit à petit, parce qu’un jeune homme de 18 ans qui découvre la chose, même averti, quand ça se produit, il n’est pas très maître de la situation, pas bien habile. Il y a cette survenue de l’orgasme qui bouscule tout ! Quoi qu’il ait pu entendre auparavant, et même en se branlant, ce qu’il a pu faire n’a pas préparé à cet énorme surprise, ce cataclysme qu’est l’orgasme dans une femme – enfin, je parle d’un homme normalement constitué. Il n’est pas très maître de ses réactions, peut-être même pas très capable de faire jouir la femme. Au fur et à mesure qu’on évolue, cette fougue trop violente va s’apaiser et on saura mieux se servir de son engin. Ben oui !Et tout le reste ! Et puis les femmes, maintenant, sont beaucoup plus averties aussi; elles  participent tendrement, maternellement… C’est magnifique, ça ! Elles ne sont plus là à fermer les yeux, à écarter les jambes et attendre que ça vienne ! Elles ont appris à se connaître, à s’observer; elles ont vu comment se fait chez elle la montée du plaisir et comment ça se fait aussi chez leur compagnon. L’instinct est là qui les aide, dès lors que les tabous ne jouent plus, ou jouent moins. Quand on ose regarder la queue d’un homme, la caresser, quand l’envie vous saisit, pour finir, de la prendre dans la bouche, c’est… Imagine, il y a seulement quarante ans, hein ! C’était pratiquement pas possible avec une fille honnête !

Interview dans Sexpol-n°7-fév.1976
Interview dans Sexpol-n°7-fév.1976

• Quarante ans, justement, il y a quarante ans au moins que tu mènes des combats multiples, avec acharnement et passion, au nom de la justice, de la liberté, de la vie et tout. Cette question de la vieillesse et de l’amour ne te paraît-elle pas digne d’un nouvel engagement contre l’un des derniers tabous ?

– Où y a-t-il un tabou ? Qui empêche les vieux de baiser ?

• Tu l’as dit toi-même : le fait seulement d’être traité de vieux dégueulasse, ce moralisme profond qui étouffe la question…

– [Silence] …Je crois que là on touche à une position réflexe, comme pour l’horreur que peut provoquer l’homosexualité…, cette réaction de rejet face à quelque chose qui serait anormal. Et ça, même en dépit des positions intellectuelles. Un vieillard encore en activité, eh bien… – C’est que les vieux ne sont pas tous magnifiques, ce ne sont pas tous des chênes qu’on abat… !; la plupart du temps, ils sont bedonnants, courbés, la vieillesse est passée par là, avec les traumatismes, les vacheries de la vie qui finissent par te rendre pas très appétissant. – eh bien, les imaginer en action, les imaginer par exemple en train d’embrasser une jeune femme sur la bouche… Maintenant, quand on parle des vieux, on a tendance à voir un vieux et des vieilles. On trouve presque normal qu’un vieux qui a de l’argent s’envoie une jeunesse. On feint de se révolter – au fond, on l’envie ! Il a les moyens, bon, et si la fille est d’accord, pourquoi pas ? Et elle peut aussi être amoureuse (c’est un peu plus difficile à imaginer…) Par contre, imagine une vieille femme avec un jeune homme ! C’est encore autre chose.

• Ça relève presque de la répulsion sociale.

– Oui. Et même si elle est riche et se paie des gigolos, c’est encore beaucoup plus mal vu, on trouve que c’est dégueulasse.

• Qu’est-ce qu’on peut faire ? C’est une injustice, non ?

– C’est une injustice. Mais tu peux quand même pas obliger les gens à trouver attirant un corps tout ridé, tout fripé, avec le sein qui pend sur le ventre ! Tu ne peux pas les forcer ! On n’empêche pas les gens de vieillir et il ne faut pas non plus qu’on nous oblige à trouver les vieux attirants !

• Connais-tu des femmes de ton âge que tu trouves attirantes ?

