À Samuel Paty : « Il vient toujours une heure dans l’histoire où celui qui ose dire que deux et deux font quatre est puni de mort. L’instituteur le sait bien ». Albert Camus, La Peste
© Ch.- M. Schulz (cliquer pour agrandir)
Le plus grand dérèglement de l’esprit, c’est de croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient, et non parce qu’on a vu qu’elles sont en effet.
Bossuet
La réalité vraie n’est jamais la plus manifeste.
Claude Lévi-Strauss
Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation.
Guy Debord
L’argument fondamental pour la liberté d’expression est le caractère douteux de toutes nos croyances.
Bertrand Russel
Le vrai miroir de nos discours est le cours de nos vies.
Montaigne – Essais, I, 26
La sagesse a ses excez, et n’a pas moins besoing de moderation que la folie.
Montaigne – Essais, III, 5
La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s’est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s’y trouve.
Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207 – 1273)
Il m’est odieux de suivre autant que de guider.
Nietzsche, Le Gai Savoir.
Il faudrait comprendre que les choses sont sans espoir et être pourtant décidé à les changer.
F. Scott Fitzgerald, Gatsby le magnifique, 1925
Il n’y a pas assez d’amour et de bonté dans le monde pour qu’il soit permis d’en prodiguer à des êtres imaginaires.
F. Nietzsche, Humain, trop humain, 1878
Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours.
Gandhi
Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges.
F. Nietzsche, Humain, trop humain, 1878
Sans savoir pourquoi j’aime ce monde où nous sommes venus pour mourir.
Natsume Soseki, Oreiller d’herbes
Que sais-je ? La devise de Montaigne
In girum imus nocte et consumimur igni.
Nous tournons en rond dans la nuit, consumés par le feu. Étrange, fascinant et profond palindrome.
Philippe Casal, 2004 Centre national des arts plastiques – Mucem, Marseille
Pas le temps !…
Sophia Aram : Aram comme Haram (illicite, opposé à hallal, licite) !
Pour dire vrai, je commence à en avoir plein les bottes de ces commémorations. Ça n’a pas tardé. Je ne m’appelle pas Charlie. Je n’irai pas à la manif. Et je pense que même Cabu et surtout Wolinski auraient préférés baiser que s’emmerder un dimanche aprém” dans les rues sous la pluie. Purée, je rêve, tout le monde est Charlie ? Qui le lisait ? Un million de thune tombe pour faire vivre les morts. Ça ne marche pas, c’est même vomitif.
Si le mec (genre Coluche qui cause) il aimait Charlie, ben il avait que acheter Charlie. Y avait des dessins avec des femmes à poils, ouah la rise. J’ai eu le malheur de dire la même chose sur Médiapart.
Je suis traité de merde et ferme ta gueule. Pourtant, moi, poli et tout. Les Tshirt Charlie, les pots de moutarde Charlie, les casquettes et porte-clés, c’est pathétique. Et surtout ça vient tard comme la thune de Fleure Péllerin et autres croquemorts. Non, non. Il faut donner la chance aux dessinateurs VIVANTS, jeunes ou vieux. IL FAUT que les journaux, papiers ou électroniques ouvrent leurs pages aux dessinateurs.
C’est un médium spécifique le dessin, propre et même sale à la presse. Les lecteurs sautent dessus. Car expression directe. Dans un dessin, on ne peut pas changer une ligne, une virgule, une intro, une chute. Bien sûr, je parle de dessin, pas des merdes besogneuses avec des noms sur des valises, des panneaux et plein de blabla.
