OTAGES. Du journalisme autoglorifié, à la « Star Academy » de la communication
Nuages de criquets, pingouins alignés, baigneurs amassés, stades en délire, foules menaçantes, tarmac envahi. Non, j’aime pas bien, et même vraiment pas. Rapport à l’individu, cet atome d’humanité insécable, en principe. Méfiance. Ne jamais se nier, se fondre, se perdre. Ne pas renoncer à sa liberté. A commencer par sa liberté de jugement, la seule qu’on ne puisse vraiment enfermer. Ni prendre en otage donc. J’y reviens : cet unanimisme autour de la « joie nationale », même ça je le trouve suspect, ça me gêne. Surtout parce que c’est une construction. Et une construction dont les mécanos sont encore les médias. Avec, en l’occurrence, un emballement dû à un phénomène d’autocélébration, voire d’autoglorification que je trouve indécent. Il faudrait analyser ça de plus près – Régis Debray, comme médiologue, serait intéressant à entendre à ce sujet. Ici, c’est un teigneux qui avance quelques idées.
Sur le courage dont « on » pare Chesnot et Malbrunot. Le courage du journaliste, c’est en effet d'oser aller en Irak, entre autres lieux explosifs. Mais pas d’être pris en otage, qui est un accident – certes gravissime. Dès lors, ce qu'il faut c'est de la résistance, de la confiance, de l’énergie individuelle ou/et de la foi : ils priaient trois fois par jour, a raconté Christian Chesnot ce matin sur France Inter. Le courage du journaliste c’est, en permanence, là-bas ou ici sur son « terrain », de résister à l’intox, c’est savoir ne pas s’en laisser conter. Le courage de chacun, c’est de vivre en humain. Le mot vient de cœur. L’action vient du cœur. C’est la bravoure du cœur, c’est celle de Mère Courage, cet emblématique personnage de Brecht.
Sur la confrérie journalistique. Elle m’agace comme toutes les autres, et plus encore puisque j’en suis objectivement. Mais je la refuse en tant qu’expression corporatiste. Or, c’est trop ce que je retrouve dans l’autocélébration de cette libération et ce qui s’ensuit : renforcement du mythe romanesque d’un métier tellement survalorisé ! A l’Aventurier-justicier, il faudrait tout de même opposer tous ces renoncements professionnels étouffés au fin fond des rédactions, toutes ces grandes manœuvres financières autour des médias, ces miroirs aux alouettes. Faute de quoi, les candidats journalistes se bousculent par milliers aux entrées des lieux de formation, lesquels se multiplient en proportion inverse d’un « marché » de l’emploi devenu la « Star Academy » de la communication.
Enfin (pour aujourd’hui) sur l’unanimisme national. Un écran de fumée pour masquer le vrai de la « patrie en danger » : misère, chômage, pollutions physiques et mentales. Là où le courage, le vrai, s’avère le plus défaillant.
Oui, car il est vrai que ce que Régis Debray nomme « médiologie » n’a pas de lien direct avec les médias. Il ne les exclut pas pour autant mais se refuse à les placer au centre de son propos, qu’il définit ainsi : [la médiologie]…“est avant tout une méthode d’analyse, pour comprendre le transfert dans la durée d’une information (transmission). Non un domaine spécial de connaissance (comme l’est la sociologie des médias) mais, plus largement, un mode original de connaissance, consistant à rapporter un phénomène historique aux médiations, institutionnelles et pratiques, qui l’ont rendu possible. On se conduit en médiologue chaque fois qu’on tire au jour les corrélations unissant un corpus symbolique (une religion, une doctrine, un genre artistique, une discipline, etc.), une forme d’organisation collective (une église, un parti, une école, une académie) et un système technique de communication (saisie, archivage et circulation des traces). Ou, plus simplement, quand on met en ligne un dire, la façon de le dire et qui tient à le redire.“
…en somme, « c’est pour dire »…