Tunisie. Fortes tensions sociales et brutalités policières
La Tunisie est en proie à de graves tensions sociales provoquant des manifestations et une répression policière des plus brutales. Un récit nous en est fourni par la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), qui regroupe en France des Tunisiens opposés au régime de Ben Ali. De son côté, la télévision quatarie El Jazira a largement rendu compte de ces événements comme le montre l'extrait ci-dessous/
"Le mouvement de protestation s'est déclenché à Sidi Bouzid le vendredi 17 décembre après qu'un jeune chômeur, vendeur ambulant de fruits et légumes, s’est immolé par le feu. Il venait d'être délogé du trottoir par des policiers. Ainsi a-t-il voulu signifier qu’il ne lui restait aucun espoir pour vivre dans la Tunisie des « miracles » économiques, dont le résultat est un chômage endémique qui touche aujourd’hui en particulier la jeunesse, sans épargner aucunement les titulaires d’un diplôme supérieur.
"A partir de ce moment, ce sont d’importantes manifestations de jeunes chômeurs, de précaires et de travailleurs qui sont descendues dans la rue. De nombreuses villes des alentours de Sidi Bouzid ont rejoint le mouvement dans un premier temps, puis des villes du nord au sud du pays jusque la capitale, Tunis, ont donné à ce mouvement un caractère de ras-le-bol généralisé contre le chômage, la cherté de la vie, la corruption, l’injustice des politiques sociales et économiques qui s’est étendue à toutes les régions de la Tunisie. Les slogans les plus répandus y mettent en cause directement les choix politiques fondamentaux du pouvoir et de l’administration.
"Le régime tunisien dans une attitude caractérisée par l’autisme a refusé d’entendre ces cris de désespoir. Sa seule réponse à ce mouvement pacifique dans un premier temps a été l’utilisation des forces de répression. Il en est résulté la mort par balles d’un jeune de 18 ans, et de nombreux blessés.
"Le président Ben Ali s’est adressé à la population, ce mardi 28 décembre, reconnaissant pour la première fois la gravité de la crise et des souffrances qui frappent les couches les plus larges de la population. La manière inédite qu'il a choisie pour répondre aux évènements montre clairement que l'ampleur du mouvement ébranle sérieusement le pouvoir. Pourtant, aucune mesure concrète et crédible n'y est annoncée, et – surtout – le Président y formule des mises en garde claires contre les "manipulateurs", les "mercenaires" et les "médias étrangers" qui seraient à l'origine des troubles. L'élément le plus concret de son discours est une menace inquiétante et à peine voilée aux journalistes et à la presse indépendante, aux associatifs, syndicalistes et militants politiques autonomes engagées dans le soutien à la population.
"Les arrestations se sont ensuite multipliées. A l’issue d’un sit-in des avocats à Tunis, maîtres Raouf El Ayadi et Chouki Belaïd ont été arrêtés, dans la soirée du mardi 28 décembre avant d’être libérés ce mercredi matin. Ammar Amroussia, porte parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) et correspondant du site albadil.org, a été arrêté ce matin à Gafsa pour ses publications et ses déclarations dès le début de ce mouvement de colère des déshérités ; ainsi qu’Attia Athmouni, porte-parole du comité de soutien de Sidi Bouzid et membre du PDP et le journaliste Mouldi Zouabi.
"Les autorités tunisiennes n'ont pas hésité comme à l'accoutumée à fermer les derniers espaces de liberté de la presse en empêchant la distribution des seuls journaux indépendant : Attariq Aljadid et El Mawkef et en menant une campagne de dénigrement contre la chaine d'El Jazira qui a couvert les évènements et organisé des débats contradictoires incluant un ministre en exercice.
"Ce mouvement contestataire est soutenu par de nombreux Tunisiennes et Tunisiens, par les partis politiques indépendants du pouvoir, par les associations démocratiques. Des avocats ont organisé des rassemblements de soutien dans plusieurs villes."
Triste nouvelle : le jeune chômeur, vendeur ambulant, qui s’était immolé par le feu est mort aujourd’hui.
« Cinq mille personnes ont assisté aux funérailles, le 5 janvier, du jeune Tunisien qui s’était immolé par le feu le 17 décembre à Sidi Bouzid. L’effervescence persiste en Tunisie, notamment dans le centre-ouest. Les avocats ont fait grève le 6 janvier pour protester contre les mauvais traitements dont ils sont l’objet de la part de la police. Ce mécontentement traduit les nombreux échecs du régime et met en lumière les défis auxquels il est confronté. » [Source : Le Monde diplomatique.]
J’écoutais à l’instant Nicolas Beau (Bakchich), interrogé sur France-cu, qui soulignait le rôle d’Internet dans la prise de conscience politique en Tunisie, notamment de Wikileaks qui a publié les appréciations américaines sur cet « Etat mafieux ».
Interventions de la police dans les lycées (et pas pour faire du préventif!), nouvelles tentatives de suicide de jeunes…C’est la nouvelle actualité. Quid de l’avenir ?
Leïla Trabelsi, la femme de Ben Ali possède « un rôle d’influence considérable », et Beau lui a consacré un livre, « La régente de Carthage » ». On dit qu’elle pourrait succéder à son mari, au moins par homme de paille interposé.
En cherchant à vérifier des noms, je tombe sur cette intéressante transcription d’un tchat – précisément avec Nicolas Beau – dans Libé. Ca date d’octobre dernier, mais c’est édifiant…
http://www.liberation.fr/monde/1201205-tunisie-ben-ali-en-route-vers-une-nouvelle-reelection-a-90