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Déforestation. Le “progrès”, ça nous scie le tronc

Les stupéfiantes photos ci-dessous datent de la préhistoire. De la préhistoire des bûcherons nord-américains – canadiens ou états-uniens. Pour eux, oui, il y a un avant et un après la “chainsaw”, la scie à chaîne, autrement dit la tronçonneuse. A considérer ces monstres d’arbres de plus de cinq mètres de diamètre et pouvant atteindre quatre-vingts mètres de hauteur, avec une masse totale dépassant deux mille tonnes…  on comprend mieux la révolution que cette invention a pu représenter pour les bûcherons. Tandis qu’elle sonnait le début de la déforestation industrielle.

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© Collection Claude Guertin, Montréal

[dropcap]L’invention[/dropcap] de la tronçonneuse remonte à plus ou moins un siècle selon les sources. Un Allemand, Andreas Stihl, a développé et breveté une tronçonneuse en 1925. D’autres revendiquent cette paternité. En tout cas, avant cette scie mécanique, l’industrie forestière devait relever de fameux défis, surtout aux États-Unis et au Canada où poussaient les séquoias géants et qu’il fallait abattre à la main ! Ce qui relevait de l’exploit. Ce travail d’Hercule nécessitait des hommes très costauds devant manœuvrer des scies à main de plusieurs mètres. De nombreux chevaux étaient également mobilisés pendant de longues journées de travail. Car une fois l’arbre abattu, il fallait une semaine ou plus pour le découper en tronçons pouvant être transportés par train. Tronçons gigantesques dans lesquels on pouvait à l’occasion installer un bureau ou un logement après les avoir creusés, ce qui ne devait pas non plus être une mince affaire…

Ainsi l’invention de la tronçonneuse a-t-elle marqué un tournant essentiel dans l’exploitation forestière. Comme toujours, la technique s’est avancée en douce : n’allait-elle pas libérer l’Homme en allégeant sa souffrance au travail ? En fait, elle a surtout libéré l’appétit sans limites des exploitants, aujourd’hui à l’œuvre sur l’ensemble des continents, en particulier en Amazonie, en Indonésie, en Afrique où ce ne sont pas seulement des arbres qu’on abat selon des critères industriels – ceux des abattoirs, qu’il s’agisse d’arbres ou d’animaux, pour ne pas parler des génocides humains ! –, mais des formes de vie, des cultures, des populations ancestrales qui, ignorant le « progrès » ont, à leurs manières et au long de siècles, voire de millénaires, ouvragé une osmose avec leurs milieux naturels de vie. La déforestation, vaste sujet… de désolation. Question philosophique aussi, touchant la place de l’Homme dans la nature, son rôle dévastateur lié à une insatiable avidité et cupidité. Surtout depuis qu’il est devenu sapiens, l’animal humain n’a eu de cesse de perfectionner son âpreté au profit, à la compétitivité, au rendement – tous ces horribles mots inventés en même temps que le « progrès » et son corollaire, la technique.

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

7 réflexions sur “Déforestation. Le “progrès”, ça nous scie le tronc

  • faber

    Purée, cher Ponthieu, quand je vois ces géants abattus, j’y regarde à 2 fois quand je balance un morceau de bois dans mon poêle de même, dit écolo. C’est joli et ça sent bon pourtant. Et économique… tant qu’il y en a, du bois. les grandes curées sur le pétrole ou le gaz sont moins romantiques. Aura-t-on assez d’énergie pour poser la question de l’énergie ? Après moi le désert. je touche du bois.

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  • J. Dutronc

    Ah, formidables documents d’il y a à peine un siècle. A la fois une idée du progrès réel, pour le coup technique, et de ses conséquences en perte d’humanité et de naturalité.On dirait que les écolos n’ont pas su prendre le train de cette dialectique, sans doute parce qu’ils ont sombré dans la politiques, les appareils, le pouvoir, et là ils se sont fait avoir…

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  • Dominique Dréan

    Très étonnant pour moi, petit affouagiste qui peine à faire ses 40 stères alors que ceux-là en faisaient dix fois plus en un seul arbre!
    A part ça, si la déforestation industrielle a un relief particulier outre-Atlantique, nous sommes concernés aussi: la déforestation spéculative qui veut remplacer nos essences traditionnelles par des variétés à “rotation” plus rapide et la déforestation climatique qui va bientôt faire disparaitre le hêtre de nos forêts lorraines pour cause de réchauffement climatique.

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    • Certains de ces géants ont (ou avaient) plus de 3.000 ans. L’étude de leurs anneaux de croissance a permis d’apporter une correction à la datation au carbone 14.

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  • leonard

    Moi, c’est l’arbre d’à côté que j’aimerais saluer, le président pas normal de l’Uruguay. Un séquoia politique, non? Une rareté dans la zoologie des politicus. J’espère qu’on va lui mettre un Nobel de je ne sais quoi (à inventer) et le sortir de l’anonymat !

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  • Gian

    Il n’y a pas que l’Amazonie ou Sumatra… Le long des dizaines et dizaines de km du Canal du Midi, on abat à la tronçonneuse de gigantesques plananes plus que centenaires, sous prétexte qu’ils sont irrémédiablement malades du chancre coloré. Or il existe des traitements biologiques susceptibles de soigner ces piliers de nos cathédrales vertes, qui ne sont pas tous condamnés à mort par leurs poarasites. Certes, il faut être plus patient que ne le sont les lobbyistes des industriels bucherons frénétiques et autres pépiniéristes des essences de remplacement. Oscar, le chaton marseillais, a eu plus de chance que nos géants des rives languedociennes…

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