Jean-Pierre, mon frère
Jean-Pierre, mon frère aimé est mort hier soir à l'hôpital de Perpignan. La mort, cycle final de la vie, sa négation, son non-sens. J’hésite encore à l’écrire ici, au risque de l’impudeur. Eh quoi, je déplore à maintes occasions la disparition de musiciens, de copains, de gens connus, plus ou moins célèbres… et je ne dirais rien de celle-là alors qu’il s’agit de mon frère ?
Né le 19 septembre 1934 (79 ans), Jean-Pierre avait onze ans à la fin de l'horrible guerre. Son enfance fut marquée, dans notre village familial de Picardie flanquée d'une DCA allemande, par les alertes, les descentes à la cave, les bombardements. Notre sœur Ginette peut encore en témoigner, elle qui en subit aussi de grandes frayeurs; tandis que moi-même (né en août 44) n'en perçut probablement que des chocs auditifs.
Vint ensuite le temps de la reconstruction du pays ravagé et ce qu'on appellera pompeusement les"Trente glorieuses" – du moins pour les affaires. Mais pour le jeune homme à peine sorti de l'adolescence, ce sera l'enrôlement dans une autre guerre, celle d'Algérie. Vingt-quatre mois près d'Alger, à Maison-Blanche, l'aéroport militaire. Puis envoi à Colomb-Béchar, vers le sud, frontière du Maroc. Deuxième classe d'un bout à l'autre, échappant aux combats directs, mais soumis au stress permanent. Une période dont mon frère parlait peu, comme beaucoup de cette génération sacrifiée aux "grandes causes" coloniales.
La vie normale reprit ses droits et obligations, dans l'euphorie relative de la consommation débridée. Électricien comme notre père, Jean-Pierre se retrouva technicien à France-Télécom jusqu'à la retraite, qu'il prit plein sud, à Perpignan, où il vécut de belles années entouré de nombreux amis, aimé de Luce, de leurs enfants Jean-Luc et Laurence, et quatre petits-enfants, Margot, Axel, Galla,, Hugo-Louis.
Ces quelques mots, donc, pour graver le souvenir, défier la mort, ou simplement la dépasser en l’admettant, parce qu’elle est réalité, inexplicable, inexcusable. J’use donc des mots et de ma petite tribune, tournée vers ceux que je sais ouverts à la compréhension des fameuses « choses de la vie », si complexes.
La mort de l’Autre, plus encore la mort d’un être proche, rappelle à sa propre mort, oblige au recueillement sur sa propre condition de simple mortel, sur la brièveté de la vie et l’impérieuse obligation de ne pas la gaspiller. Ce qui est aussi un art, autrement difficile.
Car le temps s’envole, sans retour. À moins d’en appeler à l’au-delà. Tandis que la simple philosophie peut suffire à dépasser le mystère que condense avec force cette interrogation sous forme de haïku japonais : « Je ne sais pourquoi j’aime ce monde dans lequel nous sommes venus mourir ».
Jean-Pierre, mon grand frère, adieu va ! Je ne serais pas ce que je suis sans toi, sans nos vécus communs, nos joies et peines. Celles, aussi, de la mort de nos parents. Et voilà que tu es parti, toi aussi.
Des mots, de la poésie, de la musique. Voici une chanson belle et profonde, pour toi, pour chacun :
[audio:http://ponthieu.net/c-pour-dire/wp-content/1audio/06-D-une-Mort-Douce.mp3|titles=Bernard Haillant|autostart=no]
Mon amitié, mon cher Gérard. Pour ce seul temps présent qui est le nôtre. Je t’embrasse.
Daniel.
Bel hommage fraternel, mon vieil ami …
Je t’embrasse.
Beaucoup d’émotions dans ce texte…
Sincères condoléances mon ami…
Bien sûr, il fallait en parler ! Surtout de cette façon. Oui, c’est un grand mystère, ces vies qui s’achèvent sans plus de raison qu’elles n’ont commencé. Sais-tu que parfois je culpabilise en voyant mes enfants – heureux pourtant – en me demandant de quel droit je les ai « mis au monde » sachant que je les condamnais à cette fin inéluctable dont on ne peut deviner la forme, douce ou épouvantable.
Je pense aussi aujourd’hui à tous les parents et frères des Ukrainiens tués, enfoncés dans le sol à coup de matraque par des sauvages.
J’espère que ton frère a connu « une mort douce » comme celle que chante Bernard Haillant. Avoir le temps (c’est à dire pas trop!) et le bel environnement pour arriver dans la mort tout simplement, c’est que je nous souhaite à tous. J’ai conscience pourtant que c’est un privilège bien rare…
Amitiés mon cher Gérard ; on pense à toi et à ta famille…
Bonsoir Gérard,
Bien sûr, je ne connaissais pas ton frère, mais ton superbe texte m’a rapproché de lui, et de tous ceux qui ont cette conscience de notre bref passage sur cette planète.