– Ah… De mon âge… Ah, ma femme, elle n’est pas mal, hein ! Il m’est aussi arrivé d’être très amoureux, j’avais une cinquantaine d’années, d’une femme qui en avait soixante. Elle était exceptionnelle : une grande femme mince, taille mannequin et une allure terrible. Oui, je la désirais très fort. Ça a été un épisode très émouvant. Mais – on en revient toujours à ça : elle ne faisait pas son âge ! Alors, c’est tricher ! On ne peut pas non plus établir une règle là-dessus. Ou alors faudrait qu’on arrive à faire que les vieillards gardent un certain prestige, une certaine allure. Dans les deux sexes, bien sûr. Parce que, à pouvoir d’achat égal, peut-être que quelques vieillards hommes, pas trop mal conservés, ayant de l’allure, arriveront-ils à s’envoyer des femmes de tous âges, y compris du leur. Mais des femmes de cet âge-là, elles, il faudrait qu’elles soient vraiment exceptionnelles ! Imagine un homme : il est chauve, il a un peu de bide, oh, il fait son âge mais il est costaud encore, une espèce de bûcheron canadien… Pourquoi pas ? Maintenant, mets ça au féminin !

• Qu’est-ce qui coince alors ?

– Parce que, contrairement à ce que pensent les féministes, c’est l’homme qui fait la demande, c’est l’homme qui «achète», qui choisit. Le féminisme ne devrait pas consister à nier les différences de comportement entre l’homme et la femme, mais faire en sorte qu’elles n’entraînent pas des différences sociales. L’antiracisme, ce n’est pas nier que les Noirs soient noirs mais à nier qu’il soient inférieurs. Bref, tu ne peux pas obliger l’homme à convoiter une «marchandise» qui ne lui dit rien.

• Et si on demandait aux femmes âgées de faire la demande ?

– Ça, mon vieux ! Il faudra bourrer leur partenaire de Viagra ! Parce qu’il faut bander ! Il y a encore ça entre l’homme et la femme : même si elle n’est pas désirante, il suffit qu’elle ouvre les cuisses, elle peut même donner la comédie du bonheur, distribuer des caresses et tout. Mais si l’homme n’a pas la caresse suprême qu’est la pénétration, tu sais bien que tout est foutu par terre.

• Ne sommes-nous pas là, nous les hommes, des héritiers culturels, archaïques mêmes, qui voudraient que les femmes n’aient plus les charmes qu’on présuppose aux hommes, même vieux, comme tu viens de le dire ? Si une femme est un peu décatie, on ne lui trouve plus rien à nos yeux de machistes…

– Attends ! Là, tu joues sur les mots. Tu dis «un peu décatie»… Mon dieu, si ce n’est que ça, elle doit encore avoir des charmes !

• Mais si, l’âge faisant, on a moins de pulsion sexuelle et que le tableau en face n’est pas vraiment… bandant, disons…

– De la pulsion, oui ! Mais, une fois de plus, encore faut-il l’érection ! Pour l’homme hélas, il y a ce truc-là, qui est un peu livré au hasard, qui marche ou pas, à la surprise générale – et j’ai eu d’épouvantables surprises de ce côté-là !

• Il y a vingt ans, dans cet entretien pour Sexpol, tu qualifiais la vieillesse d’infirmité. Tu maintiens ?

– Bah oui ! C’est une excellente définition ! Un naufrage !

• Et l’espérance alors ?

– Se taper un ange, par les ailes ! Écoute, quand tu es mort, il n’y a plus ces vieilles conneries d’ici bas, tous ces tabous à la con. Si tu as envie de te taper la Vierge Marie, tu peux te la taper ! Elle ne demandera pas mieux, elle t’accueillera. A n’importe quel âge !

Entretien avec Gérard Ponthieu, 23/02/99

–––

* L'entretien date de 1999. Au 1er janvier 2010, 15 000 centenaires vivent en France métropolitaine : c’est treize fois plus qu’en 1970. [Source Insee].

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

Une réflexion sur “Cavanna : « La vieillesse, pire que la mort ! »

  • dan

    Con-vier, con-trac­tile, con-tra­cep­tif, con-tor­sion, con-soler, con-pro­mis, con-soler, con-voyeur, con-vul­sion, con-ver­ger, con-vain­cu, con-tinence mais encore le con-sacré ! Sacré Cavanna ! .….et quand l’homme ces­sa d’être singe, il fut CON ! Adieu et à bien­tôt l’a­mi.… mais le plus tard pos­sible. DW

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