Camembert et ciné. La politique est bien dans le fromage
Dimanche. Je me disais que le Président avait déjà bouffé les trois quarts de son camembert, comme ça connement. Comme un gagnant au loto qui a tout claqué et qu’on retrouve pendu un matin, criblé de dettes. À 26% de « popularité » selon les sondages, il bat un record. Je me disais ça et je tombe sur la page « lecteurs » du Monde [26/9/10], entièrement consacrée au « président contesté ». C’est une volée de bois vert comme je n’ai pas souvenir d’en avoir vu après avoir usé quelques présidents et m’être aussi usé les mirettes sur bien des gazettes.
Sans parler des blagues en tous genres qui parcourent la toile [merci Claude G.]– ce à quoi ses prédécesseurs ont échappé par absence technique, il est vrai – et constituent un sévère indicateur de la déconsidération pour ce personnage et la fonction attenante. Seul Berlusconi peut s’aligner – et encore parvient-il à faire illusion en Italie même. Mais reconnaissons au nôtre un mérite, un vrai. D’avoir été celui par qui la droite française aura reconquis son titre de gloire : la plus bête du monde.
Dimanche ou un autre jour… Je le vois à la télé, au salon de l’auto où, doigt pointé au ciel – écoutez-moi bien ! – grave, sentencieux, menaçant presque, il donne la leçon, pour ne pas dire la fessée, aux représentants de l’industrie de la bagnole, leur déclarant en substance : ne comptez plus sur les aides de l’État si c’est pour aller fabriquer vos autos à l’étranger. Tu parles, Charles, cause toujours mon amour ! Renault venait d’annoncer qu’une voiture fabriquée en Roumanie lui revenait 2 000 euros moins chère ! Il n’a pas dû oser annoncer la version chinoise du gain réalisé.
Dimanche, j’en suis sûr. « Marius et Jeannette » sur Arte. Génial film, si généreux donc utopiste. Vu et revu, je tente un autre mélo, au ciné cette fois. Je dis « mélo » exprès parce que je lis ça dans la critique de Télérama. Eux, ils dézinguent à tout va, spécialement contre mes films préférés (le dernier d’Alain Corneau par exemple, Crime d’amour). Au mieux dans le pire, ils donnent deux avis, un pour un contre. C’est leur droit, et suis pas obligé ni de les lire ni d’en tenir compte. On est en république – enfin, je m’avance, voir ci-dessus. De toutes façons, en général, je ne lis les critiques qu’après coup.
Bref, je suis allé voir Amore, que le ‘tit bonhomme du Télérama estime « pas mal » (double négation), ce qui lui vaut vingt lignes. Moi, je lui mets au minimum « bien » sinon « bravo ». Non pas bravo tout de même à cause de la musique (mélo-die) parfois lourdingue dans la redondance, tout comme l’est la scène d’amour – centrale, d’où le titre – à la fois sublime et un peu ratée dans le parallèle appuyé entre l’éveil des sens et l’éveil de la « nature », fleurettes et petites bébêtes. Il s’en serait fallu de peu, juste un léger coup de ciseau. Mais qu’il a été con d’appuyer ainsi sur la chanterelle, ce Luca Guadagnino qui, pourtant, sait filmer, vingt dieux.