Tôt ou tard, ce sera notre tour, et pour continuer à exister dans la société humaine, je pense que nous devrions laisser une marque de notre passage, sous une forme qui nous va bien.
A bientôt
Merci à toi pour ces beaux textes et cette poésie, sans frère et soeur, c’est un vide, mais perdre un frère, un gouffre…
La vie est là, continue d’en profiter… A fond !
Très beau texte Gérard.
Toute mon amitié.
Mon cher Gérard,
J’étais très émue à l’annonce soudaine de la disparition de ton frère, alors que je me réjouis toujours quand j’aperçois dans mes mails un nouvel article de « C’est pour dire ». Ton texte est grave et juste, il prête au recueillement, dignement.
J’aime aussi le haïku que tu cites même si je n’arrive pas à m’en persuader…
Je t’embrasse de tout coeur.
sophie
Mon cher Gérard
je ne le connaissais pas
je te connais peu
mais les larmes qui coulent à cet instant sur mes joues me laissent entrevoir toute ton humanité
j’aimerais savoir le moment venu parler et écrire ainsi à ceux que j’aiment et qui partiront
tu adoucis la peur et la douleur par tes mots pleins de délicatesse
je t’embrasse tout simplement
Tu me dis souvent qu’il faut savoir vivre l’instant présent, savoir l’apprécier avec un minimum de satisfaction. En ce jour, la disparition de Jean-Pierre, ton grand frère aimé, me le confirme avec justesse et humilité. Le temps passe vite, trop vite, pour ne pas avoir envie de se sentir vivre et exister, ne serait-ce qu’un jour de plus. Adieu à toi mon cher oncle.
A toi Papa, ton fils qui t’aime.
Un frère… 79 ans. Que dire ? Que la mort c’est toujours trop tôt, surtout celle des gens qu’on aime.
Tes mots sont très justes.
Toutes mes pensées amicales, Gérard…
Je ne le connaissais pas mais tu l aimais c est suffisant
Recois toute mon affectueuse sympathie
Jean Claude
Cher Gérard,
J’ai lu ton texte avec beaucoup d’émotions.
Nos frères, nos soeurs nous ramènent toujours à notre enfance.
Toute mon amitié.
Dany
Merci d’en avoir ainsi parlé aux vivants (…)
« Emporté par l’heure trop brève,
Dans l’or du beau jour qui s’achève,
La vie ne serait donc qu’un rêve. »
mes trés sinceres condoleances gerard dans ce moment que que je sens trés dur pour toi.
et je découvre que c’était un collegue de france télécom.
René
Tes mots reflètent tout l’amour que tu lui portais et nous partageons ta peine.
Nous t’embrassons bien fort.
Claude et Marina.
Fraternelles condoléances, mon cher Gé !
Dépose un peu de ta peine sur mon épaule, et dis-toi que nous avons la chance d’avoir passé le cap de Reich sans trop d’encombres…
Cath me demande de te faire part de son amitié, elle qui sait ce qu’est l’amour d’un grand frère…
Ton éloge m’a ému, et rassure-toi, il est tout en pudeur.
Je t’embrasse très fort.
mon cher Gerard
ton texte est très beau.…ça te ressemble !
toute mon affection.…Titus
cher Gérard, je ne connaissais pas ton frère mais tu m” en avais parlé brièvement il y a quelques jours et j’avais senti ta peine lorsque tu parlais de son état de santé;le texte que tu as écrit pour lui rendre hommage est très touchant ; c’est magnifique de pouvoir dire des choses pareilles pour ceux qu’on aime !
je t’embrasse , Ghislaine
Quand un proche meurt, c’est un monde entier qui disparaît. A chaque fois c’est un immense trou qui déchire nos vies. Un trou que rien ne comble jamais. Tes mots remplis d’émotion nous vont droit au coeur. Mais, tous, y compris ceux qui sont partis, nous aimons ce monde parce qu’avant de mourir nous y vivons. Jean-Pierre aussi devait l’aimer, ça se voit sur la photo.
Condoléances et amitiés.
Vincent
Gérard,
Beaucoup d’émotion et d’Amour avec un grand A transparaissent dans ta peine.
Ta plume acérée, au sens noble de l’art a transcri ce message « fraternel » aux humains que nous sommes, puissant et sincère.
Je t’adresse Gérard mes trés sincères Condoléances,
avec mes frat amitiés
Pierre
Sincères condoléances Gérard
Tardivement, je me glisse dans le cortège des amis et me racle maladroitement la gorge. De tout cœur avec toi, mon cher Gérard. Toi et ta famille, bien sûr. La frangitude, c’est quelque chose, plus fort que la mort. Ce soir, ton Jean-Pierre devient Le frangin de tout le monde, sans le connaitre vla qu’il nous manque à tous. Tu le fais vivre Gérard, c’est beau.