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Journalisme. Petite leçon entre la pêche au ton et le ton qui pèche

Article republié.               1republication le 7 janvier 2011.  Une "repasse"  plus que jamais d'actualité, hélas ! 

[dropcap]Déjà[/dropcap] à la radio… À la télé c'est encore pire : ce formatage journalistique qui ravage grand nombre de commentaires et de reportages. Il fut un temps où je m'échinais à les pointer du pied (de bronze, d'argent et d'or, mes fameuses Pantoufles [ref] Un fidèle, attentif et exigeant lecteur est donc allé jusqu'à mes "Pantoufles", sur mon ancien blog alors hébergé chez lemonde.fr mais, partant de là, a trouvé porte close s'agissant du "papy breton" qui a mené Georges Pernoud en bateau… Il devrait cette fois le retrouver ici.[/ref] connurent leur gloire – tapez aussi  "pantoufles" dans la case de recherche). Et ils ont fini par me fatiguer et m'avoir à l'usure.

"Ils", ces journalistes de la facilité : vite-fait mal-fait, pas d'élan et encore moins de mise en perspective; vernis culturel qui craquèle au premier questionnement évité ; vocabulaire chétif, orthographe racho, syntaxe à l'agonie. Et puis il y a le ton de l'audiovisuel, la fameuse pêche au ton… "Le ton Coco ! Appuie sur les mots, mets du rythme, ponctue, vingt guieux, comme dans la pub !" Et c'est le ton qui pèche. D'autant qu'il vient "servir" le récit, le fameux scénar de l'info-spectacle : "Ce soir là, Chantal Lanvin rentre dans sa lointaine banlieue après une dure journée. Infirmière à l'hôpital de la Pitié…" Sa boulangère : "Une femme sans histoire, jamais on aurait pu penser que…" Et caetera, avec ce qu'il faut de bourdonnement musical (le bruit de fond…) qui appuie sur le drame montant et que renforce toujours le fameux "ton"… Sans oublier, défense de rire, les encore plus fameux micro-trottoirs – ce niveau zéro du "journalisme" – par lesquels prospère la mystérieuse "opinion". Ainsi se poursuit le formatage, au fil des générations de formatés dans les centres et écoles de formation. Formatage conjoint des journalistes et de leurs publics, construction lente et solide des modes de pensée et de comportement, jusqu'au langage même, ses clichés, ses mots à la mode – son prêt-à-penser. Et vogue la démocratie…

Une "évolution" journalistique qui tient à plusieurs facteurs, causes et conséquences d'une dégradation touchant nos sociétés. Parmi ces facteurs, l'un des principaux, à mes yeux, réside dans le concubinage très avancé entre information et com' – je distingue bien la communication, branche de la psychologie, pour dire vite, de sa vulgate entachée de pub' et de stratégie politique autant que marchande. C'est un tournant dans l'histoire de la presse, une sorte de virage en épingle à cheveux avec sortie de route annoncée.

Ils ne mourront pas tous, mais la plupart sont atteints – surtout dans l'audio-visuel, pour ce qui est de l'affadissement journalistique. Non pas tant dans les choix de sujets (pas toujours) que dans leur traitement, cette mise en forme par laquelle un fait devient in-formation et nous autres in-formés. Le fond et la forme s'étant rejoints dans un tout alors satisfaisant. Quand ce n'est pas le cas, eh bien, ça claudique, c'est bancal. Illustration par l'exemple avec ce montage piquant réalisé par deux journalistes de Télérama.

 


Le ton journalistique : petite leçon de formatage [8 mn] Réalisation : Hélène Marzolf, Pierrick Allain

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10 réflexions sur “Journalisme. Petite leçon entre la pêche au ton et le ton qui pèche

  • faber

    Et ouiche cher Ponthieu, écou­tant le poste d’un main, je pen­sais à toi, et même à nous ce mat, en enten­dant le bla­bla des jour­na­listes sur leur jour­na­lisme. L’avenir du jour­na­lisme ha ha ! L’avenir des moules d’Oléron, l’a­ve­nir du futur ! Du spec­tacle en effet. Une bouillie consti­tuée de com” avec des petits mor­ceaux d’in­fo dedans. Mon fils me demande du coup, faut quoi pour pas­ser dans la radio. Je lui fais la liste des com­pé­tences et tout. Mais, rétorque le fis­ton, pour faire comme les rigo­los qu’on été virés (genre Guillon), faut faire quoi ? Argggg ! Tu vois de suite, Ponthieu, qui a pas grand chose à voir ni à entendre en dehors du mer­dier occi­den­tal comme le nom­mait si bien Christiane Rochefort. Et de retour­ner au bout du jar­din bêcher mes patates. Car il y a une vie après le jour­na­lisme, une vie genre Another year dont tu par­lais si bien l’autre jour.

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  • Amusant… Tu as devan­cé l’é­mis­sion de France-Inter « Service Public »???
    Moi, en ce qui concerne mon sujet de pré­di­lec­tion, j’ai consta­té à de nom­breuses reprises que la gent jour­na­lis­tique est sous-infor­mée sur la ques­tion lin­guis­tique, donc fait le silence sur l’al­ter­na­tive « espé­ran­to ». Par exemple en 2005, silence total sur le rap­port Grin…
    Résultat : la créa­tion de « EDE » pour les élec­tions euro­péennes, qui a cer­tai­ne­ment gêné les « vrais » par­tis poli­tiques : à qui la faute???