On ne dessine pas à la radio comme tente de le faire croire France Inter. Les dessinateurs meurent de faim, de froid, de la médiocrité et de la trouille des patrons de presses. Les patrons de presse aiment Plantu qui fait l’instit” et pense lui aussi que les lecteurs ont besoin d’explications. Mais les lecteurs regardent ARTE et ne lisent pas que des torchons et devant la machine à café ou ailleurs, il y a des gens géniaux qui ramènent leur tronche, des grandes gueules et cela vaut bien un dessin parfois. Les lecteurs sont intelligents
Pourquoi Charlie ? Les mecs, les nanas (peu) les meilleurs crayons, ont dû créer leur journal pour s’exprimer et vivre. quel est le réd” chef aujourd’hui qui recevrait un Reiser, un Gébé, un Cabu ? Regarder 5 minutes seulement ses dessins ? Modestement, je relate un truc : un réd chef (et merde à son journal) me dit qu’il adore mes dessins. Mais, rajoute t‑il, les lecteurs ne comprendraient pas. Voila un exemple.
Le réd chef pense que ses lecteurs sont des crétins. Et il continue à leur servir la soupe tiède. Et surtout il n’a jamais regardé une image, il ne sait pas parler dessin. C’est pourquoi je n’irai pas à la manif. C’est pourquoi je continuerai à dessiner.
La grand messe des convaincus de la liberté ?
Mais ils sont où dans le civil ces révoltés du briquet et de la flamme au bord de la fenêtre ? Oui, je suis triste et amer ce soir. Et je n’aime pas les défilés.
Quand nos petits jeunes quittent leurs foyers pour rejoindre le djihad en Syrie, c’est qu’il n’ont pas trouvé leur compte chez eux : Facebook et le shopping du samedi ne les ont pas comblés.
Le fond du drame, c’est la misère intellectuelle, la misère morale et la misère spirituelle dans laquelle notre société immerge bon nombre de nos petits gars et à côté desquels l’expérience du chômage n’est peut-être qu’un souci marginal. Les frères Kouachi ont fait quelque chose de monstrueux mais ce n’était pas des monstres, juste des paumés graves.
Pour répondre à Sophie Aram. Face à ces carnages, dit-elle, « soit Dieu s’en contrefout, soit il n’existe pas ». Retenons une troisième hypothèse : Dieu est comme nous tous, complètement sonné par nos errements, terrassé. De chez moi, en tout cas, je l’entends murmurer : « que c’est dur d’être aimé par des cons ».
Mais comment donc Dieu pourrait-il être « comme nous tous », s’il est Dieu ?!
Question : « Mais comment donc Dieu pourrait-il être « comme nous tous », s’il est Dieu ? ! »
Réponse : « en s’incarnant ».
Le genre d’argument – si c’en est un – qui tue la raison et toute envie de discuter. Et quand je dis « l’argument qui tue », je parle bien de cette violence qu’on dénonce tant aujourd’hui. « Je suis Bossuet », ce bigot érudit : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes »… Dieu se marre, moi avec : je ris jaune tout de même. Pour moi, les religions sont une des causes premières des affrontements entre humains, notamment parce qu’elle valident des croyances fratricides, ou plutôt homicides et génocides ; lesquelles génèrent les injustices et les dérèglements sociaux qui alimentent l’autre série des « causes premières » de la violence intra espèce humaine. Je t’ai souvent dit que je considérais aussi comme religions le nazisme et le stalinisme. Je maintiens !
Je réponds en même temps à mon cher pote Langlois quand il parle de « violence prétendument religieuse » : si les frères Kouachi ont atteint l’abomination c’est bien au nom d’Allah et de leurs croyances assassines ! L’Histoire ne les a peut-être pas favorisés (admettons, et alors ? il y a d’autre moyens de s’élever au rang d’homme que de prosterner, refuser de serrer la main des femmes, etc. De plus l’un des Kouachi, a été employé à la Ville de Paris et viré en raison de ses comportements de musulman dévot ! (Lire ici) Bonnot aussi, celui de la Bande, CROYAIT à la rédemption par l’héroïsme anarchiste, une autre religion : laïque celle-là, mais tout autant imbécile, menant de toutes façons au mêmes résultats dévastateurs. Sans cette croyance, Bonnot aurait pu être un anar « normal », un brave mec, pacifiste sûrement… Les Kouachi, des mahométans « normaux » s’ils n’avaient été rattrapés par les extrêmes de leur religion, certes salement ravivés par les conditions géopolitiques, en Palestine comme on sait – situation elle-même conséquence – pas unique mais en grande partie– des affrontements historiques entre les trois monothéismes ! Ça ressemble beaucoup à une boucle infernale !…
Les postures métaphysiques (« Dieu n’existe pas », « il s’en fiche », « il souffre », etc..) sont certainement à prendre en considération dans toute cette actualité « Charlie » mais il importe d’être rigoureux.
