Road chronique américaine – 6 – Colorado. Même le sheriff prend de la hauteur
Suite du périple états-unien de Robert et Gérard
25 avril 2015, samedi, Colorado
Épisode « plus », toujours plus, etc. Selon le credo désormais si répandu de la croissance rédemptrice. Ici, c’en est la Mecque, si j’ose dire (j’ose). Tout est plus, donc, et de préférence « world famous », au nom de l’imperium. Mon ami Bob, Québécois pur érable, est aussi Nord-Américain. Il aime la country (déjà prouvé), le steak saignant (pas seulement), des charcuteries bizarres au goût de sucre et d’on ne sait quoi. Il adore l’Amérique tout autant qu’il peut la détester s’agissant de ses excès – non, seulement de ses outrances. Alors, le Bob a voulu grimper sur le toit du monde US, non pas à pied, certes non, mais en empruntant la voie ferrée du Pikes Peak Cog Railway, le Train à crémaillère du pic Pikes.
Évidemment, j’ai adhéré à cette extravagance bon enfant, redoutant un peu le traîne-couillons local. Car, franchouillard sur les bords, je connaissais le Train jaune des Pyrénées, n’est-ce pas ?… J’aurais été con : ne s’agit-il pas moins du World's Highest cog train, ascending Pikes Peak in all seasons, permettez, le plus haut train à crémaillère du monde, atteignant le pic Pikes en toutes saisons. « Enjoy the invigorating grandeur ! », ajoute le dépliant, sans exagérer, pour le coup : 14 110 pieds, soit 4.300 mètres au sommet en partant de 1.900 mètres, des pentes à 14 %, une heure et demie dans chaque sens. Le diesel qui s’accroche à la crémaillère, avec ses deux wagons et ses deux cents passagers, semble parfois sur le point de flancher. Deux zones de croisement permettent la rotation des deux trains (de fabrication suisse).
À bord, une hôtesse d’un âge incertain, « chauffe » le Touriste de sa voix très nasillarde, pimentant d’anecdotes usées l’histoire de la ligne, insistant sur le sublime du paysage, l’héroïsme des chercheurs d’or (on voit une ancienne mine au loin)… Certes, la vue est grandiose – quelques photos le diront assez, les miennes s’ajoutant au mitraillage continuel, n’insistons pas.
Bientôt, nous voilà dans la neige – le Québécois dit ne pas vouloir regarder, lui qui sort à peine de l’hiver canadien ! Par endroits la couche dépasse la hauteur du train ; la voie doit être déneigée chaque jour. Au sommet, libération pour une demi-heure ! Quelques-uns vont braver la neige, celle qui tombe et l’amoncelée qui cède sous les pieds touristiques ; d’autres iront consommer au super-marché des souvenirs, se réchauffer auprès de la marchandise en ses sommets.
Ça caille sec, si je puis oser ce raccourci. Surtout, l’oxygène se fait rare, les guiboles ramollissent, les vertiges menacent. On parvient au belvédère, là où l’on se fait tout spécialement prendre en photo.
Lieu et moment historiques, en ce sommet victorieux où un monument témoigne d’un autre mythe américain, ainsi que le raconte Robert :
« Ce qu’on voit là, ce sont les paroles gravées dans le bronze de America The Beautiful. C’est le second hymne patriotique américain, celui qui se chante la main sur le cœur, quand le premier, l’officiel Star-Spankled Banner (La Bannière étoilée), se chante la main au képi… Chaque année lors de grands événements sportifs comme le Super Bowl (championnat le plus prestigieux du football américain), un artiste chante America The Beautiful avant le début du show ou du match. Alors, si on trouve le texte de cette chanson au sommet du Pikes Peak, c’est parce qu’il a été écrit sur cette montagne, à mi-chemin de celui qu’on a gravi en train. Son auteur, Katharine Lee Bates, devait le publier comme poème dans The Congregationalist, en 1895. Il fut ensuite mis en musique par Samuel A. Ward et devint bientôt le “second hymne”, repris par des dizaines de chanteurs comme Elvis Presley et Frank Sinatra ; il figure aussi couramment dans les recueils de chant des congrégations religieuses. »
Nous quittons Manitou-Springs (le Manitou est le chef spirituel chez les Amérindiens), charmante station de montagne aux boutiques stylées ; direction Denver avec l’intention d’une étape de camping sauvage. Hésitant sur la sortie d’autoroute à prendre, Robert alors à la barre, redresse et mord légèrement sur le marquage au sol, déclenchant aussitôt derrière nous un déluge d’éclairs rouge et bleu… Surgi d’on ne sait où, c’était le diable en uniforme de sheriff… Leçon de conduite, papiers, contrôle depuis la voiture. Derrière l’étoile bien astiquée, l’homme est aussi ferme que courtois, sinon aimable. Tout étant en ordre, il se propose de nous « couvrir » jusqu’à la bonne sortie et, là-dessus, nous remet sa carte de visite avec son grade, son matricule et son numéro de téléphone ainsi que celui de sa patrouille pour une aide éventuelle ou un commentaire à notifier sur les conditions de son intervention. Le tout, dans le but, exprimé au dos de la carte, de promouvoir les valeur d’Honneur, de Devoir et de Respect… On croit rêver !
GERARD ‚REVIENS!.…..VITE
Dans ce cas, j’arrive ! (Mi-mai quand même…)
les Mecs, si j’ose dire (j’ose).…/…les valeur(s) d’Honneur, de Devoir et de Respect…
« Ils l’ont fait ! »
Pas d’amende et des bons conseils. C’est formidable !
(Surgi d’on ne sait où, c’était « l’ange » en uniforme de shérif…)
Scrogneuxgneux ! Le shérif him self !
J’ose espérer qu’il a posé sur son crâne son grand chapeau pour vous aborder. Je comprends que La taille du couvre chef puisse être gênant dans la voiture…
Le porteur du chapeau est souvent fort large également.
Non, tête nue, boule à zéro !
Ah, comme c’est balancé, cher Ponthieu. Auras-tu une pensée pour les anciens combattants du 1er mai ? Parait que manif ou muguet, ce sera sous la pluie. Bon vent à vous deux. J’attends la suite.
Oui une pensée, mais nous ne serons pas à Chicago avant le 3 ou 4 mai. Pensée pour toi, oui !