Les millions et le centime du néo-président
par Gérard Ponthieu
Certes, il n’est pas le président des pauvres. Qui l’ignorait ? Ou plutôt : qui voulait l’ignorer ? Certains des pauvres qui l’ont élu. Serait-ce que pour eux l’argent ne compte même pas ? Ils en ont si peu que le manque se trouve en eux comme implanté, incorporé, naturalisé : il y a les riches et les autres, les gros et les maigres, les Blancs et les Noirs, le Nord et le Sud, Dieu et… va savoir ! D’ailleurs, cette affaire de Malte, bof, quelle histoire pour pas grand chose !, semblent prouver l’opinion sondée (sauf la mienne).
N’empêche, le patrimoine déclaré de Nicolas Sarkozy atteint et dépasse les 2 millions d'euros, c’est publié ce vendredi au "Journal officiel" de la République française, et déposé au Conseil constitutionnel – comme qui dirait le mètre-étalon du Pavillon de Sèvres, « en platine iridié » ainsi qu’on l’apprenait dans les écoles.
Deux millions d’euros… à cette hauteur j’en appelle à la calculette : 13 119 140,00 francs. Plus de 13 millions de francs.… C’est pour aider à réaliser… Je comprends mieux que le candidat ne soit guère montré loquace sur son patrimoine. Pour un « président des pauvres » et de « la France qui souffre », ça collait mal ; ça donnait carrément dans le foutage de gueule – à moins de cotiser en proportion aux Restos du cœur ou chez Emmaüs.
Ministre, maire, président (de conseil général), actionnaire de son cabinet d’avocats et bénéficiaire de droits d’auteur, Sarkozy a déclaré pour 2004 un revenu imposable de 125.000 euros. Indication publiée dans L’Express du 12 avril et reprise dans Le Monde d’hier [10/05/07]. Calculette, svp : 125.000 euros = 820.000 francs, à quelques centimes près. De quoi se retourner.
Ce patrimoine, dira-t-on, ça ne représente jamais qu’un quart du parachute doré de Forgeard (8,5 millions d'euros encaissés à son départ d'EADS). Il est vrai… D’ailleurs le nouveau président l’avait pris en grippe – le vilain canard, le fautif qui tombait bien mal, en pleine campagne électorale – et dénoncé au titre de « patron voyou ». Il est vrai…
La question qui m’a toujours taraudé : Pourquoi un riche n’est-il jamais assez riche ? Ou encore : pourquoi un riche se comporte toujours (que les exceptions lèvent le doigt) en radin, ignorant le partage, la générosité, le don ? « J’ai envie de gagner de l’argent » a déclaré Sarkozy, qui aime comparer ministres et chefs d’entreprise : « Si un homme politique est efficace, je ne vois pas pourquoi il devrait vivre en plus modestement. » Ainsi s’affirme dans sa splendeur « moderne » la droite « décomplexée », qui va pouvoir, comme le dénonçait déjà La Fontaine, s’adonner à « la passion d’entasser ». Le bonheur de se goinfrer sans la moindre gêne d’ordre moral ou autre, sans la moindre culpabilité. Sans même craindre la contradiction, comme le soir-même de l’élection, de sortir un couplet sur le Protocole de Kyoto en direction des Etats-Unis, juste avant de s’envoler en jet privé pour rejoindre un super 4x4 flottant, même pas un voilier genre parvenu en quête de raffinement…, non, l’engin-m’as-tu-vu de milliardaire à faire rêver les beaufs à Saint-Tropez.
J’ai le même modèle « à la maison », je veux dire dans ma cité, enfin un modèle réduit, un pote à lui et à Madelin, qui dirige la commune comme une entreprise. Tout comme en rêvent ces ultra-libéraux qui, du Texas au fin fond de l’Oural et de la Pologne – et de la Chine avec – qui n’auront de cesse de transformer en « boîtes à profit », écoles, musées, hôpitaux, prisons, chemins de fer, centrales énergétiques et, bien sûr, les télévisions du monde enfin libérées de tout « complexe » sur le devoir d’informer !
Ainsi donc mon maire qui, de surcroît, se targue d’écologie…, qui débroussaille à tout va, installe des panneaux solaires sur le toit de sa mairie, mais se pavane en 4x4, à l’image de son mentor de président sur la « Paloma » du milliardaire Bolloré.
Mais diront-ils l’un et l’autre, ce luxe nous regarde, que diantre, et d’ailleurs – dixit le néo-président – « il ne coûte pas un centime au contribuable » ! Ainsi causent les boutiquiers dont l’idéal trébuche sur la monnaie sonnante. En payant – et encore : paient-ils et de quelle poche ? –, ils se donnent ainsi tous les droits, c’est-à-dire les droits de tout acheter – puisque tout se monnaie. Au diable les idéaux, la justice, l’harmonie sociale. Ils sont les Seigneurs et même peut-être les derniers de ces Mohicans-là. Au diable ces vieilleries de complexés. Soyons modernes, si follement modernes !
C’est pas l’abbé Pierre qu’est sorti des urnes certes ! le Sarko a bien pigé que le rêve du pauvre est de devenir riche ! Faut montrer l’exemple ! Du haut de ses millions, d’un yacht ou d’un jet privé, il va jeter quelques cacahouètes vers les veaux ainsi nommés par le Grand Charles ! Putain de Pauvres ! La coiffeuse du village qui se plaint de payer un loyer de 400 euros s’est offert un 4X4 ! Au moins, de ce côté, c’est fait dit-elle ! En précisant bien qu’elle roule a 90 sur l’autoroute car ça bouffe ces bêtes là c’est incroyable ! Que même, elle passe même plus dessous la barrière du CORA, obligée de faire le grand tour dis donc ! J’imagine même pas le mec qui vient en yacht. Houlala ! Qu’on se rassure, l’argent ne fait pas le bonheur, il fait seulement les présidents !