1) La bande de Charlie ne s’est jamais positionnée sur la question de Dieu mais seulement sur le cul-bénisme (toutes religions confondues) et – bien plus largement – sur l’hypocrisie généralisée, qu’elle émane des milieux religieux ou politiques. Ce qui était notamment régulièrement dénoncé, c’était le décalage chronique entre les discours généreux (« les valeurs », « la république »…) et les pratiques (la puissance de de la finance avec la « bénédiction » des états…).
2) Le système actuel (marchand, productiviste, focalisé sur les « technologies »… bref : étroitement matérialiste) est un système qui ne peut fonctionner qu’en étant a‑moral (et non « immoral », comme s’obstinent encore à le penser les héritiers du marxisme et les adeptes des bons sentiments.
3) Le problème fondamental, ce n’est pas la « crise économique » (si on le croit, on reste enferré dans le matérialisme !) mais un malaise spirituel et moral profond et durable.
4) Pour un certain nombre de nos jeunes acculturés, ce malaise n’étant pas conscientisé (« la courbe du chômage » et celle du pouvoir d’achat occupant toute la scène du débat), la quête de sens passe par des engagements irrationnels et extrémistes : ils sentent qu’ils n’ont « plus rien à perdre » à s’engager dans ces voies, à commencer par la vie.
5) Les motifs invoqués (Dieu, l’image du prophète…) ne sont que des prétextes, comme on pouvait en trouver dans les engagements ultra-gauchistes des années 1970.
6) Dieu n’a donc rien à voir avec toute cette tragédie mais « les cons qui l’aiment » (Cabu), la misère spirituelle morale et tout simplement intellectuelle. Quand on vient de commettre un attentat et qu’on laisse traîner sa carte d’identité, je sens moins la présence de Dieu que l’absence de neurones.
7) Les frères Kouachi et Amedy Coulibaly étaient avant tout trois « pauvres cons », au sens premier de ces termes : « pauvreté » = « misère » ; « connerie » = « incapacité à discerner quoi que ce soit autour de soi et en soi ».
8) L’occident (j’assume ce mot) ayant généré un système monstrueux de cynisme… et donc de « connerie » (absurdité), il ne peut générer, par réaction, compensation, que de la violence.
9) En tant que fauteur de troubles, l’occident doit prendre une part particulièrement active dans la réparation des dommages, l’élaboration d’une éthique nouvelle (puis, seulement ensuite) d’un projet politique et de sa concrétisation (sortie indispensable de l’hypocrisie).
10) Les seules réponses aux terrorismes (en particulier le religieux, parce qu’il est par nature le plus extrémiste que les autres) sont :
– le travail de chacun sur soi,
– le dialogue et l’écoute (par exemple sur ce blog, mais c’est mieux quand ça se passe dans la vraie vie…)
– l’éducation, la transmission de ceux qui y voient un peu plus clair vers les autres.
Pierre
« Le genre d’argument – si c’en est un – qui tue la raison et toute envie de discuter. »
1) Ce n’est pas un argument.
2) Ca ne tue pas la raison : ça la regarde et l’irrigue.
3) Ca ne tue pas l’envie de discuter, ça valorise le silence dans une société du bavardage et du bruit : « trop d’infos tuent l’info ».
Comprend qui peut. 🙁