Tunisie. De l’inconvénient d’avoir raté le train de la révolution
La révolution comme un coup de foudre. Ne pas s’y brûler les ailes. S’être prémuni de ses illusions pour en jouir au bon moment. Et puis passer à la durée, au dur désir de durer. Je parle bien sûr de la Tunisie qui aura surpris tout un chacun. Qui en aura dépité quelques autres, certes. Comme notre grand oracle du FMI prédisant le plus bel avenir au royaume de Ben Ali tout en rêvant de gouverner le pays France. Mauvaise pioche. En quoi il ne suffit pas d’avoir des airs inspirés pour être super analyste. Car ces gens, que savent-ils de la souffrance des peuples ? Rien.
Je pense aussi, bien sûr, à notre petit empereur d’opérette, même pas comique, lamentable, recevant les clés de la ville de Tunis et ne tarissant de facéties élogieuses à l’adresse de son émir ami.
Je pense à la ci-devant Michèle Alliot-Marie dite « MAM », des affaires si étrangères, tout emperruquée et si empressée de secourir – selon le « savoir-faire » des agents de notre République – son monarque étranger dans la débine. Je pense donc aux Juppé et Fillon condamnés à soutenir leur brebis égarée au quai d’Orsay.
Je pense aussi au Mitterrand, l’autre, estimant – le 9 janvier 2011 – en touriste de la culture, que “Dire [de la] Tunisie [qu’elle] est une dictature univoque me paraît tout à fait exagéré“.
Je ne saurais oublier le bon Jacques Chirac, président de notre même République, manquant en 2003 d’étouffer son ami Ben, qui il étreint d'une vigoureuse accolade, avant de déclarer : “Le premier des droits de l’homme est de manger, d’être soigné et de recevoir une éducation. De ce point de vue, il faut bien reconnaître que la Tunisie est très en avance”.
Soulevant le couvercle de gauche, ce n’est guère plus reluisant : Lors d’une visite en Tunisie en juin 1989, François Mitterrand faisait état des progrès de la démocratie… En août 1997 (cohabitation avec Chirac), Lionel Jospin et son ministre des affaires étrangères d’alors, Hubert Védrine, sont sur la même longueur d’onde pour éviter l'épineuse question des droits de l'homme avec Ben Ali lors de sa visite officielle en France…
L’an dernier, le 24 mars 2010, le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë atteste que la Tunisie « est non seulement sur la bonne voie, mais elle réussit mieux que les pays comparables et parfois même mieux que des pays dits développés en terme de croissance. » « Le Président Ben Ali en 1987 a permis qu’il y ait une évolution, une transition sans rupture et sans qu’il n’y ait de heurts entre les Tunisiens eux-mêmes », osait-t-il renchérir.
On peut retrouver ce florilège – avec d’autres pépites du genre – sur le Ben Ali Wall of Shame (Le mur de la honte de Ben Ali).
Je ne saurais toutefois évoquer ce florilège révolutionnaire sans l'enrubanner d'une pensée particulière destinée au quotidien Le Monde, diffuseur patenté des révélations de Wikileaks qui a attendu jusqu’au 18 janvier pour diffuser sous le titre « Les prédateurs du clan Ben Ali vus par les diplomates américains », « plusieurs télégrammes [qui] étayent l’emprise de la famille sur l’économie ». [Soit dit en passant, on peut pour les mêmes raisons s’étonner – le mot est faible – que le journal « de référence » n’aient toujours pas publié les notes de Wikileaks sur Israël.]
En fait, tout cela est bien "normal". Aucun de ces acteurs politiciens ne saurait prétendre à un quelconque brevet de révolutionnaire – qui le pourrait d'ailleurs, sinon ceux que l'Histoire retiendra ? Leur faute aura seulement porté sur un manque d'opportunisme, cette prudence chafouine propre aux "grands hommes", cette élasticité caoutchouteuse grâce à laquelle ils peuvent si bien "rebondir".
Bien dit, le Ponthieu ! Mais qu’elle est rance cette vieille politique. Ça pue le renfermé dans les caboches de nos gouvernants. On n’a rien vu venir qu’ils disent. Et les milliers d’agents, d’espions, d’observateurs, d’ambassadeurs et autres endormis, ils ont rien vu venir les mecs. Ne voient-ils pas que ce monde, leur monde pourri est à l’agonie ? C’est fini vos trucs disait léo Ferré. On oserait presqu’y croire en voyant ces Tunisiens debout, indignés, dignes enfin !
bien vu Gérard pour les autistes de service. Il y a les hommes politiques certes mais que dire de tous ces toutous qui, pendant plus de 20 ans, ont fait de cette terre assez banale une destination de rêve pour “bronzer autiste”.
L’industrie du rêve continue d’ailleurs à prospérer. Selon le magazine hollywoodien Variety (http://www.variety.com/article/VR1118030426?refCatId=19&query=Annaud), le réalisateur J‑J Annaud n’a du arrêter son tournage en Tunisie que deux jours… les assureurs font ouf. Le film “Black Gold” est, ne rions pas, un drame sur les relations entre le pétrole et l’islam ! En vedette Antonio Banderas, the show must go on…