« A Touch of Sin ». Quand la Chine explosera
Un grand film : A Touch of Sin, du Chinois Jia Zhanh-Ke – va falloir apprendre le mandarin, au moins comme l’anglais, à l’à-peu-près. Où l’on comprend que la Chine aussi est mal barrée, tout comme le monde, et accessoirement la France. Pris qu’ils sont dans la frénésie productiviste et consommatoire, les Chinois n’ont mis que quelques décennies à sauter dans le précipice du « Progrès ». Mao se déplace en Falcon pour effectuer, mieux et plus vite, le Grand bond en avant dans le capitalisme de choc. La Chine perd son âme dans la religion du rendement, du cynisme, de la corruption. Donc de la violence de plus en plus sauvage. C’est le sujet du film.
[dropcap]Quatre[/dropcap] tableaux comme les quatre saisons d’un nouveau climat, terrifiant. La Chine, désormais, produit aussi des tomates hors-sol, calibrées et insipides ; sa campagne va s’agglutiner aux monstruosités urbaines (j’apprends par Télérama que six périphériques entourent Pékin, qui grossit chaque année de 250.000 voitures !) ; sa jeunesse « fout le camp », absorbée par les modes et les codes occidentaux ; le béton bouffe la terre, les paysages, les hommes, avilis par le pognon et la sexualité marchande. De même, les animaux souffrent, sont exploités, torturés – cette scène terrible du cheval fourbu et battu sauvagement, qui fait penser à Nietzsche et au Cheval de Turin [Pourquoi Nietzsche aujourd’hui ?].
Les ultimes et dérisoires résistants apparaissent sur une estrade de comédiens-forains jouant dans la rue une scène d’opéra traditionnel. Évidemment, si le seul traitement possible de cette gangrène est la révolte individuelle à coups de fusil, de pistolet, de couteau, de suicide… on ne donne pas cher de l’avenir du monde dit civilisé. Ce Soupçon de péché bute sur un réalisme nourri de pessimisme. Le Titanic d’aujourd’hui est un de ces porte-conteneurs géants [Voir mon reportage de 2006 à bord du « Debussy » : Sale temps, mondialisation : Et vogue le cargo] que n’effarouchent plus les icebergs (ils auront tous fondu !) et qui, à chacune de leurs escales débarquent l’imparable camelote d’un monde en train de crever la gueule ouverte. Alors, l’espoir…
Un goût de Tarantino made in China, le message politique en plus. Le film n'est toujours pas sorti en Chine… Les DVD y circulent pourtant et la popularité du réalisateur y est très forte.