Et justement son style, c’est quelque chose ! Rythme, montage, photo, éclairage… Y a du Visconti là-dedans, et aussi du Coppola. La lumière est superbe, alliage du noir des contre-jours (les visages masqués) et du plein pot solaire des extérieurs ; bataille des inconscients et des refoulement contre le surgissement des pulsions. Une forme ne saurait suffire. Le fond aussi est bon : le mélo de la vie – toute vie n’est-elle pas, peu ou prou, un mélo-drame, à doses variable de mélodie et de drame ? –, version grande bourgeoisie milanaise, aristocratie de l’industrie textile qu’on voit basculer dans le chaudron mondialisé. Terrain de prédilection pour le couple Pinçon (« Le Président des riches », qui vient de sortir), tout l’inverse de Marius et Jeannette à l’Estaque… Emma (clin d’œil à la Bovary) compte dans le tableau en tant que pièce rapportée (de Russie), surtout vouée à ses trois enfants. Lesquels pourraient représenter trois états de la jeunesse : conformiste, romantique, rebelle (la fille, lesbienne). Survient l’imprévu annoncé dès le titre (Io sono l’amore en italien, je suis l’amour ), l’aventure, le drame comme sanction de la faute – la papauté veille au grain – et une apothéose en mater dolorosa. Oui oui, c’est un mélo. Mais que c’est beau !
Lundi. Arte, mélo toujours mais cubain : Fraise et chocolat. Le film a fait un tabac dans l’île des Castro. On se demande comment il a échappé à la censure (sorti en 1991). Il s’agit moins d’un film sur l’homosexualité que sur la dissidence en milieu hautement contraint de la dictature. Dans le machisme dominant, l’homo cumule les tares du contre-révolutionnaire. Le pédé, c’est donc la version gay du gusano – ce traître de ver rampant.
L’histoire tourne autour de trois personnages centraux qui suffisent à décrire le quotidien de la vie à La Havane, sans tomber dans le panneau directement dénonciateur (censure obligerait). Je tiens Fraise et chocolat pour un film sexo-politique, d’autant qu’il traite, en fait, de la fraternité. C’est un hymne à la fraternité avec une scène finale pour le moins émotionnelle. En quoi il est révolutionnaire dans un régime qui a fait du mot Révolution son fond de commerce – le mot et surtout pas la chose –, ce dont il devra bien rendre compte devant l’Histoire. Ce film y contribue, tout comme l’ont fait d’admirables écrivains dissidents comme Reinaldo Arenas (Avant la nuit), Pedro Juan Guttiérez (Trilogie sale à La Havane), et avant eux le très grand José Lezama Lima (Paradiso) à qui Fraise et chocolat rend un hommage direct.
Post scriptum, et toujours à propos de fromage, ce mardi voit tomber la condamnation du trader-vedette Kerviel. Le plus marrant, c'est tout de même qu'on lui réclame sans rire presque 5 milliards d'euros ! Question : comment va-t-il s'y prendre sans se faire prendre à nouveau pour payer sa dette à la société, en général ? Il a trois ans devant lui pour trouver la martingale.
Sympa ton tour d’horizon cher Ponthieu. Rapport au Kerviel,les dernières niouses indiquent qu’il ne payera pas mais que la SG lui prendra ses droits d’auteur sur un bouquin à venir, film aussi (encore un étron français), peut-être une revue au Lido va t’en savoir. Rapport au cinoche, c’est comme le Morel, je capitule. Ah j’insiste. le Morel cet été avec ses sous-merdes sonores à la Tati. J’aime trop Tati justement. Et j’aime trop le cinéma pour aller voir les daubes actuelles. C’est le début de la vieillure. Me suis régalé tout de même de la Mouchette du Robert Bresson y a quelques jours, de la mouche de « jour de fête aussi » et, particulièrement de bon poil ce soir, je conseillerais – another day in paradise du Larry Clark – par exemple, presque récent de 1997 et d’une modernité intacte et sans mouche. Dernier machin vu au cinoche – mammouth – lourd, très très lourd. J’attends le prochain Antonioni, Fellini, Melville, Dreyer ou Jarmusch, Wenders étant jeune et encore, j’attends en faisant mon cinéma et en mangeant du fromache.
La contrepèterie comme un des beaux arts…Il manque juste l’odeur pour que tout soit dit.
Kerviel 5 ans – compte tenu du sursis – et autant de milliards (Même la Société Générale reconnaît implicitement l’énormité de la chose en disant que c’est une page tournée).
