"Organisation rationnelle et cynique de la misère". Bon sang, mais c'est bien sûr ! En écoutant aujourd'hui [24/6/11] le journal d'Antoine Mercier, à 12h.30 sur France-Culture, j'ai bondi en entendant cette formule de Marie-José Mondzain*. Je me suis demandé pourquoi aucun journaliste, éditorialiste, chroniqueur, grand reporter, observateur averti, ne l'a employée jusqu'alors. Elle commentait deux infos chaudes: la fermeture du refuge pour femmes du Samu social à Paris - faute de crédits - et les plans d'austérité en Grèce, mais elle avait évidemment en tête bien d'autres symptomes du merdier ambiant. Comme je pense que ton blog est un lieu de partage de qualité, je livre une transcription de ce commentaire à ceux qui le fréquentent. c'est bien sûr une improvisation orale que Mme Mondzain aurait sans doute amendée si elle devait la publier, mais la force de l'idée demeure bien présente: au-delà de notre indignation il faut voir l'indignité d'une humanité mise en coupe réglée. Une indignité que nous partageons tous.
Dominique Dréan
Marie-José Mondzain : "J'ai l'impression d'une organisation rationnelle et cynique de plus en plus grande de la misère de ceux qui vivent et qui n’arrivent plus à vivre, que ce soit près de nous ou plus loin, mais la Grèce, ça n’est pas si loin.
"Cette organisation rationnelle et cynique de la misère provoque ces rassemblements de ceux qu’on appelle « les indignés » et je sais que ce mot fait fureur, d’une certaine façon, dans la mesure ou le grand et admirable Stéphane Hessel, sous le titre de l’indignation rassemblait le plus grand nombre, au-delà des frontières, pour dire quelque chose du caractère intolérable de la situation.
"Alors, je voudrais, malgré tout, au sujet des indignés comme de l’indignation, dire que [cela…] me semble aujourd’hui une expérience relativement limitée dans la mesure où cette indignation est un régime d’expression affectif et moral qui apaise d’une certaine façon la conscience des citoyens qui, partageant une indignation, croient qu’ils sont déjà dans une mobilisation politique.
"Je pense que cette indignation est un voile pudique, comme expérience morale et affective, de quelque chose qui me paraît beaucoup plus radical et qui est l’indignité. Nous ne partageons pas seulement l’indignation, nous devons savoir que nous partageons aussi l’indignité, c'est-à-dire la perte du droit au respect, à la parole et à la liberté. Donc ce n’est pas en tant qu’indignée que je parle là : c’est pour dire que je partage l’indignité et pour dire surtout qu’on se rende compte de l’indignité silencieuse, sans bruit, sans possibilité expressive, de ceux qui sont sans voix, sans abri, sans parole, coupés de leur langue, de leur pays…
"Donc il y a là quelque chose de radical qui est la seule façon, face à l’indignité, de se dire que ce que l’on attend n’est pas un réveil des consciences mais un réveil de l’action politique. L’indignation ne suffit pas à mobiliser politiquement. […] La mobilisation politique ne peut pas se contenter de l’apaisement d’une indignation partagée. Il faut partager une indignité.
Antoine Mercier : « Vous parlez d’organisation rationnelle et cynique de la misère. On peut imaginer qu’elle est cynique, mais rationnelle… »
Marie-José Mondzain : "Elle est rationnelle, oui, parce qu’elle a ses justifications comptables, elle a ses justifications financières, elle a ses experts économiques et elle a la rationalité des profits. Il y a une légitimité qui s’établit dans la rationalité-même du capital et du capitalisme néo libéral et sa violence, et qui est soutenu par une science économique, des experts économiques, des soucis d’équilibre comptable et là on est dans une rationalité.
Non pas que l’indignité soit irrationnelle, mais c’est une autre rationalité."
Rationalisé, normalisé et … banalisé ?
Pour voir un peu cet aspect : combien d’emplois seraient supprimés (in fonction publique et associations à finalités sociales) si l’économie de la concurrence ne fabriquait plus de gens à assister ?
La perte d’autonomie est le premier facteur de l’indignité (personne ne souhaite recevoir des aides publiques).
Tout le monde cherche à vivre et chacun en préservant sa dignité personnelle.
Mais alors pourquoi faudrait-il continuer à réserver au seul »salariat » le moyen d’y parvenir ?
D’autant plus que le travail moderne a perdu son sens d’œuvre (cf. H. Arendt) et n’est plus qu’une sorte de jungle dans laquelle il faut aller chercher son pain.
Restant indigné de la passivité (encore largement apparente ?) des »esprits » et le manque d’imagination qui semble bien caractériser notre époque bloquée dans les instruments mis en place ???
Pour changer, faudra-t-il encore attendre le »barbare ?
Le mot indignation (comme l’espérance), doit faire bouger Cioran :
<>
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Quel cri superbe ! Bravo de relever cette digne indignation !
Rationalisé, normalisé et … banalisé ?
Pour voir un peu cet aspect : combien d’emplois seraient supprimés (in fonction publique et associations à finalités sociales) si l’économie de la concurrence ne fabriquait plus de gens à assister ?
La perte d’autonomie est le premier facteur de l’indignité (personne ne souhaite recevoir des aides publiques).
Tout le monde cherche à vivre et chacun en préservant sa dignité personnelle.
Mais alors pourquoi faudrait-il continuer à réserver au seul »salariat » le moyen d’y parvenir ?
D’autant plus que le travail moderne a perdu son sens d’œuvre (cf. H. Arendt) et n’est plus qu’une sorte de jungle dans laquelle il faut aller chercher son pain.
Restant indigné de la passivité (encore largement apparente ?) des »esprits » et le manque d’imagination qui semble bien caractériser notre époque bloquée dans les instruments mis en place ???
Pour changer, faudra-t-il encore attendre le »barbare ?
Le mot indignation (comme l’espérance), doit faire bouger Cioran :
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