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  • Bianco Michel

    Je conseille a ce sujet la lec­ture du livre Les Petits Soldats du jour­na­lisme de Fran­çois Ruf­fin (Les Arenes)

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  • Dominique Dréan

    Si j’en crois les bonnes feuilles, que l’on peut consul­ter sur le site d’Arrêt sur images, « Crise au Sarkozistan », un bou­quin pré­fa­cé par Daniel Schneidermann (qui ne l’a pas écrit, bien enten­du…) fait une bonne place aux jour­na­listes puisque le mama­mou­chi cari­ca­tu­ré (dans tous les sens du terme) dès le pre­mier cha­pitre est Jean-Pierre Elkabbach. Je ne peux rien en dire de plus : je viens juste de le commander…et je me régale d’avance.

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  • L’info et la com ? Y’a pas eu un vieux bou­quin sur le sujet ? C’est « pour dire Com » que ça se nom­mait. Ou presque. L’information for­ma­tée… il y a un voca­bu­laire tech­nique, en prin­cipe réser­vé à son trans­port, qui lui va comme un gant. De fer. Par exemple le MPEG1/​2 Audio Layer (2, 3 ou 4), plus sim­ple­ment nom­mé par son petit nom : mp, comme mili­ta­ry police. Il a gagné sa domi­na­tion grâce à sa capa­ci­té de réduire dras­ti­que­ment la quan­ti­té de don­nées néces­saire pour res­ti­tuer de l’au­dio. Du son poli­cé pour peaux lis­sées au lif­ting de l’in­fo spec­tacle. Il y a aus­si son com­père Zip. A ne pas confondre avec le zip de la fer­me­ture éclair, même si on peut se deman­der si le cer­veau, centre d’é­mis­sion, n’est pas depuis long­temps des­cen­du sous la cein­ture, au niveau de la bra­guette zipée. Non, le Zip moderne, c’est la com­pres­sion. Oui, l’in­for­ma­tion con pri­mée. Finie la mise en pers­pec­tive, les sujets sont empi­lés et coin­cés dans une même boite. Sans aspé­ri­tés sur­tout, du lisse dans le tuyau, rien que du lisse. Et c’est gagnant à tous les coups dit la pub : « Win with WinZip ». Car vous êtes au cou­rant de l’in­fo essen­tielle de l’é­poque : « And the win­ner is… ». C’est là que s’embrassent sus­pense et info. Pour le meilleur et pour le pire. Vous n’ai­mez pas le fris­son, le spec­tacle ? Dommage, nous n’a­vons plus que cela en rayon.

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  • Dis donc, tu repu­blies beau­coup en ce moment ! C’est la cagne sur la Canebière ?

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  • L’Otrhorgahpe d’a­bord. Le refus de l’an­gli­cisme, de l’ar­got, du ver­lan, des abré­via­tions, acro­nymes et mots valises (à chaque phrase). Évidemment, au moins une culture mini­mum (niveau Bac +5) et si pos­sible spé­cia­li­sée côté pas­sion… (Pour moi, « La Photographie ». La vraie.)
    J’aimerai lire chez vous, cher Gérard, en com­men­taires, les appré­cia­tions d’élèves en écoles de jour­na­lisme voire poli­tiques, d’aujourd’hui… Hors de votre cénacle ami­cal qui ne me sur­prend plus.
    Bref et qu’im­porte l’ensemble, n’en res­te­ra que le titrage, un peu de « cha­pô », beau­coup de « blagues rin­gardes ». En lec­tures ou écoutes, plau­sibles, zap­pées de biais, comme accroches de « pub », c’est à dire de Com”. 

    En sou­ve­nir de nos métiers ubé­ri­sés, dérè­gle­men­tés, cen­su­rés. Désargentés.
    Étrange pêche au thon ? Quant à l’information…/…

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  • Jeannot

    Je passe le concours à l’ESJ de Lille demain ! Pas encou­ra­geant de vous lire… Mais je suis quand même d’ac­cord avec le fond, il faut appuyer là où ça fait mal. Vu le nombre de can­di­dats (je ne sais trop : plus de mille ou deux mille ?), j’ai tout de même peu de chances de venir redres­ser la barre…

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    • C’est Martial Maurette qui va être content ! (cf. com­men­taire ci-des­sous). Tous mes voeux pour la relève ! Le hasard a vou­lu que je ren­contre hier soir un autre can­di­dat au concours de l’ESJ (j’y suis pas­sé, il y a… je le dis quand même : un demi-siècle, c’é­tait hier !). J’ai vu mon­ter l’en­goue­ment pour ce métier tou­jours indis­pen­sable et pour­tant si dévoyé – et même mena­cé comme le montre le der­nier rap­port de Reporters sans fron­tières. Un engoue­ment sou­vent mêlé de roman­tisme et aus­si, pour la bonne cause, d’i­déa­lisme. Les deux s’ac­cordent mal, en une confu­sion qui nuit à l’in­for­ma­tion réelle et donc à la démocratie.

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  • Tellement déso­lante cette mode de dégui­ser l’in­for­ma­tin en fic­tion pour la rendre plus sédui­sante. EnCore la pré­pon­drance de la quan­ti­té sur la qua­li­té, le cré­do des audi­ma­theux. Là où l’es­poir rentre dans sa coquille comme une tor­tue des Galapagos désa­bu­sée des tou­ristes, c’est que cette pan­dé­mie réduc­trice et pué­rile atteint le monde entier, comme les oreillons, la grippe, ou la bêtise chro­nique, cher Gérard de l’autre côté de la mare.

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