Il y a quand même une justice Courroye (de transmission) a requis le non lieu pour Chirac.
Salut Gérard ! Tiens, il circule bien, ce fromage. Je l’avais reçu le 23 septembre et aussitôt mis en ligne sur mon blog.
Au fait, qu’en penses-tu de ce blog ?
En fin de semaine dernière il y a eu sur Arte des films sympas en rapport avec la Turquie, notamment « Takva, l’homme qui craint Dieu ».
Et j’ai aussi regardé « Fraise et chocolat », je suis bien d’accord avec ce que tu en dis.
A propos de gros sous, le fiston Noah gagne un million d’euros par mois…
Gérard, je te l’ai confessé un de ces derniers lundis sous le tilleul de Venelles, je suis de Pont l’Abbé comme Jérôme Kerviel, et j’assume totalement ma solidarité auprès de ce lampiste que la haute finance a choisi comme bouc émissaire.
Une suggestion pour aider mon « pays » à rembourser ses cinq milliards d’Euros.…
Que tous les Roms expulsés après avoir injustement bénéficié des privilèges de notre bon pays, participent au remboursement à la SG en lui reversant la manne de 300 Euros qui leurs sont gracieusement octroyés pour leur retour en Roumanie !
Trêve de plaisanterie, trois années de détention pour avoir trop bien compris les failles du système financier mondial, c’est bien cher payé, par rapport aux peines infligées aux vrais manipulateurs du système qui quittent les entreprises avec des parachutes dorés, comme l’ancien N°1 de la SG, Daniel Bouton.
Comment faire confiance à notre justice qui distribue ainsi des peines invraisemblables pour faire plaisir à notre président ?
Autre hypothèse, l’excès de ce jugement serait de la part du juge une action pour faire réagir la société française.
Et dans ce cas, qu’allons nous faire, individuellement ?
La question de fond(s) n’est-elle pas : mais dans quelle(s) poche(s) est tombé tout ce pognon ? Ce qui permettrait de causer vraiment remboursement…
…Et pourquoi pas prochainement à Pont l’Abbé un festival international de la crêpe au sucre : « pour chaque crêpe vendue 1 euro, 30 cts pour Jérôme K. »…« venez vous aussi vous sucrer et toucher la galette ! allez on en profite !! »
Pour répondre à Gérard,
l’argent étant une notion virtuelle, ne se trouve dans aucune poche, mais dans des comptes d’ordinateurs, sous forme de 0 et de 1. On ne manquera jamais d’argent puisque c’est un objet virtuel que nos financiers préférés créent à partir de rien. Quand il a fallut sauver les banques de la banqueroute, nos politiciens ont su créer des centaines de milliards de dollars qu’ils n’avaient pas.
Il n’en est pas de même des objets réels que sont les biens que nous procure notre planète Terre, et qui eux sont bien limités, d’où une nécessaire fraternité pour que chaque être humain en dispose pour vivre décemment.
Que Didson se rassure, il n’aura pas à manger des crêpes jusqu’à la fin de sa vie pour aider au remboursement de la Société Générale. Celle ci n’en a absolument pas besoin pour se goinfrer sur le marché financier.
Reste tout de même les trois ans de prison, sans sursis, pour un salarié qui a outrepassé ses prérogatives certes, mais qui n’a fait de mal à personne, si ce n’est à ceux qui contemplent leurs avoirs virtuels en capital sur les ordinateurs de la SG .……
Combien d’années de prison , sans sursis également, aurait un patron responsable de la mort d’un salarié du fait de ses entourloupes au droit du travail ?
C’est notre société actuelle.….….…..
Tu as raison Denis et les faits le confirment : la Société générale venant de récupérer (ciel, où avaient-ils la tête ?!) 1,7 milliard d’euros sur les 4,9 milliards « envolés ». On voit bien toute la virtualité, la virtuosité, la viscosité, etc, des pompes à finances modernes. Formidable époque.