Un bien étrange courrier des lecteurs publié dans Ouest-France
Le patron d’Ouest-France aurait-il écrit à son journal en se faisant passer pour un lecteur ? Telle est l’infâmante question posée par le Canard enchaîné [17/08/05], et aggravée par une réponse qui ne l’est pas moins, même en tant qu’hypothèse : François-Régis Hutin aurait ciré les pompes de Villepin, dans l’intérêt bien compris de son honorable et puissant journal. Voyons cela de plus près.
Petite commune balnéaire du Morbihan, Arradon a connu début août les honneurs médiatiques élargis. Pas tant pour ses charmes propres que pour ceux d’un certain Dominique Galouzeau de Villepin, premier ministre de son état, venu y passer sa semaine de vacances. Pas de quoi déroger à l’habituel clichetonnage médiatique. Sauf que.
Tout aurait pu glisser dans la bonne routine fleur bleue si un journaliste de l’agence locale n’avait eu l’idée – a posteriori bien aventureuse – d’exercer son métier. Comme on dit, il a anticipé l’événement avec un avant-papier exprimant des réactions de citoyens lambda sur la venue annoncée de l’illustre vacancier. Réactions pas franchement gogos, ni hostiles, sans doute à l’image des habitants de cette commune plutôt de gauche.
Exemples : « On va encore être emmerdés par les accès bloqués », « Pourquoi pas, je ne pense pas que ça va changer grand-chose, mais sait-on jamais ? », « S’il vient ici, c’est qu’il a bon goût, ça lui fait un bon point, mais je ne voterai pas pour lui ». Les paroles les plus « vaches » étant : « Je m’en fiche royalement » et « Je ne savais pas, mais ça ne me fait ni chaud ni froid » – qui a donné le titre de l’article et mis « Rungis », le patron, hors de lui.
Pourquoi tant de courroux ? Parce que « FRH » est lui-même résident secondaire d’Arradon et que ça ferait malpoli de recevoir le premier ministre avec aussi peu d’égards ? Bof ! Non, l’enjeu est autre et exige, pour le moins, de la déférence. N’oublions pas qu’il s’agit du quotidien au plus fort tirage de France – et qui n’entend pas en rester là. On a plusieurs fois évoqué ici l’«imperium» d’Ouest-France – à l’image de l’invasion romaine aux buttes avec le résistant gaulois, Le Télégramme –, en particulier à propos de sa dernière conquête, en février : trois quotidiens Dassault-ex-Hersant, deux télés locales, sans parler du reste et en particulier de son partenariat financier avec le gratuit 20 minutes.
Or, ce coup d’accélérateur expansionniste est soumis à autorisation du Conseil de la concurrence, qui dépend en partie de Bercy et donc du gouvernement. Pas besoin de faire un dessin… Un dessin, non, mais plutôt un article de circonstance. Signé de deux journalistes, il paraît le 3 août, jour de l’arrivée de Villepin. Un « bon » papier bien propre – il faut laver le possible affront –, tout aussi proprement titré : «Vacances discrètes pour de Villepin » et chutant en apothéose vulgairement localière : « Loin de l’agitation parisienne, tout a été fait pour que Dominique de Villepin profite vraiment de l’une des plus belles baies du monde ».
Mais le plus beau était à venir, sous la forme d’une lettre signée d’«un lecteur d’Arradon» qui vaut son détour intégral : « Bienvenue, monsieur le Premier ministre. Bienvenue sur nos terres et notre ”petite mer" (traduction exacte du breton « mor-bihan »). Peut-être connaissez-vous déjà le golfe du Morbihan ? Sinon, nous nous réjouissons de vous voir découvrir sa douceur et sa beauté. Cette beauté qui apaise et élève l'âme. C'est ce que depuis longtemps de grands spirituels ont ressenti ici au point d'y établir leur lieu de réflexion et de prière. ( ... ) Votre présence honore notre commune. Nous sommes discrets ici et nous serons attentifs à ne pas vous importuner. ( ... ) Nous vous souhaitons un temps doux, beau et calme pour de très bonnes et réconfortantes vacances dans la Paix. »
Le Canard ajoute que « par quelques fuites de la rédaction en chef, tout un chacun, à Ouest-France, est aujourd'hui convaincu que ce pudique « lecteur d'Arradon » n'est autre que le réservé pédégé Hutin. »
Les coordonnées du fameux lecteur tiendraient lieu de démenti. Tout silence la foutrait mal pour Citizen-Breizh et son rendez-vous d’octobre.
→ Tong de presse à fleurs pour Citizen-Breizh (sous forme de "provision conservatoire", en attendant "confirmation du jugement"… qui condamenrait à la paire).
→ Dessin d’Escaro (Le Canard enchaîné).
C’est à pleurer ce courrier de François ‑Régis… « nous serons attentifs à ne pas vous importuner »
« si vous voulez qu’on vous apporte des croissants à votre réveil, sonnez-nous » « on vous souhaite un temps beau et doux, dans la Paix, et bien le bonjour à madame » « un peu de lait dans votre café ? » « oh et vous avez vu ces couleurs chatoyantes sur la baie, monsieur le prmeier ministre ? ».….